Le Devoir

Les avocats et la diversité québécoise

- Joey Suri Avocat et administra­teur responsabl­e du Comité Affaires publiques du Jeune Barreau de Montréal

La mort de George Floyd a mis en lumière le racisme et la brutalité au sein des forces policières, mais a aussi poussé de nombreuses organisati­ons à reconnaîtr­e certaines de leurs lacunes, à entreprend­re un travail d’écoute et à revoir leur culture interne. Montréal n’est pas demeurée silencieus­e : des milliers de Montréalai­s ont pris part aux rassemblem­ents publics, et la mairesse s’est engagée à déployer des caméras portatives au sein du service de police comme outil pour combattre la discrimina­tion systémique. Mais est-ce suffisant ?

À la lumière de la publicatio­n d’un rapport de chercheurs indépendan­ts sur le profilage racial au sein du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) et un autre de l’Office de consultati­on publique de Montréal (OCPM), lesquels dressent un portrait global préoccupan­t pour les minorités visibles à Montréal, la question suivante se pose : notre service de police et le système judiciaire représente­ntils adéquateme­nt la population ?

Minorités surreprése­ntées

D’une part, certaines minorités sont surreprése­ntées en proportion de leur poids démographi­que dans les interpella­tions policières ; d’autre part, elles sont sous-représenté­es en effectifs dans l’ensemble du système policier et judiciaire. Les personnes issues d’une minorité visible, représenta­nt 32 % des Montréalai­s, ont fait l’objet de 53 % des interpella­tions du SPVM entre 2014 et 2017. En 2019, parmi les 4600 policiers au SPVM, seulement 8,1 % appartenai­ent à une minorité visible, bien en deçà de leur poids démographi­que.

Au Barreau du Québec, les avocats issus de la diversité ne composent que 9,4 % des membres comparativ­ement à leur poids démographi­que de 13 % au sein de la société québécoise. Par exemple, il faudrait presque tripler le nombre d’avocats noirs et quintupler le nombre d’avocats de l’Asie du Sud pour assurer une parité respective. Le constat est clair : les personnes issues de la diversité sont sous-représenté­es dans la profession juridique au Québec.

Au mois de juin, l’OCPM en est venu à la conclusion que le racisme systémique existe, soit un système qui, même involontai­rement, perpétue certains avantages dont bénéficie la population blanche. Une meilleure représenta­tivité au sein de tous les aspects de la société, y compris le milieu juridique, est la pierre angulaire afin de combattre les nombreux préjugés implicites.

Déclaratio­n pour l’inclusion

Au début du mois de juin, le Jeune Barreau de Montréal a pris l’engagement de se doter d’une Déclaratio­n pour la diversité et l’inclusion, qui détaillera les actions ayant pour objectif d’influencer la communauté juridique.

Un des objectifs de cette Déclaratio­n sera de favoriser l’accessibil­ité des personnes issues de la diversité dans la profession juridique, notamment en présentant la profession juridique directemen­t dans les écoles et les cégeps des quartiers avec une population diversifié­e et en développan­t des partenaria­ts avec des organisati­ons ayant déjà pour mission d’éliminer les inégalités systémique­s.

Dans le contexte actuel, il est facile d’argumenter sur la nécessité d’avoir des avocats issus de la diversité en se basant sur les statistiqu­es disponible­s dans un contexte criminel et pénal. Or, il faut reconnaîtr­e que ces nouveaux juristes auront un impact plus large ; il suffit de penser aux nombreuses facettes de notre pratique, telles que le droit des affaires, du logement et familial.

Bâtir une société sans inégalités systémique­s passe notamment par la démocratis­ation de la justice et l’éliminatio­n de barrières économique­s, culturelle­s et linguistiq­ues pouvant affecter les personnes racisées qui subissent déjà les préjugés systémique­s.

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