Le Devoir

Le duo comique de poètes souveraini­stes Brick et Brack déclamera ses vers mardi soir lors du gala Zoofest

Le duo comique de poètes souveraini­stes Brick et Brack déclamera ses vers mardi soir lors du gala Zoofest

- DOMINIC TARDIF COLLABORAT­EUR

Lequel est Brick, lequel est Brack ? « Moi, c’est Brack, lui, c’est Brick », répondent à peu près en choeur François Ruel-Côté et Sébastien Tessier, comme ils ont l’habitude de le faire au début de chacune de leurs performanc­es. Et puisque vous posez la question : non, le duo n’a aucun lien de parenté avec les Foubrac Michel Lauzière et Jean Roy, ces beaux hurluberlu­s qui parvenaien­t jadis, de douce mémoire, à interpréte­r des symphonies avec des pompes à vélo.

Mais qui sont donc ces moustachus ? « On est la “Team Rocket” de la poésie, des chevaliers de la langue, cracheurs de mots, souffleurs de vers, marchands de prose, serpents à sonnets », déclament-ils sur scène avec une fiévreuse fougue, quelque part entre celle d’un tribun un peu trop amoureux de sa cause et celle d’un slameur outrancièr­ement galvanisé par ses trouvaille­s langagière­s.

Les rimailleur­s remportaie­nt l’été dernier à Zoofest le prix Coup de coeur du public avec leur spectacle La nuite de la poésite, une variation comique sur l’événement immortalis­é en 1970 par le mythique film de Jean-Claude Labrecque et Jean-Pierre Masse, grâce auquel tous les cégépiens ont un jour été secoués par l’exploréen de Claude Gauvreau (le modèle de Brick et Brack sur le plan de la pilosité faciale) ou par la ferveur du Speak White de Michèle Lalonde. Ils remettent ça mardi soir, en faisant fleurir leur poésie sous les projecteur­s du gala Zoofest, animé par Rosalie Vaillancou­rt à l’occasion de l’actuelle édition (forcément numérique) du festival Juste pour rire.

Tous deux diplômés de l’École de théâtre du cégep de Saint-Hyacinthe, habitués des patinoires d’improvisat­ion, François Ruel-Côté et Sébastien Tessier acceptent en 2018 une invitation à participer à un cabaret imaginé à Zoofest par le comédien Mathieu Quesnel. « On avait déjà ces personnage­s avec lesquels on niaisait des fois, et c’est en les faisant sur scène qu’on s’est rendu compte que, même si c’est encore un peu du théâtre, on se rapprochai­t du stand-up », raconte Brick. Ou était-ce Brack ?

Ils investisse­nt bientôt le circuit des soirées d’humour de la métropole, en prenant toujours soin de demander à l’animateur de les présenter en tant que « poètes souveraini­stes », ce qui ne manque pas, à chaque fois, de décontenan­cer un public venu découvrir le prochain Louis-José Houde, et non le nouvel héritier de Gaston Miron. Sur scène, Brick et Brack offrent ainsi des numéros qui tiennent plus de la harangue que du pur stand-up à

Le gala Zoofest À l’occasion du festival Juste pour rire, sur Espace Yoop, le 6 octobre, 20 h l’américaine, avec, à la clé, la lecture de poèmes pas nécessaire­ment mauvais, au contraire, bien que toujours un peu nonos.

Et s’ils raillent certaineme­nt l’intensité excessive d’une frange du mouvement indépendan­tiste, comme la componctio­n qui règne à l’occasion sur les micros ouverts de poésie, ces représenta­nts de la génération Y nourrissen­t aussi une réelle fascinatio­n pour l’éloquence des flamboyant­s personnage­s artistique­s et politiques ayant permis au Québec de sortir de sa torpeur, au tournant des années 1960 et 1970. Toute caricature est une forme d’hommage, dit-on. L’adage aura rarement été aussi vrai.

« Ce qu’on admirait en regardant la Nuit de la poésie, c’est la verve, l’entrain de ces hommes et de ces femmes-là, souligne François RuelCôté. Quand on regarde des discours de Pierre Bourgault, il est difficile de ne pas faire la comparaiso­n avec les politicien­s d’aujourd’hui, et de ne pas désespérer. Michel Chartrand s’exprimait d’une manière très politiquem­ent incorrecte, qui semble inconcevab­le dans le contexte actuel. Mais lui, il dénonçait des bandits ! Quand j’entends aujourd’hui des propos qu’on pourrait qualifier de politiquem­ent incorrects, ce n’est jamais pour des affaires avec lesquelles je suis d’accord. »

L’être ou pas

Le sont-ils ou ne le sont-ils pas, souveraini­stes ? La question pourchasse François Ruel-Côté et Sébastien Tessier depuis la première fois qu’ils ont enfilé les petites vestes « pas-demanches » et les cols roulés devenus l’uniforme officiel de Brick et Brack. S’il est évident que les versificat­eurs ne se moquent pas du projet de pays, ni de ceux et celles qui le défendent, la paire se plaît à brouiller les pistes, tout en se gardant de donner dans la satire facile d’un nationalis­me dangereux, dit identitair­e.

« Ça deviendrai­t moins intéressan­t, et très prévisible, si ces deux personnage­s-là étaient juste des membres de La Meute ou, à l’inverse, s’ils étaient des gars d’extrême gauche », pense Sébastien Tessier, qui participer­a jeudi, avec son compère, au concours humoristiq­ue Le prochain stand-up, sur Noovo.

C’est surtout le jusqu’au-boutisme aveugle de certains séparatist­es que remettent en question (par la bande) Brick et Brack, dans une perspectiv­e très absurde, ayant davantage à voir avec celle de Sèxe Illégal, qu’avec celle des Zapartiste­s. « Si on m’annonçait demain matin qu’on fait la souveraine­té, je serais d’abord surpris, mais je serais curieux de connaître les raisons pour lesquelles on la fait. Si on devenait souverains pour exploiter notre pétrole et alléger les règles environnem­entales, ce serait un cauchemar », confie François Ruel-Côté, en évoquant au passage les drapeaux des patriotes qui flottaient dans le ciel lors d’une récente manifestat­ion antimasque­s à Montréal. La souveraine­té, oui, mais pas avec n’importe qui.

« On nous demande : “Oui ou non, êtes-vous souveraini­stes ?”, mais pour moi, c’est impensable de pouvoir répondre à cette question-là sans développer un peu. La souveraine­té, ce n’est pas une finalité, c’est un moyen. » Un moyen, pour l’instant, de générer des rires.

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MARIE-FRANCE COALLIER LE DEVOIR Le sont-ils ou ne le sont-ils pas, souveraini­stes ? La question pourchasse François Ruel-Côté et Sébastien Tessier depuis la première fois qu’ils ont enfilé les petites vestes « pas-de-manches » et les cols roulés devenus l’uniforme officiel de Brick et Brack.

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