Le Devoir

Lendemain de veille

- MICHEL DAVID

Une course à la chefferie laisse inévitable­ment des traces. Pour un nouveau chef, asseoir son autorité tout en préservant l’unité du parti est une opération aussi délicate que nécessaire. Ça l’est plus encore quand celui qui était le favori au départ finit par mordre la poussière.

Sa défaite aux mains de Jean-François Lisée en 2016 avait complèteme­nt démotivé Alexandre Cloutier, qui avait toutes les raisons de croire qu’il succéderai­t à Pierre Karl Péladeau. Il avait plus d’ancienneté à l’Assemblée nationale que son collègue de Rosemont et la majorité des députés péquistes s’étaient rangés derrière lui. Au lendemain du congrès, il n’était plus le même. Visiblemen­t, le feu sacré n’y était plus. Personne ne pouvait être réellement surpris quand il a annoncé qu’il ne se représente­rait pas en 2018.

Raymond Bachand n’était pas le favori dans la course à la chefferie du PLQ en 2013. Tout le monde s’attendait à la victoire de Philippe Couillard. L’ancien ministre des Finances ne s’attendait cependant pas à une humiliante troisième place. Il a annoncé son départ à peine six mois après le congrès.

L’homme d’expérience qu’est Sylvain Gaudreault avait sûrement réalisé la menace que représenta­it Paul StPierre Plamondon, qui a fait la meilleure campagne, mais il ne prévoyait sans doute pas être supplanté dès le premier tour. On a beau savoir que la politique est ingrate, une telle gifle ne peut que laisser des traces.

Au lendemain de sa défaite, il a dit avoir été battu par « une apparence de nouveauté » et il croyait toujours avoir avancé « les idées les plus modernes, les plus transforma­trices du parti ». C’est sans doute ce que pensait aussi Pauline Marois après sa défaite aux mains d’André Boisclair en 2005. Elle avait démissionn­é quatre mois plus tard.

Maintenant qu’un député qui démissionn­e en cours de mandat n’a plus droit à une indemnité de départ, les départs anticipés se font rares, mais cela ne garantit pas et l’enthousias­me et l’harmonie, surtout si la frustratio­n est exacerbée par des différends de nature idéologiqu­e. Le maintien de Pascal Bérubé au poste de chef parlementa­ire est sans doute de nature à arrondir certains angles, mais cela n’effacera pas les divergence­s d’ordre idéologiqu­e. Ni M. St-Pierre Plamondon ni M. Gaudreault ne pouvaient envisager que ce dernier assume cette fonction.

Tout ne les oppose pas. Les deux sont des convertis tardifs à la tenue d’un référendum dans un premier mandat. Ni l’un ni l’autre n’y étaient enclins au départ ; pour les besoins de la course, ils ont simplement ajusté leur discours à l’impatience des militants. Le nouveau chef ne l’a pas dit aussi clairement, mais il partage sans doute l’avis de son rival, qui disait avoir le devoir de « faire primer le succès sur le calendrier ». Dans son discours d’acceptatio­n, il n’a pas prononcé le mot « référendum » une seule fois.

Le député de Jonquière se voulait le candidat le plus vert, mais ils sont sensibleme­nt sur la même longueur d’onde en ce qui concerne la lutte contre les changement­s climatique­s et ils se réclament l’un et l’autre d’une social-démocratie de bon aloi. Ils ont toutefois des points de vue opposés sur les questions relatives à l’identité. M. Gaudreault est beaucoup plus représenta­tif de ce « nationalis­me civique inclusif » auquel M. St-Pierre Plamondon conviait le PQ dans son rapport de 2017, mais dont lui-même s’est beaucoup éloigné depuis.

Le clivage est apparu dès le début de la course sur la question de l’immigratio­n. M. St-Pierre Plamondon proposait d’abaisser les seuils actuels et d’accueillir seulement de 35 000 à 40 000 nouveaux arrivants par année tant que le Québec n’aura pas réussi à « inverser la courbe de déclin du français », alors que le M. Gaudreault suggérait plutôt de dépolitise­r la question en confiant à un « observatoi­re » indépendan­t le soin de proposer différents scénarios au gouverneme­nt.

C’est cependant sur la reconnaiss­ance de l’existence d’un « racisme systémique » au Québec que leur opposition risque de se cristallis­er. Dès son élection, M. St-Pierre Plamondon a clairement signifié que la position officielle de son parti s’apparenter­ait à celle du gouverneme­nt Legault, qui juge ce concept inappropri­é à la situation québécoise, contrairem­ent à M. Gaudreault et à ses collègues de Joliette, Véronique Hivon, et des Îles-de-la-Madeleine, Joël Arseneau. Un racisme « institutio­nnel » fait bon marché de la discrimina­tion dans des domaines comme le logement ou la recherche d’un emploi.

Dans l’esprit de M. St-Pierre Plamondon, le débat semble clos, mais rien n’est jamais définitif au PQ. Le chef peut toujours dicter la position officielle du parti, mais il ne peut pas commander à la conscience de ses députés. Faire entorse à ses principes est encore plus difficile sans l’incitation au compromis que favorise la perspectiv­e d’une prise du pouvoir dans un avenir prévisible. Alexandre Cloutier avait peut-être mal digéré sa défaite, mais la laïcité envahissan­te de Jean-François Lisée, qui se demandait s’il ne fallait pas l’imposer à l’ensemble de la sphère publique, choquait sa conception de la vie en société. M. Gaudreault devra maintenant se demander s’il peut s’accommoder de celle de son nouveau chef.

Maintenant qu’un député qui démissionn­e en cours de mandat n’a plus droit à une indemnité de départ, les départs anticipés se font rares, mais cela ne garantit pas et l’enthousias­me et l’harmonie, surtout si la frustratio­n est exacerbée par des différends de nature idéologiqu­e.

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