Pour l’amour des Chic-Chocs
Des montagnes escarpées, des vallées, des canyons, des lacs, rivières, ruisseaux et chutes, un refuge pour des espèces menacées… Les monts Chic-Chocs, en Gaspésie, souvent décrits comme un lieu unique, n’ont jamais autant rayonné que cette année, puisque les Québécois ont été nombreux à s’aventurer sur leurs flancs. Le caractère riche et mystique du massif a été mis en lumière en septembre à Matane, lors d’une vibrante soirée ciné-conférence extérieure tenue dans le cadre de la campagne « Raconte-nous tes Chic-Chocs ». Une émouvante déclaration d’amour à ces monts pour lesquels plusieurs militent pour leur préservation.
Le court métrage L’écho des Chic-Chocs, réalisé par Robert Mercier et présenté dans le cadre de l’événement, donne la parole à des enfants, des biologistes, des randonneurs, des artistes, des trappeurs, des pêcheurs. Tour à tour, petits et grands expriment leur attachement à ce territoire et sa nature. Des images spectaculaires de montagnes, de faune et de flore ponctuent leurs récits.
L’émotion était palpable sur les visages des spectateurs pendant la projection du film à Matane, une initiative du Comité de protection des monts Chic-Chocs, en collaboration avec la Société pour la nature et les parcs (SNAP Québec) et le Conseil régional de l’environnement du BasSaint-Laurent. Le comité tente, depuis 13 ans, bénévolement, de protéger ses monts adorés.
C’est que la partie ouest des ChicChocs, située dans la réserve faunique de Matane, est non protégée, contrairement à la portion orientale qui se trouve dans le parc national de la Gaspésie. Québec s’est engagé à atteindre 17 % d’aires protégées en milieu terrestre d’ici la fin de l’année 2020 et le comité espère que cette fois est la bonne pour les monts ChicChocs.
Pour Alain Branchaud, directeur général de SNAP Québec, une aire protégée préserve la nature, mais aussi les services qu’elle nous rend : « On en retire des bénéfices de plusieurs ordres : lutte aux changements climatiques, bienfaits sur la santé, possibilité de développement économique régional. Il y a aussi les valeurs culturelles qu’on veut protéger. Le lien qu’ont les humains avec ce territoire fait partie des raisons pour lesquelles on veut le protéger. La culture occidentale nous a détachés de notre lien au territoire. On doit développer notre capacité à transmettre d’une génération à l’autre cet attachement-là, ce vécu-là qu’on a avec le territoire. »
Comme une expédition
Le guide de montagne et réalisateur Jacques Bouffard était conférencier invité à la soirée ciné-conférence. Originaire de Matane, il s’amuse dans les montagnes depuis une soixantaine d’années. Il a plusieurs expéditions dans ses souvenirs, initié très jeune par son père. Il est devenu accro : « Ce sont des monts où j’ai vécu mes premières émotions de bien-être en montagne. Dans les Chic-Chocs, je me trouvais au bon endroit, je me sentais bien. » Les monts Matawee et Collins l’ont beaucoup fait vibrer.
Jacques Bouffard salue les efforts du comité : « On a un but commun : la protection des Chic-Chocs. C’est un beau partage de connaissances. C’est comme une expédition, en fait, cette quête-là d’aire protégée. C’est un merveilleux mouvement de solidarité. Je m’affilie à ça ! » M. Boufles fard a terminé sa présentation en chantant, sur un air de Renaud : « C’est pas l’homme qui prend la montagne / C’est la montagne qui prend l’homme / Chic-Chocs ! »
« On doit développer notre capacité à transmettre d’une génération à l’autre cet attachement-là, ce vécu-là qu’on a avec le territoire »
Changer notre vision des montagnes
L’architecte Jean-Claude Bouchard, membre du Comité de protection des monts Chic-Chocs et bénévole de longue date pour le Sentier international des Appalaches, a passé beaucoup de temps sur ce territoire, pour la création du sentier et pour y faire de la randonnée. Il a été témoin de coupes forestières inquiétantes à 700, 800, 900 mètres d’altitude. « L’ensemble des peuples de la terre respectent leurs montagnes, sinon vénèrent. Nous, au Québec, on les voit beaucoup sous l’angle utilitaire. On voit du bois, on le coupe, on dit que c’est bon pour l’économie. L’économie est importante, bien sûr, la foresterie aussi, mais on ne doit pas couper n’importe où. Il y a des endroits, avec les changements climatiques, où il est irresponsable d’aller couper », fait-il valoir. À la suite de découvertes alarmantes comme celle-là, les six membres du comité se sont unis pour protéger ce joyau.
Lorsqu’il parle des monts ChicChocs, M. Bouchard évoque un territoire stupéfiant : « Une variété d’écosystèmes, des montagnes escarpées, des vallées encaissées, des canyons, des lacs, des rivières, des ruisseaux, des chutes. Sur les sommets, c’est un tout autre milieu. C’est beaucoup plus rigoureux, les arbres font penser à des bonsaïs. C’est très intéressant ! La flore est très diversifiée. C’est aussi le refuge d’espèces menacées, comme le caribou, l’aigle royal, et la grive de Bicknell. »
Jean-Claude Bouchard croit que les Québécois doivent être fiers de leur territoire : « Il faut être capable de voir nos richesses. Dans le contexte actuel de pandémie, on réalise à quel point les espaces naturels sont importants pour la population. Et il faut penser aux générations futures. Ce n’est pas juste pour nous ! »