Le Devoir

La police met un terme à une soirée de bingo

- GUILLAUME LEPAGE JESSICA NADEAU

Le bingo de Saint-JeansurRic­helieu poursuivai­t ses activités en dépit de la situation sanitaire

Un bingo de Saint-Jean-sur-Richelieu ayant réuni vendredi dernier 250 personnes et fait beaucoup parler de lui dans les médias a fermé ses portes mercredi soir jusqu’à nouvel ordre, renvoyant à la maison les quelque 170 personnes qui s’y étaient de nouveau rassemblée­s.

Le Bingo communauta­ire HR a reçu la visite de plusieurs policiers vers 19 h 30 mercredi soir, alors que la soirée débutait à peine. Les participan­ts — des personnes âgées pour la plupart — y affluaient depuis la fin de l’après-midi.

La décision de mettre un terme à l’événement est venue des dirigeants du bingo eux-mêmes, afin de se « donner meilleure presse », indique au bout

du fil le sergent Jérémie Levesque, du Service de police de Saint-Jean-sur-Richelieu.

Les joueurs ont été priés de quitter les lieux. Aucun constat d’infraction n’a été distribué, indique l’agent Lévesque. Il souligne que l’endroit a fait régulièrem­ent l’objet de « visites de courtoisie » par la police depuis juillet, qui a chaque fois constaté le respect des règles sanitaires, dit-il.

Quelques heures plus tôt, le directeur général du Secrétaria­t du bingo, Éric Castonguay, se refusait pourtant à recommande­r au Bingo communauta­ire HR et à ses autres membres de fermer, d’autant plus que ceux-ci récoltent de l’argent pour les organismes communauta­ires du secteur. Certains l’ont fait de leur propre initiative, ditil, d’autres restent ouverts. « C’est un couteau à double tranchant : les jeux de hasard sont exclus des programmes d’aide du gouverneme­nt, alors la plupart

On a suivi toutes les recommanda­tions de la Santé publique et on a même »

ajouté des règlements MICHEL LAVIGNE

étirent l’élastique jusqu’au bout. »

« Le gouverneme­nt nous a autorisés à être 250 personnes en zone orange, alors on va continuer à faire des bingos jusqu’à temps qu’ils nous interdisen­t de le faire », affirmait de son côté Michel Lavigne, vice-président du Bingo communauta­ire HR.

Selon lui, tout comme pour le Secrétaria­t du bingo, les salles de bingo tombent dans la catégorie des casinos et des maisons de jeux, pouvant continuer de fonctionne­r en zone orange. Un avis que ne partage pas le ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS).

« Le MSSS considère que le bingo est une activité de loisir qui se pratique souvent dans une salle et qui ne peut pas être assimilée à une audience, une réunion ou un auditoire », a fait valoir le ministère par courriel. « La Ville de Saint-Jean-sur-Richelieu était [vendredi] en zone orange, et donc, les organisate­urs auraient dû se limiter à 25 participan­ts dans la salle. » La région doit basculer en zone rouge à compter de vendredi.

Au moment où ces lignes étaient écrites, Éric Castonguay et Michel Lavigne n’avaient pas répondu aux appels du Devoir.

Précaution­s

La soirée achalandée de vendredi dernier au Bingo communauta­ire HR a défrayé la manchette mercredi. Dès 18 h 15, la salle était comble, alors que la soirée ne débute qu’à 19 h 15, a affirmé Michel Lavigne. Il faut dire que c’était une soirée exceptionn­elle, selon les organisate­urs.

La soirée s’est déroulée en deux parties : dans un premier temps, la soirée de bingo locale. Puis, il y a « l’entracte », explique l’homme au bout du fil. Le clou de la soirée, c’était la partie de bingo en réseau, un événement organisé par Loto-Québec qui permet à toutes les salles de bingo du Québec de jouer en même temps. Ce soir-là, la cagnotte était de plus de 100 000 $.

Loto-Québec a annoncé samedi que le bingo en réseau n’était plus disponible. Il n’a pas répondu aux questions du Devoir.

« On a suivi toutes les recommanda­tions de la Santé publique et on a même ajouté des règlements, s’était défendu plus tôt en journée mercredi Michel Lavigne, du bingo communauta­ire HR. On avait quelqu’un à la porte qui demandait des preuves de résidence et on a refusé toutes les personnes qui venaient de l’extérieur de Saint-Jean qui étaient en zone rouge. » Une pratique qui avait également cours mercredi, a constaté Le Devoir.

Il y avait des stations de lavage de mains, les gens étaient assis à deux mètres de distance et le port du masque était obligatoir­e pendant les déplacemen­ts, assurait aussi M. Lavigne. « Les gens du bingo, c’est souvent leur seul loisir, c’est la seule place où ils peuvent se divertir, affirmait-il. Et depuis que les salles de bingo ont fermé en zone rouge, les gens veulent venir à Saint-Jean. On a été obligés de refuser du monde. »

« Une grippe comme une autre »

Denise Alexandre faisait partie des quelque 170 personnes qui s’étaient déplacées mercredi soir. La dame de 77 ans, qui vient une fois par semaine, ne voulait pas rater la chance de jouer au bingo une dernière fois avant le reconfinem­ent partiel. Et de peut-être mettre la main sur l’un des gros lots de 1000 $.

Pandémie ou non, elle tient à cette activité bien enracinée dans sa routine. « C’est l’fun, résume-t-elle. Ça permet de jaser, de voir du monde que ça fait longtemps qu’on n’a pas vu. »

Le virus ne lui fait pas tellement peur ; elle n’est nullement inquiète de l’attraper. « Je me sens solide. Je ne cours pas après », lance-t-elle dans un rire, se jugeant en sécurité avec les mesures mises en place par les organisate­urs du bingo.

La COVID-19 n’effraie pas non plus Paul Ferrand, 56 ans. « Moi, je me dis que c’est une grippe comme une autre. Faut juste faire attention, c’est tout », affirme-t-il. Sa conjointe, Rosanne Martel, hoche de la tête. La femme de 62 ans est une grande adepte du bingo, venant en moyenne quatre fois par semaine. « Je ne bois pas, je ne prends pas de drogue. C’est mon seul plaisir. »

Avec le passage imminent de sa région en zone rouge, elle appréhenda­it déjà la fermeture du bingo. « Je vais capoter toute seule chez nous… Je vais tricoter ou faire du ménage pour me changer les idées », dit-elle.

Robert Roy venait rejoindre sa soeur, déjà assise à l’intérieur, lorsque nous l’avons apostrophé. « J’espère que je vais gagner à soir », glisse-t-il derrière son masque, les yeux rieurs. S’il ne croit pas se mettre à risque d’être infecté en venant au bingo, la COVID-19 lui fait peur. « Je fais tout le temps attention », ajoutant : « Je sais que ça va prendre du temps, mais j’ai hâte que la pandémie finisse. »

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JACQUES NADEAU LE DEVOIR Paul Ferrand et Rosanne Martel faisaient partie des quelque 170 personnes qui s’étaient déplacées mercredi pour jouer au bingo.

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