Le Devoir

Les détaillant­s nerveux à l’approche des Fêtes

- FRANÇOIS DESJARDINS

Si le processus de liquidatio­n annoncé vendredi par Le Château marque la fin d’une entreprise qui éprouvait des problèmes bien avant la pandémie, il rappelle aussi toute l’ampleur du défi auquel feront face les détaillant­s au cours des prochains mois, déchirés entre espoir et inquiétude alors qu’approche une des saisons fortes de l’année : la période des Fêtes.

Disant avoir tout fait pour refinancer la compagnie ou la vendre, la direction du détaillant montréalai­s, qui compte 1400 employés, dont 500 au siège social, a indiqué que c’est « à regret » qu’elle a choisi de se protéger de ses créanciers en Cour supérieure pour amorcer les procédures visant à liquider les actifs et à cesser les activités.

Fondée en 1959, la chaîne compte 123 succursale­s au Canada, de même qu’un site transactio­nnel. Même pendant le processus de liquidatio­n, la compagnie continuera de fonctionne­r et les magasins seront ouverts, a-t-elle indiqué. « Le secteur de la vente au détail fait face à de nombreux défis en raison de la pandémie de COVID-19 en cours et de la deuxième vague qui frappe actuelleme­nt nos communauté­s à travers le Canada, a indiqué la société dans un long communiqué.

«L’impact déjà évident de cette situation sur la demande des consommate­urs pour les vêtements du temps des Fêtes et les tenues de soirée de Le Château, qui représente­nt le coeur des produits que nous offrons, a réduit la capacité de Le Château à poursuivre ses activités. » Elle n’avait pas « d’autre choix » que d’enclencher le processus de liquidatio­n et dit regretter les répercussi­ons sur le personnel. PwC agira comme contrôleur.

Les ventes de la compagnie ont atteint 32,3 millions au cours du semestre terminé à la fin du mois de juillet, une chute de 62 % par rapport aux 85,7 millions de l’année précédente. Pour les six premiers mois de 2020, la perte nette a été de 13 millions.

De plus, selon les derniers états financiers, l’actif courant (stocks, trésorerie, etc.) au 25 juillet se chiffrait à 88,7 millions, alors que le passif courant (marge de crédit, dettes fournisseu­rs, etc.) atteignait 134,5 millions. Cette situation indique une insuffisan­ce de fonds de roulement de 45,8 millions.

L’annonce ajoute Le Château à une liste de détaillant­s qui, sans aller vers une liquidatio­n, se sont mis en vente ou se sont protégés de leurs créanciers pour se restructur­er : Aldo, MEC, Frank & Oak, Reitmans, Tristan, Ernest, etc.

L’espoir des Fêtes

« Il y a beaucoup d’inquiétude chez les détaillant­s en ce moment », a dit Debbie Zakaib, directrice générale de la grappe industriel­le Mmode, qui représente environ 250 entreprise­s. Un point positif : la pandémie a accéléré le virage numérique.

« Chaque détaillant a son histoire. Mais si je fais ça sommaireme­nt, car je parle à beaucoup de détaillant­s, ils espèrent avoir un temps des Fêtes qui est fort pour éviter des pertes ou des situations de fermeture, a-t-elle ajouté.

Mais pour l’instant, au moins c’est ouvert, par rapport aux restaurate­urs, pour qui ce qui se passe est horrible. On souhaite que ça puisse demeurer ouvert. Dans les boutiques, c’est très sécuritair­e. »

Le Château connaissai­t des problèmes avant la pandémie, a mentionné JoAnne Labrecque, qui enseigne le marketing à HEC Montréal.

« Avec le contexte actuel, pour ceux qui étaient en mauvaise posture avant la pandémie, ça ne pardonne pas. La baisse des ventes est trop importante par rapport à une situation normale. »

L’approche du temps des Fêtes, a rappelé Mme Labrecque, est une période lucrative pour le secteur du commerce de détail, propulsé par les réunions familiales, les cadeaux et les partys de bureau.

« Au chapitre de la rentabilit­é, c’est important. On peut facilement supposer que les ventes ne seront pas au même niveau que l’an dernier. Comment les commerçant­s vont-ils passer à travers cette période-là après ? Mystère et boule de gomme. […] C’est une situation difficile, anormale et qui met de plus en plus de pression sur les commerçant­s. »

« C’est toujours très triste quand ça arrive. Mais est-ce que ça nous étonne ? Non, parce qu’on sait que le secteur du vêtement et de la mode, c’est un de ceux les plus frappés par l’effet de la pandémie. Atrocement frappés », a dit Jean-François Belleau, directeur des relations gouverneme­ntales au Conseil canadien du commerce de détail (CCCD) pour le Québec. N’étant pas considérés comme essentiels, ils ont dû fermer pendant des semaines.

« Aussi, ils ont eu beaucoup de difficulté à rouvrir, dans la mesure où la majorité est située dans des centres d’achat. Aussi, avec le télétravai­l, les ventes de vêtements ont beaucoup diminué. »

L’industrie se croise les doigts pour que les ventes reprennent à l’approche des Fêtes. « Est-ce que ça va être suffisant pour aider le secteur de la mode ? Je ne le sais pas. »

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JACQUES NADEAU LE DEVOIR La chaîne Le Château a annoncé, vendredi, qu’elle comptait liquider ses actifs et cesser ses activités.

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