Le Devoir

Des dollars pour incuber l’art lyrique

- MUSIQUE CLASSIQUE CHRISTOPHE HUSS

L’Opéra de Montréal annonce la réception d’une aide de 700 000 dollars du gouverneme­nt du Québec dans le cadre de l’initiative « Ambition numérique » du ministère de la Culture et des Communicat­ions. Cet argent sera mis à profit pour créer un « incubateur numérique ».

L’Opéra de Montréal (OdM) veut voir son incubateur « au service du secteur de l’art lyrique québécois » et vise à « verser plus de 900 cachets aux artistes et aux artisans d’ici trois ans ». Ce dernier point est louable, puisque les aides annoncées récemment vont aux institutio­ns et que l’on s’inquiète de la redistribu­tion à un milieu exsangue, comptant de nombreux artistes indépendan­ts.

L’OdM prévoit sept projets de diffusion en ligne de ses production­s grâce à cette aide. « L’incubateur numérique explorera en profondeur les diverses formes de diffusion sur le web, les méthodes de monétisati­on, la découvrabi­lité de l’opéra en ligne et les partenaria­ts locaux et internatio­naux potentiels qui feront rayonner les opéras des différente­s compagnies lyriques du Québec », nous dit le communiqué. Ces compagnies partenaire­s sont l’Opéra de Québec, la Société d’art lyrique du Royaume, Chants libres, Musique 3 femmes et Ballet Opéra Pantomime.

Des consultant­s

En pratique, une discussion avec Patrick Corrigan, directeur général de l’Opéra de Montréal, ramène les concepts à des choses bien terre à terre. On apprend que l’incubateur est en fait « trois consultant­s experts qui vont nous accompagne­r dans nos projets numériques ». Ces trois personnes sont : « Delphine Poux, spécialist­e numérique et des méthodes de monétisati­on ; Christian Roy, spécialist­e de stratégie numérique, de l’usage des métadonnée­s et de la découvrabi­lité, et Isabelle Longtin de la Fabrique culturelle ».

Dans le communiqué, l’OdM considère que « l’aide financière […] permettra de rassembler les forces vives du secteur de l’art lyrique au Québec et de mettre en commun nos expertises afin de bâtir une stratégie numérique claire et durable. » Le projet numérique de l’OdM, dont le budget annuel est de 10 millions de dollars, coûtera en tout 1,5 million, selon les déclaratio­ns de Patrick Corrigan au Devoir. Les 700 000 dollars permettron­t sa réalisatio­n.

Par contre, aucun argent ne va aux « compagnies partenaire­s ». « Nous ne nous engageons pas financière­ment dans les projets de captation et de diffusion de nos partenaire­s, mais les consultant­s seront disponible­s. Les sous octroyés vont à l’OdM pour financer nos projets de diffusion et de captation et pour créer cet incubateur qui va bénéficier aux partenaire­s », précise M. Corrigan. C’est donc l’expertise d’incubation qui sera partagée soit en gros : comment se faire repérer par les moteurs de recherche, comment perdre moins d’argent et comment se faire connaître. Il n’est même pas question de création d’une

L’opéra ne peut pas tourner, alors il y a une importance de diffuser pour »

se rendre en région PATRICK CORRIGAN

plateforme spécifique ; ce n’est donc pas un projet de type Concert bleu.

Renégocier

Le premier effet du massif investisse­ment sera la webdiffusi­on, le 22 octobre à 19 h 30, de La bohème, de Puccini, présentée en 2017 à l’occasion du 375e anniversai­re de Montréal, qu’on pourra regarder gratuiteme­nt, sur inscriptio­n.. Puis, les représenta­tions en salle de La voix humaine de Francis Poulenc et L’hiver attend beaucoup de moi de Laurence Jobidon et Pascale StOnge, mis en scène par Solène Paré, prévues du 29 octobre au 3 novembre, seront remplacées par une diffusion en ligne à partir du 5 novembre à 19 h 30 au coût de 20 dollars.

Pour qui s’étonne que 700 000 $ soient nécessaire­s pour diffuser par exemple un programme antérieure­ment soutenu par le 375e de Montréal, Patrick Corrigan répond : « Oui, nous avions diffusé La bohème au stade Molson, mais il y a des peaufineme­nts à faire et tous les cachets de tous les créateurs et technicien­s doivent être renégociés pour cette diffusion. Cela monte le coût assez vite de mettre en ligne en HD 200 chanteurs, musiciens, technicien­s, créateurs pour une seule présentati­on. » Ce poste de dépenses va absorber la majorité des coûts liés à la diffusion de trois oeuvres déjà captées et quatre nouveaux projets. « C’est tellement cher à réaliser que nous sommes la seule compagnie au Canada à avoir cela. Nous sommes donc des leaders dans ce domaine », se réjouit M. Corrigan.

Mais, à la base, l’OdM a-t-il analysé les besoins du public ? « L’opéra ne peut pas tourner, alors il y a une importance de diffuser pour se rendre en région », croit M. Corrigan, qui insiste aussi sur l’importance institutio­nnelle pour l’OdM d’une présence en ligne. Quant à savoir si les objectifs auront été remplis et à partir de quels indicateur­s on le saura, le directeur pense que « des recherches et données vont sortir de l’incubateur. Il va y avoir certaineme­nt une opportunit­é d’évaluer l’impact de tout cela : ce sera remis au gouverneme­nt et partagé dans notre domaine pour comprendre l’impact de ce que nous faisons. »

 ?? YVES RENAUD ?? Le premier effet du massif investisse­ment sera la webdiffusi­on, le 22 octobre à 19 h 30, de La bohème, de Puccini, présentée en 2017 à l’occasion du 375e anniversai­re de Montréal, qu’on pourra regarder gratuiteme­nt, sur inscriptio­n.
YVES RENAUD Le premier effet du massif investisse­ment sera la webdiffusi­on, le 22 octobre à 19 h 30, de La bohème, de Puccini, présentée en 2017 à l’occasion du 375e anniversai­re de Montréal, qu’on pourra regarder gratuiteme­nt, sur inscriptio­n.

Newspapers in French

Newspapers from Canada