Québec compte interdire les thérapies de conversion
Le ministre de la Justice, Simon JolinBarrette, veut mettre fin aux « thérapies de conversion », qu’il décrit comme des « pratiques barbares » ayant pour but d’« amener une personne à changer son orientation sexuelle, son identité de genre ou son expression de genre ».
Il a écrit le projet de loi 70 pour y arriver. Celui-ci vise à mieux protéger les personnes LGBTQ contre ces pseudo-thérapies « susceptibles de porter atteinte à leur intégrité et à leur dignité » et à « faciliter leur recours pour obtenir réparation en matière de préjudice moral ou corporel ».
L’élu prend pour cible non seulement les charlatans offrant des thérapies de conversion, mais également les personnes sollicitant leurs services pour un proche — homosexuel ou transgenre par exemple. Une personne s’engageant par contrat — en échange d’argent ou pas — « à dispenser à une personne une thérapie de conversion ou requérir d’une personne qu’elle dispense une telle thérapie à un tiers » est passible d’une amende de 5000 $ à 50 000 $ (personne physique) ou de 15 000 $ à 150 000 $ (personne morale), peut-on lire dans le projet de loi 70. Les récidivistes s’exposent à des amendes deux fois plus élevées.
Ce faisant, le gouvernement québécois resserrerait l’étau autour d’organisations comme Ta vie Ton choix (TVTC). Le groupe ayant pignon sur le Web prétend « offrir de l’aide à toute personne » avouant des « pensées, attraits ou comportements homosexuels », notamment en lui racontant le cheminement « des milliers d’hommes et de femmes motivés [qui] sont aujourd’hui libérés des attraits homosexuels contre lesquels ils luttaient jadis ».
« Nocives et dangereuses »
Les thérapies de conversion ont été répudiées par le corps médical parce qu’elles créent de graves problèmes psychologiques chez les personnes qui les subissent, en plus d’être inefficaces.
L’expert indépendant Victor Madrigal-Borloz a soumis au Conseil des droits de l’homme des Nations unies une liste non exhaustive des « ravages » des thérapies de conversion sur les personnes : « Une perte considérable de l’estime de soi, de l’anxiété, un état dépressif, un isolement social, des problèmes relationnels, une haine de soi, de la honte, de la culpabilité, un dysfonctionnement sexuel, des idées suicidaires et tentatives de suicide, et des symptômes de troubles post-traumatiques, souvent associés à de graves souffrances physiques. »
« Ces thérapies de conversion sont nocives et dangereuses pour les personnes qui les subissent », a résumé M. Jolin-Barrette après avoir déposé le projet de loi 70 à l’Assemblée nationale jeudi. En l’adoptant, l’Assemblée nationale « ajuster[a] la loi aux réalités de la société qui l’encadre : une société juste, ouverte et qui assure la protection et l’épanouissement de toute la population », a-t-il poursuivi.
Initiative fédérale
M. Jolin-Barrette emboîte ainsi le pas à son homologue fédéral, David Lametti. Ce dernier a proposé aux Communes d’ajouter au Code criminel un certain nombre d’infractions : « faire suivre une thérapie de conversion à une personne contre son gré », « faire suivre une thérapie de conversion à un enfant », « agir en vue de faire passer un enfant à l’étranger pour qu’il y suive une thérapie de conversion », « faire de la publicité en vue d’offrir de la thérapie de conversion » et « bénéficier d’un avantage matériel, notamment pécuniaire, provenant de la prestation de thérapies de conversion ».
Les adultes consentants pourront suivre des thérapies de conversion pour peu qu’elles soient offertes gratuitement et ne soient publicisées nulle part selon le droit canadien, mais pas le droit québécois. « Ce que le fédéral fait, c’est qu’il décide de ne pas criminaliser les thérapies de conversion. Nous, ce que nous disons, c’est que ce genre de contrats là n’ont pas leur place au Québec en matière civile. Donc, l’objectif du projet de loi est de protéger les personnes qui seraient victimes de ce genre de thérapie, qu’elles soient mineures ou majeures », a dit M. Jolin-Barrette jeudi.
L’élu québécois ne serait pas surpris de voir des individus téléguidés par des organisations religieuses pour lesquelles l’homosexualité est un péché mortel contester la constitutionnalité de la loi 70 en brandissant leur liberté de conscience et de religion, qui est garantie par les chartes des droits de la personne. « C’est une possibilité. Mais une chose est sûre : dans la société québécoise, ce genre de thérapie n’est pas tolérable », a-t-il répondu.