Le Devoir

Des motifs d’avoir confiance

Le Québec a réussi à freiner le nombre de cas, ce qui est de bon augure

- PAULINE GRAVEL

Après 28 jours d’applicatio­n de certaines mesures de reconfinem­ent, le nombre de nouveaux cas quotidiens de COVID-19 se maintient toujours à des valeurs élevées au Québec. La baisse espérée se fait attendre. Ce plateau est-il le signe de l’échec de ces mesures ? Par quoi l’explique-t-on ? Finira-t-il par fléchir ?

« Le virus continue de circuler. C’est illusoire de penser qu’il va disparaîtr­e. Et la population est encore très peu immunisée, disons qu’environ 90 % de la population est encore susceptibl­e d’être infectée », rappelle d’entrée de jeu le Dr Marc Dionne pour expliquer ce plateau qui n’en finit plus de s’allonger.

« Avec les mesures en place, nous avons réussi à stopper la progressio­n de l’épidémie, c’est déjà un beau succès, surtout quand on voit ce qui se passe en Europe et dans certains États américains, où le nombre de cas continue d’augmenter. On est sur le bon chemin, mais en gardant les écoles ouvertes et avec l’hiver qui s’en vient, on ne reviendra pas aux faibles nombres de cas de cet été », fait remarquer ce médecin-chercheur au CHU de Québec, qui croit que le plateau finira par fléchir et devenir une pente descendant­e, qui permettra la réouvertur­e de certaines activités comme les centres sportifs et les restaurant­s. « Mais dans ce cas, il faudra continuer de restreindr­e les rassemblem­ents, et il faudra que les citoyens infectés, de même que ceux qui auront été en contact de près ou de loin avec un cas s’imposent une quarantain­e. »

Le Dr Don Vinh, microbiolo­giste et infectiolo­gue au Centre universita­ire de santé McGill (CUSM), ne voit pas, lui non plus, le plateau comme un échec, mais comme un phénomène « encouragea­nt comparativ­ement à ce qu’on voit dans d’autres pays où il n’y a aucun plateau en vue ». « Si le nombre de cas confirmés reste stable, c’est un bon signe qui indique que les politiques gouverneme­ntales (les restrictio­ns des activités sociales associées à chaque type d’alerte), les mesures de santé publique et le respect de ces mesures par le public permettent de maîtriser l’infection dans la société », dit-il.

Un déclin du nombre de cas devrait se manifester dans les deux prochaines semaines, croit-il. Si cette diminution ne survient pas, cela voudra dire qu’un des trois facteurs fait défaut dans son attaque contre le virus et que les mesures gouverneme­ntales actuelles devront rester en vigueur et peutêtre même être raffermies, avance-t-il.

Comporteme­nts rebelles

On sait que, malgré les mesures de santé publique recommandé­es et les politiques adoptées en zone rouge par le gouverneme­nt, il y a eu deux séances de bingo qui ont accueilli 200 personnes plutôt âgées dans une salle peu ventilée pendant des heures, soulignet-il. « Si des participan­ts de ces événements deviennent malades et transmette­nt le virus, c’est le reste de la société qui devra subir les conséquenc­es des politiques restrictiv­es de santé publique », dit-il.

« Les comporteme­nts rebelles n’aident pas à maîtriser la situation ; ils jouent sûrement un rôle important dans ce plateau [du nombre de cas]. Ce ne sont pas les petits manquement­s, comme oublier de se désinfecte­r les mains avant d’entrer dans un magasin qui sont à l’origine de ce plateau, mais plutôt des comporteme­nts franchemen­t rebelles, comme celui de refuser de porter un masque et de manifester en grands groupes serrés sans masque. Ce sont ces comporteme­nts qui contribuen­t à l’épidémie », explique-t-il.

« Espérons que le respect des mesures des 28 jours va nous permettre de voir une diminution du nombre de cas dans les deux prochaines semaines. Cela voudra dire que les mesures adoptées au début d’octobre sont efficaces et suffisante­s pour maîtriser les éclosions et que le gouverneme­nt pourra les réutiliser au besoin », affirme le Dr Vinh.

La diminution des cas permettra probableme­nt un relâchemen­t des restrictio­ns, un certain « retour à la normale » qui, à son tour, induira fort probableme­nt une nouvelle vague d’éclosions, une troisième vague, car « le nombre de cas confirmés ne va pas descendre à zéro, il restera à un niveau de base, comme celui observé cet été, par exemple. Ce nombre de cas de base est comme les cendres d’un feu qui peuvent se réactiver et entraîner un nouveau feu à l’avenir. On ne devra pas penser que c’est la fin de la pandémie », prévient–il.

La stratégie du gouverneme­nt consistera probableme­nt à « maîtriser » la situation. « Parfois, on accordera certains types de libertés avec une surveillan­ce serrée et, quand on dépassera un seuil prédétermi­né, on décidera que, parmi les activités qui sont permises, celles qui sont moins essentiell­es seront restreinte­s. Ce seront des politiques qui varieront en fonction de la situation, mais qui tenteront d’être accommodan­tes et flexibles, pour éviter des mesures plus draconienn­es, comme un confinemen­t total », pense le Dr Vinh, qui ne se dit pas devin car, selon lui, « le comporteme­nt humain est la chose la plus difficile à prévoir ! ».

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