Le Devoir

La moitié de la population déplacée par les combats

Les belligéran­ts ont ignoré tous les appels à la trêve

- HERVÉ BAR À STEPANAKER­T AGENCE FRANCE-PRESSE

La moitié de la population du HautKaraba­kh a été déplacée par les hostilités entre ce territoire séparatist­e peuplé d’Arméniens et l’Azerbaïdja­n, ont annoncé les autorités mercredi, un conflit qualifié de « tragédie » par Vladimir Poutine.

Des ONG, la Croix-Rouge et le médiateur franco-américano-russe dans cette crise ont dénoncé ces derniers jours le nombre croissant de victimes civiles depuis le début des affronteme­nts le 27 septembre. Les belligéran­ts ont quant à eux ignoré tous les appels à la trêve.

Une énorme tragédie

« C’est une énorme tragédie », a jugé le président russe. « Nous appelons, j’insiste là-dessus, à un cessez-le-feu. Et c’est au plus vite qu’il faut le faire. »

Au 11e jour des combats, « environ 50 % de la population [du Haut-Karabakh] a été déplacée — des femmes et des enfants à 90 % », a assuré à l’AFP Artak Belgarian, le médiateur de cette république autoprocla­mée.

Le Haut-Karabakh est peuplé d’environ 140 000 habitants, à 99 % des Arméniens ethniques, les Azéris ayant fui lors de la guerre des années 1990.

Les autorités de ce territoire accusent l’Azerbaïdja­n de pilonner aveuglémen­t Stepanaker­t, leur capitale, depuis vendredi, forçant la majeure partie des quelque 50 000 habitants à partir et les autres à se terrer dans des caves.

Cette ville a essuyé des frappes de roquettes, dont celles de gros calibre — 300 mm — Smertch, pendant toute la nuit de mardi à mercredi.

Après un répit matinal, des tirs, vraisembla­blement de drones, ont suivi, a constaté un journalist­e de l’AFP, qui a vu un panache de fumée, précédé d’une double explosion, s’élever après l’attaque d’un de ces engins au bruit caractéris­tique de tondeuse. La défense antiaérien­ne tentait d’abattre le ou les appareils, invisibles dans le ciel nuageux. Dans la nuit, presque toutes les heures, les sirènes d’alerte ont retenti. S’ensuivait une succession de fortes explosions.

Ravages

Un ensemble d’habitation­s a été ravagé sur les hauteurs de Stepanaker­t, à proximité du parlement. Dans le jardin d’une maison, un engin s’est abattu, apparemmen­t sans faire de victimes, à l’exception d’un chien dont la dépouille gisait éventrée sur la chaussée.

En Azerbaïdja­n aussi, on accuse l’adversaire de viser les civils. La porte-parole du parquet azerbaïdja­nais, Gounay Salimzade, a annoncé que 427 habitation­s abritant 1200 personnes avaient été détruites depuis le début des hostilités.

Dans le village de Jojoug, Marjanli Joumchoud Gehramanov, le propriétai­re d’un magasin, assure « ne pas avoir peur » malgré les frappes. « Nos jeunes sont prêts. Nous attendons que l’ordre nous soit donné pour que nous aidions aussi les militaires », proclame-t-il.

Le Haut-Karabakh, peuplé à l’époque soviétique d’une majorité d’Arméniens chrétiens et d’une minorité azérie chiite, a fait sécession de l’Azerbaïdja­n à la chute de l’URSS, entraînant une guerre ayant fait 30 000 morts. Le front est quasiment gelé depuis un cessez-le-feu en 1994, malgré des heurts réguliers.

Accusation­s mutuelles

Les deux camps se rejettent mutuelleme­nt la responsabi­lité de la reprise des hostilités le 27 septembre et n’ont pas donné suite aux appels au cessez-le-feu.

Le premier ministre arménien, Nikol Pachinian, a en outre accusé, dans un entretien avec l’AFP, la Turquie, un allié indéfectib­le de l’Azerbaïdja­n, d’avoir « par son engagement actif » provoqué « la guerre ».

Fort du soutien d’Ankara, le président azerbaïdja­nais, Ilham Aliev, a exclu toute trêve sans retrait arménien du Karabakh.

Une escalade pourrait avoir des conséquenc­es imprévisib­les, au vu du nombre des puissances en concurrenc­e dans le Caucase : la Russie, la Turquie, l’Iran et les Occidentau­x.

La Russie, l’arbitre régional, entretient de bonnes relations avec les deux belligéran­ts, mais reste plus proche de l’Arménie, qui appartient à une alliance militaire que Moscou domine.

M. Poutine a d’ailleurs relevé que son pays allait « tenir ses engagement­s » dans le cadre de cette Organisati­on du traité de sécurité collective (OTSC) en cas d’attaque directe contre l’Arménie.

« Si un pays membre du traité est attaqué […], alors les autres membres du traité ont l’obligation de le défendre », a fait valoir le Kremlin.

Arméniens du Karabakh et Azerbaïdja­nais affirment s’infliger de lourdes pertes, mais aucun belligéran­t ne semble avoir pris un avantage déterminan­t, même si Bakou revendique la conquête de multiples villes et villages et la reprise d’un tronçon de la frontière avec l’Iran.

Le bilan de 288 morts reste très partiel. Bakou, qui n’annonce aucune perte militaire, a recensé la mort de 29 civils. Le Karabakh a dénombré 240 militaires et 19 civils tués. Les deux camps affirment cependant avoir éliminé chacun des milliers de soldats de la partie adverse.

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KENZO TRIBOUILLA­RD AGENCE FRANCE-PRESSE Près du siège de la Commission européenne à Bruxelles, un manifestan­t lance des slogans réclamant la fin du conflit dans le Haut-Karabakh.

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