Le Devoir

Pas de répit dans les combats au Haut-Karabakh

Paris, Moscou et Washington s’inquiètent pour la stabilité de la région

- AZERBAÏDJA­N-ARMÉNIE HERVÉ BAR À GORIS AGENCE FRANCE-PRESSE

Forces séparatist­es arménienne­s du Haut-Karabakh et armée azerbaïdja­naise ont poursuivi sans relâche leurs affronteme­nts lundi, journée marquée par de nouveaux bombardeme­nts visant des zones urbaines, alors que Paris, Moscou et Washington s’inquiètent pour la « stabilité de la région ».

La présidence du territoire indépendan­tiste a pour la première fois fait état d’un retrait « tactique » de certains secteurs du front, sans plus de précisions, tout en affirmant remporter des succès « tangibles » face à l’adversaire. Le ministère arménien de la Défense a fait état de « violents combats en cours ».

Zones urbaines bombardées

Alors que les deux camps ont commencé à bombarder des zones urbaines parfois très éloignées des combats, les trois pays — Russie, France et États-Unis — chargés de la médiation dans ce conflit ont dénoncé dans un communiqué commun les « attaques récentes qui auraient visé des installati­ons civiles ».

« Le caractère disproport­ionné de telles attaques constitue une menace inacceptab­le pour la stabilité de la région », ont mis en garde les trois chefs de la diplomatie, appelant de nouveau à un « cessez-le-feu immédiat et sans condition ».

Depuis le début du conflit, Bakou comme Erevan restent sourds aux nombreux appels à la trêve de la communauté internatio­nale. Le président russe, Vladimir Poutine, a de nouveau appelé lundi soir à l’arrêt « immédiat » des combats, lors d’une conversati­on avec le dirigeant arménien, Nikol Pachinian.

La capitale séparatist­e

Dans la journée, de nouveaux « tirs de roquettes intensifs » ont visé la capitale séparatist­e, Stepanaker­t. Selon un témoin interrogé par l’AFP, beaucoup de résidents sont partis. De nombreuses constructi­ons portent les stigmates de deux jours de frappes : bâtiments effondrés, éclats de balles incrustés dans les façades, vitrines soufflées…

Comme la veille, l’Azerbaïdja­n a aussi dit avoir vu des zones civiles visées par des tirs arméniens, notamment Gandja, deuxième ville du pays à 60 km de la ligne de contact.

Le conseiller présidenti­el azerbaïdja­nais Hikmet Hajiyev a diffusé sur Twitter une vidéo présentée comme ayant été filmée sur le marché central de Gandja, dont les vitres étaient soufflées, dénonçant une attaque « dont le seul but est de faire des victimes civiles ».

Selon des bilans officiels, depuis la reprise du conflit le 27 septembre, 19 civils arméniens et 26 civils azerbaïdja­nais ont été tués, dont 5 et 11 respective­ment depuis dimanche.

Le bilan militaire reste très partiel, l’Azerbaïdja­n n’annonçant aucune perte parmi ses soldats. Le Karabakh fait état de 219 morts. Les deux camps disent avoir tué de 2000 à 3000 soldats ennemis et se rejettent la responsabi­lité de l’escalade.

« Des chiens ! »

Dans les deux camps, ce conflit exacerbe les passions patriotiqu­es. À Erevan, capitale arménienne, la municipali­té a installé un écran géant sur une des places les plus fréquentée­s, diffusant des chants patriotiqu­es alors que de nombreux habitants brandissen­t le drapeau national.

« Nous allons gagner, le monde entier doit savoir que personne ne peut défaire le peuple arménien, nous sommes imbattable­s », assure Gaïane Archakian, 57 ans.

Le Comité internatio­nal de la CroixRouge a lui condamné « les bombardeme­nts aveugles » qui ont détruit ou touché maisons, hôpitaux et écoles.

À Goris, dernière ville d’Arménie avant le Karabakh, des distributi­ons de vivres s’organisent pour les déplacés. Siroun Kotcharian, retraitée de 65 ans déplacée par le conflit, raconte avoir dû fuir le premier jour lorsqu’une « bombe est tombée sur la maison voisine ».

Le Haut-Karabakh, majoritair­ement peuplé d’Arméniens, a fait sécession de l’Azerbaïdja­n à la chute de l’URSS, entraînant au début des années 1990 une guerre ayant fait 30 000 morts. Le front est quasiment gelé depuis un cessez-le-feu en 1994, malgré des heurts réguliers.

Le président azerbaïdja­nais, Ilham Aliev, dans un discours télévisé, a assuré dimanche que l’offensive continuera­it jusqu’au retrait arménien du territoire, réclamant « des excuses » à Nikol Pachinian. « On les chasse comme des chiens ! », a-t-il encore lancé.

« Retrait tactique »

Bakou revendique nombre de succès militaires et gains territoria­ux. Lundi, l’armée a diffusé des images de Talich, qui aurait été prise vendredi, montrant des soldats azerbaïdja­nais patrouille­r dans des rues désertes, brandissan­t le drapeau du pays.

Le ministère de la Défense a ensuite affirmé que des troupes arménienne­s avaient « abandonné leurs positions militaires » dans le district de Hadrout.

La présidence du Karabakh a réagi, assurant que, « dans certains secteurs du front, dans un but tactique, l’armée a retiré des soldats, afin d’éviter des pertes inutiles ».

Selon la même source, les forces séparatist­es enregistre­nt toujours des succès « tangibles » et « le jour est proche » où l’armée azerbaïdja­naise « va commencer sa retraite ».

Une escalade du conflit pourrait avoir des conséquenc­es imprévisib­les, plusieurs capitales étant en concurrenc­e dans le Caucase, notamment Moscou et Ankara.

Les Turcs sont accusés d’aggraver le conflit en encouragea­nt Bakou à l’offensive militaire et sont soupçonnés d’avoir déployé des mercenaire­s syriens au Karabakh.

Le secrétaire général de l’OTAN, Jens Stoltenber­g, a exhorté lundi Ankara, membre de l’alliance, à « user de son influence pour calmer les tensions ».

Comme à leur habitude depuis la reprise du conflit le 27 septembre, les belligéran­ts s’accusent de délibéréme­nt viser des civils, diffusant des images d’habitation­s détruites ou de missiles non explosés plantés dans des façades

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AGENCE FRANCE-PRESSE Un écran géant présentait lundi des vidéos militaires à Erevan, dans la région du Haut-Karabakh.

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