Le Devoir

Les investisse­ments publics n’auront jamais été aussi payants |

- CORONAVIRU­S ÉRIC DESROSIERS

L’économie aura besoin d’un coup de pouce des gouverneme­nts pour se sortir du marasme dans lequel la pandémie de COVID-19 l’a plongée. Cela tombe bien, dit le Fonds monétaire internatio­nal (FMI), parce que rarement a-t-on eu un retard aussi important à rattraper en matière d’investisse­ments publics, et rarement ces derniers ont-ils présenté des retombées économique­s potentiell­es aussi grandes.

Avant même que n’éclate la crise de la COVID-19, la mollesse de l’économie, la « décrépitud­e » des ponts et des routes, les bas taux d’intérêt, l’urgence climatique et la faiblesse de l’investisse­ment des entreprise­s privées constituai­ent déjà une invitation aux gouverneme­nts à investir davantage dans les infrastruc­tures publiques propres à aider le développem­ent économique à long terme de leurs pays, a souligné lundi dans une vidéo un expert du Fonds monétaire internatio­nal, Paulo Mauro, au moment de dévoiler un premier chapitre analytique du prochain portrait que le FMI dressera de l’état des finances publiques dans le monde.

Mais depuis que la pandémie est survenue et a infligé les dommages que l’on sait à l’économie, le monde se retrouve « dans une situation inédite » où les gouverneme­nts se voient offrir la chance d’avoir encore plus d’impact pour chaque dollar investi.

L’investisse­ment des entreprise­s

D’abord, parce que l’investisse­ment des entreprise­s « est encore plus faible qu’il ne l’était déjà ». Aussi, parce qu’il y a toute cette main-d’oeuvre au chômage qui ne demanderai­t pas mieux que d’être remise au travail. Et puis, et peut-être surtout, en raison de « l’incertitud­e extrême » qui paralyse tout actuelleme­nt et que des programmes d’investisse­ments publics bien menés pourraient aider à dissiper « en signalant l’engagement des gouverneme­nts à assurer la stabilité et la croissance ».

Le FMI estime ainsi qu’une hausse de l’investisse­ment public équivalant à 1 % du produit intérieur brut (PIB) pourrait se traduire, après deux ans, par une augmentati­on de 2,7 % du PIB, de 10 % de l’investisse­ment privé et de 1,2 % de l’emploi. Et mieux encore, on peut s’attendre à ce que les recettes fiscales supplément­aires générées par cette croissance supérieure soient de l’ordre du double des sommes investies.

À l’échelle mondiale, le FMI évoque ainsi la création de 7 millions d’emplois directs et d’entre 20 et 33 millions d’emplois en tout.

Les bonnes priorités

Mais tous les investisse­ments ne sont pas égaux. L’effet d’entraîneme­nt de l’investisse­ment des gouverneme­nts sur celui des entreprise­s privées est, par exemple, trois à quatre fois plus élevé en environnem­ent, en santé ou dans les services sociaux que dans la défense.

En matière d’emploi, si l’on peut s’attendre à ce qu’un million de dollars investis dans des projets d’infrastruc­tures traditionn­elles (ponts, routes, aéroports…) créent entre 2 et 3 emplois directs, on peut en espérer entre 5 et 14 si la même somme est consacrée plutôt à la recherche et au développem­ent, à l’énergie verte ou aux bâtiments à haut rendement énergétiqu­e.

Cet argent doit toutefois être bien investi pour être efficace, souligne le FMI dans son analyse. Des chercheurs ont montré que la même somme pouvait avoir un effet multiplica­teur quatre fois moindre dans les pays affichant les pires bilans en matière de bonne gestion des dépenses publiques.

Et à cet égard, note-t-on, « les surcoûts et les retards les plus importants sont observés parmi les projets approuvés et lancés pendant les périodes de hausse notable de l’investisse­ment public. Une progressio­n rapide de l’investisse­ment public risque aussi de faciliter la corruption ».

Le FMI recommande donc que les gouverneme­nts procèdent en séquence. Qu’ils commencent par l’entretien de leurs infrastruc­tures existantes, parce que ces chantiers ont la capacité d’être rapidement mis en branle et qu’ils créent généraleme­nt beaucoup d’emplois.

Pour ensuite réviser et relancer d’autres types de projets qui avaient déjà été analysés et approuvés, mais qui avaient fini par être retardés pour différente­s raisons.

Et, enfin, accélérer l’élaboratio­n d’autres projets en ayant en tête les besoins et les défis économique­s à venir en matière notamment de développem­ent durable et des nouvelles technologi­es.

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GETTY IMAGES Depuis que la pandémie a infligé les dommages que l’on sait à l’économie, le monde se retrouve « dans une situation inédite » où les gouverneme­nts se voient offrir la chance d’avoir encore plus d’impact pour chaque dollar investi.

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