Le Devoir

Ottawa ne doit pas laisser l’industrie du transport aérien s’écraser

- Karl Blackburn et Michel Leblanc Respective­ment président et chef de la direction, Conseil du patronat du Québec ; président et chef de la direction, Chambre de commerce du Montréal métropolit­ain

Il y a quelques mois à peine, les avions abondaient dans le ciel au-dessus de la métropole. À bord se trouvaient des familles partant pour des vacances bien méritées, des étudiants internatio­naux en voie d’amorcer leur parcours dans l’une de nos université­s, ou encore des gens d’affaires se préparant à signer des contrats avec des entreprise­s étrangères.

Avec la fermeture des frontières en vigueur depuis six mois, un pan entier de notre économie fait face à la plus importante crise de son histoire. Montréal, une des plaques tournantes du transport aérien en Amérique du Nord, n’est pas épargnée.

Il y a quelques semaines, Aéroports de Montréal rapportait entre avril et juin une baisse record du nombre de passagers internatio­naux à Montréal-Trudeau, de 97,2 % par rapport à 2019. L’aéroport a accueilli seulement 56 109 passagers internatio­naux à cette période, comparativ­ement à plus de 2 millions l’an passé.

Malgré une timide reprise des vols intérieurs, la situation demeure critique. L’aéroport de Montréal est particuliè­rement touché par la chute dramatique du trafic internatio­nal, qui représente 43 % du nombre total de passagers.

Le transport aérien est une filière de première importance pour le Grand Montréal. Près de 30 000 emplois directs et 20 000 emplois indirects dépendent de son activité. L’aéroport génère des retombées économique­s de 6,8 milliards de dollars au Québec, en plus de 1,6 milliard en taxes et impôts pour le gouverneme­nt provincial et près de 100 millions pour la Ville.

Le transport aérien est également une pierre d’assise du tourisme et de la vitalité économique de la métropole. De fait, 3,1 millions de touristes sont arrivés à Montréal par avion en 2017. Ceux-ci ont dépensé 1,9 milliard de dollars dans notre économie. Montréal accueille aussi les sièges sociaux d’Air Canada et d’Air Transat, ainsi que ceux de l’Organisati­on de l’aviation civile internatio­nale (OACI) et de l’Organisati­on internatio­nale des transporte­urs aériens (IATA).

Le choc que ce secteur subit ne peut nous laisser indifféren­ts.

Les restrictio­ns exceptionn­elles aux frontières mises en place par le gouverneme­nt fédéral — dont l’interdicti­on d’entrée pour les ressortiss­ants étrangers et la quarantain­e obligatoir­e de 14 jours — ont un impact démesuré sur les transporte­urs, les voyageurs et tous les secteurs de l’économie qui en dépendent.

Bien que ces mesures aient pu sembler appropriée­s d’un point de vue de santé publique lors des premières semaines de la crise, leur applicatio­n qui se maintient depuis sept mois constitue une entrave majeure à la reprise de l’économie et de l’emploi.

À ce titre, il est impératif qu’Ottawa apporte une aide financière aux transporte­urs aériens et aux aéroports canadiens et adopte des mesures réglementa­ires pour remédier à la situation.

C’est particuliè­rement en temps de crise que nous devons faire preuve d’ambition, d’inventivit­é et de souplesse. Le temps est venu de permettre la reprise de la vie économique et sociale en réévaluant le régime sanitaire aux frontières.

Premièreme­nt, Ottawa doit apporter un soutien financier au secteur. Les États-Unis, la France, l’Allemagne ou encore Singapour ont agi rapidement et de manière décidée afin de protéger ces acteurs stratégiqu­es. Il est grand temps pour le gouverneme­nt du Canada de leur emboîter le pas.

Deuxièmeme­nt, nous devons faire preuve de leadership en instaurant des mesures ciblées aux frontières. Il existe plusieurs pistes : bulles sanitaires, dépistage accéléré, procédures sanitaires uniformisé­es et même l’utilisatio­n de chiens renifleurs pour détecter les personnes ayant contracté la COVID-19.

Bien sûr, ces mesures devront être basées sur la science et sur les meilleures pratiques. À titre d’exemple, l’ouverture des frontières avec certains pays devrait prendre en compte des critères clairs comme le taux de transmissi­on de la COVID-19. Certains pays ont également raccourci la période de quarantain­e en appliquant d’autres mesures d’atténuatio­n des risques de transmissi­on.

Nous avons tous à coeur la santé et la sécurité de la population et de nos proches. Mais nous ne pouvons pas non plus abandonner une industrie entière et les milliers d’emplois qui y sont rattachés. Des mesures innovantes pourraient non seulement soutenir la reprise de l’économie, mais également positionne­r le Canada comme un chef de file du transport aérien internatio­nal à l’ère de la COVID-19.

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