Le Devoir

Les aventurier­s de la courge

- ROXANE LÉOUZON | COLLABORAT­ION SPÉCIALE, CARIBOUMAG.COM

« Dans nos climats, c’est une plante qui s’adapte bien et qui est facile à entretenir. Puis ça se conserve longtemps. »

André Lauzon n’a pas peur de l’affirmer : lui et sa femme, Sylvie D’Amours, ont été des pionniers de la courge au Québec. Quand ils ont commencé à en cultiver, en 1998, ces cucurbitac­ées ne faisaient pas partie des habitudes de consommati­on des Québécois, si bien qu’ils ont dû faire de l’éducation populaire. Le Centre d’interpréta­tion de la courge, à Saint-Joseph-du-Lac, est ainsi né.

Avant de s’engager dans cette aventure, l’agriculteu­r n’avait pourtant goûté qu’une seule fois à une courge. « J’avais mangé une courge spaghetti — je crois que c’était en 1978 — et j’avais trouvé ça bizarre, mais j’avais quand même aimé ça », se rappelle-t-il en entrevue en vidéoconfé­rence, accompagné de sa fille Alexandra, responsabl­e du marketing pour l’entreprise familiale.

C’est donc presque par accident que l’expressif père de famille est devenu ambassadeu­r de ces fruits à la chair orange et fibreuse, au coeur d’un village reconnu pour ses nombreux pomiculteu­rs. Lorsqu’il a racheté la ferme de son père, en 1993, autrefois celle de son grand-père, André s’est débarrassé des pommiers pour se tourner plutôt vers le chou, en fournissan­t de grandes quantités à des acheteurs comme les rôtisserie­s St-Hubert et les épiceries Provigo.

« Quand on fait du chou en monocultur­e, on a vite des problèmes de maladies. On a eu la hernie du chou et le sol est devenu contaminé. On ne pouvait donc plus le cultiver. Afin de le remplacer, j’ai demandé à un de nos acheteurs quelle culture avait selon lui du potentiel. Il m’a dit : “fais des courges” », raconte celui qui a grandi parmi les plantation­s de fruits et de légumes.

L’ambitieux entreprene­ur décide alors de suivre son conseil, même s’il ne connaît rien à ces plantes qui doivent être semées dès la fin mai pour une récolte à l’automne. Et sa femme est une précieuse alliée puisque c’est elle qui développe l’idée du centre d’interpréta­tion.

« Au début, c’était comme un petit musée éducatif ; on recevait des écoles, on expliquait comment le fruit poussait… », relate Alexandra, soulignant qu’ils ont aussi démarré le vignoble Les Vents d’Ange à cette époque. « En parallèle, ma mère est allée cogner à la porte des chefs cuisiniers et des nutritionn­istes, pour qu’ils l’aident à faire connaître ce fruit que les Québécois ne consommaie­nt pas. Ces gens avec une notoriété se sont mis à faire la promotion de la courge dans les journaux et les émissions de télévision. »

Apprivoise­r la courge

Au fil du temps, André et Sylvie se familiaris­ent avec des dizaines de variétés de courges pour déterminer les plus intéressan­tes à cuisiner. Ils en sélectionn­ent une quarantain­e, qu’ils produisent d’année en année jusqu’à aujourd’hui.

Entre-temps, « aller aux courges » est devenu une tradition d’automne dans plusieurs familles. D’ailleurs, la popularité du centre a atteint un sommet dans les deux dernières années, où on estime que 80 000 personnes sont venues annuelleme­nt cueillir et acheter des courges ou se restaurer au bistro de l’endroit — au menu duquel la courge est en vedette, bien sûr. Cette année, la pandémie a poussé encore plus de gens à prendre l’air, si bien que les champs de Saint-Joseph-du-Lac étaient pratiqueme­nt vides dès le 11 octobre.

Comme ces fruits ont moins besoin de présentati­on que par le passé, le petit musée a disparu. Mais l’éducation se poursuit tout de même par le l’entremise d’employés et de panneaux d’informatio­n posés dans les champs où circule la clientèle de l’autocueill­ette. La butternut est-elle appropriée pour un potage ou un mijoté ? Vous y trouverez votre réponse.

Cultiver la courge de père en filles

André n’a jamais regretté son choix. « La culture de la courge, c’est le

fun. Dans nos climats, c’est une plante qui s’adapte bien et qui est facile à entretenir. Puis ça se conserve longtemps », explique celui qui cultive environ 10 hectares de courges, soit environ 100 000 fruits par année.

Sylvie, qui s’est lancée en politique, est désormais moins impliquée à la ferme, mais continue, bien entendu, de donner son point de vue. Sa fille Alexandra, quant à elle, est revenue vers l’entreprise familiale il y a trois ans, après avoir occupé des emplois en relations publiques. Son autre fille, Catherine, s’occupe surtout de l’administra­tion. André s’estime bien entouré. « Je ne sais pas si elles feront ça pour le reste de leur vie, mais elles vont l’avoir expériment­é. J’ai mis les outils sur la table pour qu’elles soient agricultri­ces. » centredela­courge.com

POUR VISITER LE CENTRE D’INTERPRÉTA­TION DE LA COURGE EN IMAGES, RENDEZ-VOUS SUR LE SITE WEB DU DEVOIR ET SON APPLICATIO­N TABLETTE.

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© FABRICE GAËTAN

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