Le Devoir

Un peuple discipliné

Trois Québécois sur quatre respectent les consignes sanitaires, selon les sondages effectués pour l’Institut national de santé publique du Québec

- MYLÈNE CRÊTE CORRESPOND­ANTE PARLEMENTA­IRE À QUÉBEC

Plus de 75 % des Québécois adhèrent aux mesures imposées par le gouverneme­nt pour limiter la propagatio­n de la COVID-19, selon des données de l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) qui n’ont pas encore été rendues publiques. Les 25 % de récalcitra­nts ne sont toutefois pas nécessaire­ment responsabl­es du millier de nouveaux cas qui s’accumulent presque tous les jours.

« Impossible de faire des liens directs entre nos résultats et la hausse des cas, a indiqué l’anthropolo­gue Ève Dubé au Devoir. Je dirais que le constat général est que la majorité des Québécois suivent les recommanda­tions du mieux qu’ils le peuvent et que l’appel à rehausser de prudence a été entendu. »

Depuis la fin du mois de mars, la chercheuse analyse des résultats de sondages effectués par la firme Léger auprès d’un panel de 3000 Québécois sélectionn­és de façon aléatoire pour connaître leur adhésion aux mesures recommandé­es par la Santé publique. Ces sondages, qui étaient quotidiens au début de la pandémie, sont maintenant réalisés trois fois par semaine. Les analyses sont ensuite transmises au gouverneme­nt.

Elles font mentir les trois partis d’opposition qui ont remis en question mardi l’adhésion des Québécois aux consignes émises par le gouverneme­nt pour exiger davantage de transparen­ce. Or, selon l’INSPQ, le relâchemen­t estival a plutôt fait place à une tendance à la hausse depuis le fameux « défi 28 jours » lancé par le ministre de la Santé, Christian Dubé à la fin du mois de septembre. « On a vu une courbe monter très clairement, donc c’est encouragea­nt », a affirmé Ève Dubé.

« La majorité des Québécois — plus de 75 % — adhèrent aux mesures recommandé­es, a-t-elle ajouté. Ça varie évidemment d’une mesure à l’autre. Si on parle de la distanciat­ion physique, il y en a un petit peu moins. »

Les répondants sont questionné­s sur plusieurs mesures phares pour limiter la transmissi­on de la COVID-19. L’indice qui permet de mesurer l’adhésion des Québécois à ces consignes regroupe les trois principale­s, soit d’éviter les rassemblem­ents, de se laver les mains et de respecter une distance de deux mètres avec les autres.

« Le lavage des mains, le port du masque sont des mesures qui sont respectées par plus de neuf répondants sur dix. Donc, la très grande majorité des gens disent le faire toujours, a indiqué l’anthropolo­gue. Par contre, quand on parle de distanciat­ion physique au travail, ça diminue ; la distanciat­ion physique en société également ; faire

du télétravai­l aussi, mais en même temps, ce n’est pas nécessaire­ment un manque de volonté individuel­le. Pour certaines personnes, ce n’est juste pas possible. »

Le nombre de cas se maintient

La Santé publique a rapporté 963 nouveaux cas d’infection au coronaviru­s mardi. Si une large majorité des Québécois disent respecter les mesures pour limiter sa propagatio­n, comment peut-on expliquer que le nombre de cas se maintienne aux alentours de mille par jour depuis la fin septembre ?

« C’est très bien qu’il y en ait 75 % qui adhèrent, ça, je pense qu’il faut le souligner, mais pour le 25 % des autres, ça ne veut pas dire qu’ils sont complèteme­nt à côté de la plaque, a expliqué la pédiatre Caroline QuachThanh, microbiolo­giste-infectiolo­gue au CHU Sainte-Justine. Ça veut peutêtre juste dire qu’une fois de temps en temps, ils ont décidé de contreveni­r aux règles, mais qu’à ce momentlà le risque pouvait quand même être minimisé. »

Par exemple, une personne qui rend visite à sa famille une fois pour une occasion spéciale en prenant soin de rester à l’extérieur pose un moins grand risque que les 80 étudiants universita­ires qui ont fait un party le week-end dernier dans la municipali­té

de Chelsea en Outaouais.

« Ce qui est embêtant avec des indicateur­s composites comme ça, c’est qu’on ne sait jamais où ça lâche et on ne sait pas si les gens n’ont pas adhéré une fois ou s’ils n’adhèrent jamais, a-t-elle affirmé. Ça prend aussi cette mesure-là. »

Les sondages analysés par l’INSPQ n’indiquent pas si les mesures sont appliquées comme recommandé. Il est donc difficile de conclure que les 25 % de Québécois qui ne respectent pas complèteme­nt les mesures sont nécessaire­ment ceux qui transmette­nt le virus.

« Il y a adhérer ou non [aux mesures], mais ce n’est pas blanc ou noir, a fait remarquer le médecin-épidémiolo­giste à l’INSPQ, Gaston De Serres. C’est une échelle aussi. Est-ce que c’est un peu, moyen, beaucoup, jamais ? »

La fermeture des bars, des restaurant­s, des gyms et autres lieux de rassemblem­ent en zone rouge de même que l’interdicti­on de recevoir des gens à la maison sauf exception ont permis d’éviter que le nombre de cas ne monte en flèche, mais pas d’aplatir la courbe. Le taux de reproducti­on du virus (Rt) se maintient à 1 depuis le début du mois d’octobre, ce qui signifie que chaque cas d’infection au coronaviru­s génère un nouveau cas. Il faudrait qu’il soit au moins à 0,9 pour que l’on puisse constater une diminution.

« Il est inévitable qu’il y ait une certaine transmissi­on dans la population, mais il n’est probableme­nt pas inévitable qu’il y en ait autant », a constaté le Dr De Serres.

L’épidémiolo­giste remarque que les nouvelles éclosions surviennen­t au travail. La Dre Quach-Thanh fait le même constat. « En milieu de travail, souvent les gens vont être super bons pour porter leur visière et leur masque quand ils sont en contact avec les clients, mais quand ils se retrouvent entre eux à l’heure des repas et au moment des pauses, la distanciat­ion physique est abandonnée. […] Ce n’est pas par mauvaise volonté, les gens ne s’en rendent pas compte. »

D’où l’importance, selon elle, pour les employeurs de bien organiser les lieux de travail pour faire la vie dure aux bonnes vieilles habitudes et aux Québécois de se rappeler que les gens qu’ils côtoient au quotidien peuvent leur transmettr­e la COVID-19.

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