Faut-il avoir peur de nos étudiants ?
D’entendre des enseignants de l’Université d’Ottawa dire qu’ils ont peur de leurs étudiants me paraît profondément démotivant, affligeant et absolument catastrophique.
Trop d’incidents, dans une logique de gradation de leur gravité, ont eu lieu depuis quelques années pour ne pas s’inquiéter.
Au bout du compte, il me paraît évident que les étudiants seront pénalisés si la peur s’insinue dans leur classe, car le retranchement dans lequel s’abritera leur professeur va les couper d’un rapport humanisant et nuancé que je crois nécessaire à tout avancement de la connaissance.
Nous avons tous connu des enseignants marquants dans nos vies. Ceux et celles qui m’ont marqué durablement avaient tous en commun de transcender à mes yeux la figure d’autorité qu’ils représentaient. C’est dans la mesure où ils me donnaient l’occasion de les voir comme des êtres humains et non comme des machines à discourir qu’ils ont acquis à mes yeux ce petit plus qui fait toute la différence.
Ces profs si importants dans ma vie avaient aussi en commun une autre chose : ils n’avaient pas peur de moi. Je me sentais privilégié d’avoir accès à leur personne, à leur confiance.
Et, qu’on me permette de le préciser ici, aucun d’eux n’a jamais tenté d’abuser de cette confiance. Pour ce que j’en sais, ce ne sont pas les profs qui donnent accès à leur humanité qui abusent de leur pouvoir, mais plutôt ceux qui se cantonnent dans la figure d’autorité.
À la lueur de cette affaire de l’Université d’Ottawa, la question de fond à se poser est : comment un professeur peut-il enseigner à des gens dont il a peur ou dont il se méfie ?
Il me semble qu’une transmission de savoir ou d’expérience doit s’appuyer à sa base sur un contrat de bonne foi tacite ou explicite, une confiance mutuelle pour qu’un cours soit valable et ait une chance d’avoir quelque portée.
Non, décidément, il ne faut pas avoir peur de nos étudiants. Et pourtant… Gilbert Turp
Le 21 octobre 2020