Bourassa risquait d’être renversé, laisse entendre Trudeau
Non seulement Justin Trudeau n’a pas l’intention de présenter des excuses aux Québécois arrêtés sans justification pendant la crise d’Octobre, mais il accrédite la thèse — depuis longtemps déboulonnée — qu’un gouvernement parallèle était en préparation et que cela justifiait une intervention.
En entrevue à Radio-Canada mercredi, M. Trudeau a rétorqué au journaliste qui lui demandait si des excuses seraient présentées par Ottawa aux quelque 500 individus arrêtés il y a 50 ans : « Ils ont été arrêtés par la police fédérale, par la Sûreté du Québec ou par la police de Montréal ? » a-t-il demandé, frondeur.
« Je trouve intéressant, a continué M. Trudeau, qu’il y ait cette question que peut-être le gouvernement de Québec et la Ville de Montréal réfléchiraient au fait qu’ils ont demandé au fédéral d’amener cette Loi sur les mesures de guerre parce qu’effectivement ils avaient peur, ils étaient très inquiets de ces révolutionnaires qui voulaient renverser le gouvernement. »
Cette idée que certains essayaient de profiter de la crise d’Octobre pour renverser le gouvernement provincial de Robert Bourassa a été complètement discréditée depuis. Elle trouve sa genèse dans un scoop publié à l’époque par le Toronto Star affirmant que c’est la perspective d’un coup d’État qui a amené Ottawa à intervenir. Son auteur, le journaliste Peter C. Newman, a reconnu des années plus tard s’être fait enfariné et que ses sources avaient été Pierre Elliott Trudeau lui-même et son chef de cabinet, Marc Lalonde.
Selon le récit de ce scoop fait par M. Newman dans ses mémoires, M. Lalonde lui avait dit qu’« un groupe d’éminents Québécois complotent pour remplacer le gouvernent dûment élu de la province » et les meneurs en sont René Lévesque (alors chef du nouveau Parti québécois), Jacques Parizeau (professeur aux HEC et candidat défait pour le PQ), Marcel Pepin (chef syndical à la tête de la CSN) et Claude Ryan (directeur du Devoir). Les 4 hommes, ainsi que 12 autres personnalités, avaient invité publiquement Robert Bourassa à négocier avec le Front de libération du Québec (FLQ) la libération des deux otages.
« C’est une rumeur qui avait été plantée exprès pour faire encore plus peur au monde », relate le journaliste Louis Fournier, auteur de nombreux ouvrages sur cette période de l’histoire du Québec. Le son de cloche est le même du côté de l’ancien journaliste du Devoir Jean-Claude Leclerc. Il était membre de ce supposé gouvernement parallèle. Il déplore que M. Trudeau fils perpétue ce mythe. « Pauvre lui, il y a beaucoup de choses qu’il comprend mal. »
Justin Trudeau a par ailleurs indiqué que les excuses pour les arrestations d’il y a 50 ans ne sont pas à son menu, car il préfère se concentrer sur l’époque contemporaine.
M. Trudeau s’est déjà excusé pour la pendaison de chefs autochtones survenue il y a 150 ans, le refoulement de Juifs en 1939, les écoles résidentielles de Terre-Neuve alors que la province ne faisait pas encore partie du Canada ou encore pour la rafle d’enfants autochtones dans les années 1960.
Le Parti conservateur a aussi indiqué qu’il n’était pas ouvert à présenter des excuses aux Québécois emprisonnés pendant la crise d’Octobre.