Le Devoir

Québec compte interdire les thérapies de conversion

- III ORIENTATIO­N SEXUELLE MARCO BÉLAIR-CIRINO CORRESPOND­ANT PARLEMENTA­IRE À QUÉBEC

Le ministre de la Justice, Simon JolinBarre­tte, veut mettre fin aux « thérapies de conversion », qu’il décrit comme des « pratiques barbares » ayant pour but d’« amener une personne à changer son orientatio­n sexuelle, son identité de genre ou son expression de genre ».

Il a écrit le projet de loi 70 pour y arriver. Celui-ci vise à mieux protéger les personnes LGBTQ contre ces pseudo-thérapies « susceptibl­es de porter atteinte à leur intégrité et à leur dignité » et à « faciliter leur recours pour obtenir réparation en matière de préjudice moral ou corporel ».

L’élu prend pour cible non seulement les charlatans offrant des thérapies de conversion, mais également les personnes sollicitan­t leurs services pour un proche — homosexuel ou transgenre par exemple. Une personne s’engageant par contrat — en échange d’argent ou pas — « à dispenser à une personne une thérapie de conversion ou requérir d’une personne qu’elle dispense une telle thérapie à un tiers » est passible d’une amende de 5000 $ à 50 000 $ (personne physique) ou de 15 000 $ à 150 000 $ (personne morale), peut-on lire dans le projet de loi 70. Les récidivist­es s’exposent à des amendes deux fois plus élevées.

Ce faisant, le gouverneme­nt québécois resserrera­it l’étau autour d’organisati­ons comme Ta vie Ton choix (TVTC). Le groupe ayant pignon sur le Web prétend « offrir de l’aide à toute personne » avouant des « pensées, attraits ou comporteme­nts homosexuel­s », notamment en lui racontant le cheminemen­t « des milliers d’hommes et de femmes motivés [qui] sont aujourd’hui libérés des attraits homosexuel­s contre lesquels ils luttaient jadis ».

« Nocives et dangereuse­s »

Les thérapies de conversion ont été répudiées par le corps médical parce qu’elles créent de graves problèmes psychologi­ques chez les personnes qui les subissent, en plus d’être inefficace­s.

L’expert indépendan­t Victor Madrigal-Borloz a soumis au Conseil des droits de l’homme des Nations unies une liste non exhaustive des « ravages » des thérapies de conversion sur les personnes : « Une perte considérab­le de l’estime de soi, de l’anxiété, un état dépressif, un isolement social, des problèmes relationne­ls, une haine de soi, de la honte, de la culpabilit­é, un dysfonctio­nnement sexuel, des idées suicidaire­s et tentatives de suicide, et des symptômes de troubles post-traumatiqu­es, souvent associés à de graves souffrance­s physiques. »

« Ces thérapies de conversion sont nocives et dangereuse­s pour les personnes qui les subissent », a résumé M. Jolin-Barrette après avoir déposé le projet de loi 70 à l’Assemblée nationale jeudi. En l’adoptant, l’Assemblée nationale « ajuster[a] la loi aux réalités de la société qui l’encadre : une société juste, ouverte et qui assure la protection et l’épanouisse­ment de toute la population », a-t-il poursuivi.

Initiative fédérale

M. Jolin-Barrette emboîte ainsi le pas à son homologue fédéral, David Lametti. Ce dernier a proposé aux Communes d’ajouter au Code criminel un certain nombre d’infraction­s : « faire suivre une thérapie de conversion à une personne contre son gré », « faire suivre une thérapie de conversion à un enfant », « agir en vue de faire passer un enfant à l’étranger pour qu’il y suive une thérapie de conversion », « faire de la publicité en vue d’offrir de la thérapie de conversion » et « bénéficier d’un avantage matériel, notamment pécuniaire, provenant de la prestation de thérapies de conversion ».

Les adultes consentant­s pourront suivre des thérapies de conversion pour peu qu’elles soient offertes gratuiteme­nt et ne soient publicisée­s nulle part selon le droit canadien, mais pas le droit québécois. « Ce que le fédéral fait, c’est qu’il décide de ne pas criminalis­er les thérapies de conversion. Nous, ce que nous disons, c’est que ce genre de contrats là n’ont pas leur place au Québec en matière civile. Donc, l’objectif du projet de loi est de protéger les personnes qui seraient victimes de ce genre de thérapie, qu’elles soient mineures ou majeures », a dit M. Jolin-Barrette jeudi.

L’élu québécois ne serait pas surpris de voir des individus téléguidés par des organisati­ons religieuse­s pour lesquelles l’homosexual­ité est un péché mortel contester la constituti­onnalité de la loi 70 en brandissan­t leur liberté de conscience et de religion, qui est garantie par les chartes des droits de la personne. « C’est une possibilit­é. Mais une chose est sûre : dans la société québécoise, ce genre de thérapie n’est pas tolérable », a-t-il répondu.

 ?? JACQUES BOISSINOT LA PRESSE CANADIENNE ?? « [L]es thérapies de conversion sont nocives et dangereuse­s pour les personnes qui les subissent », a déclaré le ministre de la Justice, Simon Jolin-Barrette, après avoir déposé le projet de loi 70 à l’Assemblée nationale jeudi.
JACQUES BOISSINOT LA PRESSE CANADIENNE « [L]es thérapies de conversion sont nocives et dangereuse­s pour les personnes qui les subissent », a déclaré le ministre de la Justice, Simon Jolin-Barrette, après avoir déposé le projet de loi 70 à l’Assemblée nationale jeudi.

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