Le Devoir

Bach contre vents et marées

Le Festival Bach de Montréal dévoile sa programmat­ion tout en ligne

- CHRISTOPHE HUSS

Fidèle à son plan de match, le Festival Bach de Montréal rend public mercredi le programme de son Festival 2020. Il se tiendra du 19 novembre au 6 décembre. Sous quelle forme ?

Il y a une question à laquelle la fondatrice et directrice du Festival Bach, Alexandra Scheibler, n’est pas en mesure de répondre : « Combien de moutures de la programmat­ion avez-vous réalisées ? » Mais le Festival 2020 devait être rendu public aujourd’hui. Il l’est.

« La situation n’est pas nouvelle », dit Alexandra Scheibler. « Le fait de tenir notre Festival en novembre a été un avantage. Par rapport aux festivals d’été qui ont été fermés, nous avions six mois pour nous retourner. Ce fut un stress continu puisque tout changeait constammen­t, mais on s’adapte à la situation. »

La programmat­ion initiale qui devait être annoncée en avril a été modifiée puisque le Festival Bach reçoit en général de nombreux artistes étrangers. L’ensemble a été reconfigur­é avec des artistes d’ici, par exemple Kerson Leong pour les Sonates et Partitas pour violon, Stéphane Tétreault pour les Suites pour violoncell­e, Yannick Nézet-Séguin pour la Messe en si, Bernard Labadie assurant avec les Violons du Roy un prélude au Festival, le 7 novembre.

« Il a toujours été clair que nous ne saurions pas quelle serait la situation, mais il était tout aussi clair qu’il était important de monter un festival pour envoyer un message positif au public et aux musiciens. »

Le direct à tout prix

La webdiffusi­on a donc fait partie de l’équation rapidement : « Il était clair que les salles ne pourraient être remplies à pleine capacité. Nous avons donc créé une plateforme, quebecbaro­que.com, qui sera inaugurée pendant le Festival, mais pourra être utilisée ensuite, par d’autres, en dehors. Le streaming ne remplace pas le concert, mais il doit être en direct, car nous sommes un festival et un festival a lieu en direct. »

Alexandra Scheibler note que « l’annonce récente du gouverneme­nt est pour 28 jours, donc nous ne sommes pas fermés et devons tout faire pour que quelque chose ait lieu et nous allons de l’avant » et cela même si la probabilit­é de présence du public va en s’amenuisant.

Avec la nouvelle situation, un des concerts, le dimanche 29 novembre, va perdre tout son sel. Filippo Gorini, jeune pianiste très en vue, devait jouer l’Art de la fugue en direct depuis Turin pour un public réuni à Montréal devant un écran géant. « C’était un concept neuf inspiré de ce que nous avions fait avec Yo-Yo Ma en 2018 : vivre en direct un concert organisé par le Festival Bach pour la première fois à l’étranger afin d’avoir une composante internatio­nale. »

D’autres initiative­s sont sur la sellette, comme les concerts « late night » de Stéphane Tétreault à 22 h 30 dans une salle de 40 personnes. « Que peut-il arriver ? Je ne sais pas. Mais tout ce qui est retransmis en direct sera enregistré et diffusé même sans public. Évidemment, si on ne pouvait plus se produire du tout, ce serait autre chose, mais, à l’inverse, si

Le streaming ne remplace pas le concert, mais il doit être en direct, car nous sommes un festival et un festival a lieu en direct

ALEXANDRA SCHEIBLER

la situation actuelle perdurait, certains streamings pourraient s’ajouter. »

La COVID a changé certaines choses pour le Festival Bach : « Nos discussion­s et relations avec les instances gouverneme­ntales ont été plus étroites et plus fructueuse­s qu’auparavant. Jamais nous n’avions un tel dialogue. Le Festival a été considéré et reconnu et on va tenter de nous aider. Sous quelle forme concrète je ne sais pas, mais les signaux sont bons », nous confie madame Scheibler. Les aides seront fondamenta­les, car les revenus de billetteri­e sont une part prépondéra­nte des recettes du Festival.

Comme l’OSM, la directrice du Festival Bach « trouve formidable l’engagement financier du gouverneme­nt pour la survie des organismes ». Par contre, madame Scheibler y attache un gros bémol : « Il est difficile pour les musiciens de jouer sans public. Et un festival sans public, c’est tout aussi difficile à vivre, puisque nous faisons tout cela pour le public. Ce qui nous remue et nous tourmente, c’est l’avenir, car le public est ce qui nous importe à nous, festival, musiciens et organismes qui travaillen­t avec nous. Le message émis suggérant que d’aller au concert n’est pas sécuritair­e et que c’est ce qu’on ferme en premier lieu est quelque chose de très lourd à porter. J’imagine que la situation est amenée à durer. Il faudrait alors très prochainem­ent lancer un signal contraire disant que ce que nous organisons est sécuritair­e. Sinon, je me fais du souci pour les prochaines années. »

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