Le Devoir

Comment mieux protéger la vie privée avec la recherche de contacts

- David Hughes, Marie-Pascale Pomey, Esli Osmanlliu et Pierre-Marie David *

La recherche de contacts est un outil majeur dans la lutte contre la COVID-19. Il s’agit de retrouver les personnes ayant été en contact avec une personne déclarée positive afin de les isoler, de les tester et d’ainsi réduire le risque de propagatio­n du virus. Cette recherche se fait actuelleme­nt de façon manuelle par téléphone.

Mardi, le ministre de la Santé et des Services sociaux, Christian Dubé, a exhorté les Québécois à répondre aux appels. Il déplore le fait que trop de personnes ne répondent pas aux appels des personnes responsabl­es de retrouver tous les contacts des personnes reconnues positives au test de la COVID-19, rendant la démarche inefficace. Or, certaines interventi­ons des autorités peuvent contribuer à cette situation.

Une chose que l’on a apprise des luttes précédente­s contre les maladies infectieus­es, c’est que la stigmatisa­tion, la réprobatio­n morale ou la peur d’être puni nuisent considérab­lement à la recherche de contacts.

Après que le gouverneme­nt eut menacé les citoyens d’amendes substantie­lles en cas de non-respect des consignes de distanciat­ion sociale, il n’est pas étonnant que des personnes hésitent à divulguer leurs comporteme­nts et les noms des personnes qu’elles ont rencontrée­s. Aussi, après avoir ciblé à maintes reprises les jeunes en les accusant de propager le virus avec leurs rassemblem­ents et leur insoucianc­e, le gouverneme­nt ne doit pas s’attendre à ce qu’ils

En Corée du Sud, lorsque les autorités ont suspecté une éclosion importante de COVID-19 auprès de personnes homosexuel­les dans les boîtes de nuit de Séoul, elles ont invité cette population à se faire tester anonymemen­t. Autrement, la stigmatisa­tion à laquelle sont confrontée­s ces personnes aurait été un obstacle majeur à la maîtrise de cette éclosion.

s’empressent de collaborer avec les autorités.

En Corée du Sud, lorsque les autorités ont suspecté une éclosion importante de COVID-19 auprès de personnes homosexuel­les dans les boîtes de nuit de Séoul, elles ont invité cette population à se faire tester anonymemen­t. Autrement, la stigmatisa­tion à laquelle sont confrontée­s ces personnes aurait été un obstacle majeur à la maîtrise de cette éclosion. Cette stratégie a pu être mise en place parce que la population ciblée était identifiée et plutôt restreinte. Sinon, il faut rechercher les contacts par téléphone. Dans ce cas, l’anonymisat­ion est plus difficile à garantir et la confiance des répondants est plus difficile à obtenir.

Si les autorités veulent une plus grande collaborat­ion de la population, elles doivent clairement et largement rassurer la population sur le fait que la déclaratio­n de ses contacts n’entraînera pas de contravent­ion (ex. 1000 $ pour rassemblem­ent interdit) ou d’accusation criminelle (ex. une travailleu­se du sexe qui donnerait le nom de ses clients), ni pour la personne elle-même ni pour ses contacts. Le message doit aussi rassurer les répondants sur le plan de la protection de leur vie privée. En effet, les autorités doivent promettre clairement que le nom de la personne porteuse du virus ne sera pas divulgué aux personnes qui seront contactées, que leur identité ne sera pas non plus dévoilée à l’école ou encore aux parents d’un jeune ayant eu un comporteme­nt à risque.

Il pourrait aussi être envisagé de lier à ces déclaratio­ns la possibilit­é de bénéficier d’une applicatio­n permettant aux personnes de suivre leurs symptômes et d’être soutenues si les symptômes s’aggravent. Cela permettrai­t de renforcer la confiance dans le système de santé.

*Respective­ment : M.A. philosophi­e, M.A. bioéthique ; École de santé publique, Université de Montréal ; Hôpital de Montréal pour enfants, Faculté de médecine, Université McGill ; Faculté de pharmacie, Université de Montréal.

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