Petit guide de survie au confinement, destiné aux ados
C’est la fin de la récréation au Québec. Dès aujourd’hui, et pendant au moins 20 jours, les jeunes devront faire une croix sur leurs activités parascolaires, leurs matchs de hockey et leurs cours de danse. Désormais, les élèves de quatrième et cinquième secondaires étudieront en alternance, à l’école et à la maison. Un coup dur pour les adolescents, à peine un mois et demi après la rentrée scolaire.
Décrochage, dépressions, toxicomanie, cyberdépendance, troubles alimentaires… L’Association des pédiatres du Québec (APQ) a sonné l’alarme la semaine dernière au sujet des nouvelles restrictions du gouvernement Legault. Elle a laissé planer le spectre d’une quatrième vague chez les jeunes, plus dévastatrice encore que les deux premières de la pandémie. Un « sacrifice générationnel », a même dit l’APQ.
Quelles seront les véritables répercussions chez les jeunes ? Difficile à dire pour le moment. Les plus vulnérables risquent d’en pâtir, comme ce fut le cas lors du confinement du printemps, estiment les experts interrogés par Le Devoir.
« Dans les faits, sur le terrain, on voit une certaine souffrance, dit le Dr Olivier Jamoulle, pédiatre et chef de la section de médecine de l’adolescence au Centre hospitalier universitaire (CHU) Sainte-Justine. Mais on est quand même rassurés par la capacité de résilience des jeunes. Les ados vont s’en sortir, comme le reste du monde. »
Pour passer à travers les prochaines semaines, et peut-être les prochains mois, voici huit conseils pour les jeunes et leurs parents, formulés à partir d’entrevues effectuées auprès d’experts.
On se lève et on s’habille
Les élèves de quatrième et cinquième secondaires suivent maintenant leurs cours, une journée sur deux, depuis la maison. Ils doivent garder la même routine que lorsqu’ils vont à l’école. « Levez-vous à la même heure et habillez-vous », recommande le Dr Olivier Jamoulle.
Dormez suffisamment, ajoute la psychologue et conférencière Nadia Gagnier. « Si on manque de sommeil, on est moins capable de gérer nos émotions », rappelle la spécialiste en psychologie de la famille et de la parentalité.
Il faut aussi conserver une « hygiène alimentaire », c’est-à-dire de manger « trois repas par jour, variés si possible », indique l’équipe de la section de médecine de l’adolescence du CHU Sainte-Justine, sur son site Internet.
Réinventer le quotidien
Les activités habituelles sont chamboulées par le confinement partiel. Fini les fins de semaine à la maison avec des amis ou dans les arénas. Les enfants et les adolescents doivent trouver de nouveaux passe-temps.
« Ce n’est pas vrai que les ados ambitionnent de jouer à des jeux de société avec leurs parents, mais, dans le contexte, est-ce qu’on peut essayer d’avoir des activités familiales au lieu d’être chacun sur notre écran ? » dit Denis Leclerc, président de l’Ordre des psychoéducateurs et psychoéducatrices du Québec. Il cite en exemple une soirée cinéma ou une séance de course à pied avec les plus sportifs de la maison.
Nadia Gagnier souligne que les jeunes peuvent être mis à contribution dans les tâches quotidiennes qu’ils apprécient. « Si l’adolescent a déjà fait une recette de pizza, peut-être qu’il pourrait la faire chaque vendredi ? » dit-elle. Une façon, pour lui, de se sentir « compétent » et utile.
Écrans : des règles plus souples
Au cours des prochaines semaines, les parents pourraient être plus permissifs dans la gestion des écrans afin de « compenser la perte de socialisation », estime Denis Leclerc. Mais attention à la cyberdépendance aux jeux vidéo, signale le psychologue Nicolas Chevrier. « Une partie de la vie sociale des jeunes se passe à travers ces jeux collaboratifs, dit-il. Ils retrouvent leurs amis. Ces jeux doivent se maintenir, mais avec un certain contrôle. »
Tout le monde dehors
Marchez et faites de l’activité physique « le plus possible à l’extérieur et durant la période de luminosité », conseille Nadia Gagnier. Les journées grises de novembre sont à nos portes. « On entre dans une période où il y a une perte de luminosité, ce qui peut avoir des effets dépressifs », précise-t-elle. L’ensemble de la population ne souffre pas de dépression saisonnière, convient-elle. « Mais tout le monde peut vivre avec une perte d’énergie à cause de la moindre luminosité automnale. »
Communiquer avec ses ados
L’heure du conte est terminée depuis longtemps déjà, mais pourquoi ne pas instaurer une causerie du soir, en fin de journée. « On demande à notre jeune comme il va, comment s’est passée sa journée, dit Nadia Gagnier. On garde un dialogue positif bienveillant. »
« Le plus important, c’est d’être à l’écoute de ce qu’il vit et de ne pas le banaliser », ajoute Denis Leclerc.
Non à l’infobésité
Consommer trop d’informations sur la pandémie peut entraîner de l’anxiété, disent les experts consultés. S’informer une fois ou deux fois par jour, auprès de sources fiables (comme Le Devoir !), suffit. Quant aux plus jeunes enfants, il vaut mieux ne pas les noyer dans un flot d’informations, selon Nadia Gagnier. « On prend le pouls de ce qu’ils entendent sur la pandémie, on leur demande s’ils ont des questions. On répond brièvement de [façon] simple. On s’arrête là. »
On se calme, les parents
Pour aider leurs enfants à passer à travers ce nouveau confinement, les parents doivent d’abord gérer leur propre stress, d’après Nadia Gagnier. « C’est le principe du masque d’oxygène dans un avion, illustre-t-elle. Quand il y a une dépressurisation, il faut mettre notre masque d’abord pour pouvoir prêter assistance à quelqu’un d’autre. » Les enfants ressentent le stress de leurs parents, ce qui contribue à augmenter le leur, souligne-t-elle.
Un jour à la fois
Les nouvelles mesures doivent demeurer en vigueur jusqu’au 28 octobre, selon le plan initial du gouvernement Legault. « Attention à la catastrophisation, dit Nicolas Chevrier. Des gens peuvent se dire “ça va peut-être durer des mois, des années”. Peut-être, mais ce qu’on sait actuellement, c’est que c’est pour 20 jours encore. »