Le Devoir

Départ amer de l’OIF pour Catherine Cano

L’administra­trice de l’Organisati­on internatio­nale de la Francophon­ie avait été nommée à ce poste 18 mois plus tôt

- JEAN-BENOÎT NADEAU

Catherine Cano, administra­trice de l’Organisati­on internatio­nale de la Francophon­ie, a démissionn­é de son poste. Ce départ abrupt de la numéro 2 de l’OIF a créé la surprise, car rien ne l’annonçait seulement 18 mois après sa nomination.

« C’est avec le sentiment du devoir accompli que je quitte l’OIF », affirme Catherine Canot dans une déclaratio­n écrite présentée hier [jeudi], six jours après sa démission. « J’estime avoir mené à bien les trois volets du mandat qui m’avait été confié, à savoir le redresseme­nt des finances de l’organisati­on, l’améliorati­on de la transparen­ce de ses opérations, de même que la formulatio­n de recommanda­tions devant mener notamment à une refonte réglementa­ire destinée à assurer la saine gestion et la transforma­tion progressiv­e de l’organisati­on. »

L’OIF n’a diffusé aucun communiqué, tout juste une note interne mercredi, qui fait état de « désaccords persistant­s sur ses méthodes » avec la secrétaire générale, la Rwandaise Louise Mushikiwab­o.

Contactée par téléphone, Oria Vande weghe, porte-parole et directrice des communicat­ions de l’OIF, explique que ce départ sans préavis est « vécu comme un soulagemen­t » au cabinet de la secrétaire générale. « Catherine Cano travaillai­t très fort, mais la collaborat­ion n’était pas facile. Même si nous n’avions aucun doute sur son engagement, elle avait des méthodes de travail compliquée­s. »

À l’interne, on fait état de frustratio­ns devant ses réunions à des heures tardives et des messages à toute heure. « Elle était dans tous les créneaux, de tous les dossiers, c’était un peu chaotique », dit une source qui a requis l’anonymat. De ce côté-ci de l’Atlantique, on est à la fois surpris de cette démission

L’OIF n’a diffusé aucun communiqué, tout juste une note interne, qui fait état de « désaccords persistant­s »

inexpliqué­e et du ton acrimonieu­x adopté par l’OIF, alors que la tonalité est en général plus feutrée dans les cercles de la diplomatie multilatér­ale.

Au bureau de François-Philippe Champagne, ministre des Affaires étrangères à Ottawa, on se dit surpris de la posture de l’OIF, où l’on est habituelle­ment plus circonspec­t. La porte-parole Christelle Chartrand écrit : « Madame Cano est une gestionnai­re de grande expérience, et nous la remercions pour sa contributi­on importante à l’OIF. »

Du côté de la ministre des Relations internatio­nales et de la Francophon­ie, Nadine Girault, on « prend acte de la décision de Mme Cano de quitter l’OIF. » Son attachée de presse Flore Bouchon écrit : « Nous saluons tout le travail qu’elle a accompli lors de son passage à l’OIF. »

Rumeurs et spéculatio­ns

Les spéculatio­ns vont bon train sur ce qui a pu se passer. Sa déclaratio­n laisse entendre que des motifs personnels pourraient avoir pesé dans sa décision : « Enfin, je suis heureuse de revenir au Québec, après cette longue période passée loin des miens. »

Les rumeurs font état de dissension­s sur la nomination en septembre des sept représenta­nts de l’OIF auprès d’organisati­ons internatio­nales et des regroupeme­nts régionaux d’États membres. D’autres évoquent un « clash culturel » entre une administra­trice chevronnée de culture très nord-américaine, mais pas nécessaire­ment branchée sur une boîte complexe de 300 employés appartenan­t à

À son arrivée en 2019, l’OIF avait un déficit accumulé de 7 millions de dollars, qui voguait vers les 8 millions. En un an, Catherine Cano a dégagé un surplus de 2,4 millions de dollars, un chiffre certifié par le vérificate­ur externe de l’OIF.

34 nationalit­és dominées par des Africains et où la France pèse lourd.

Quoi qu’il en soit, personne ne semble avoir perçu des signes clairs d’un différend entre les deux dirigeante­s. La première année du mandat de Catherine Cano, l’entente entre les deux dirigeante­s était plutôt bonne, d’autant que l’administra­trice a accompli ce pour quoi on l’avait engagée.

À son arrivée en 2019, l’OIF avait un déficit accumulé de 7 millions de dollars, qui voguait vers les 8 millions. En un an, elle a dégagé un surplus de 2,4 millions de dollars, un chiffre certifié par le vérificate­ur externe de l’OIF. En plus d’automatise­r le système de paie et de réduire le nombre de projets de 40 à 25, Catherine Cano a introduit plus de transparen­ce en publiant en ligne quelques centaines de documents budgétaire­s et programmat­iques, dont les salaires.

L’arrivée de Catherine Cano au poste d’administra­trice en avril 2019 a suivi de près le remplaceme­nt de la secrétaire générale Michaëlle Jean après quatre années de controvers­e à l’Organisati­on internatio­nale de la Francophon­ie.

La nomination de Louise Mushikiwab­o avait résulté d’un marchandag­e entre le Canada et la France. Le Canada avait donné son appui à la candidatur­e rwandaise, soutenue par la France, en échange de la garantie que le prochain administra­teur serait canadien. Mais maintenant que Catherine Cano a démissionn­é, il est loin d’être acquis que la personne qui lui succédera sera canadienne.

Dans l’histoire compliquée de la Francophon­ie institutio­nnelle, Catherine Cano était la troisième administra­trice en titre de l’OIF après Clément Duhaime, qui a occupé le poste de 2006 à 2015, et le Malien Adama Ouane, de 2015 à 2019.

Ottawa et Québec promettent leur soutien à l’OIF, mais les jeux de coulisses ont commencé. La ministre des Relations internatio­nales, Nadine Girault, « entend travailler de concert avec le gouverneme­nt du Canada pour proposer une nouvelle candidatur­e au poste d’administra­teur de l’OIF. »

Newspapers in French

Newspapers from Canada