C’est bien, mais ce n’est pas suffisant
Le fameux Rt est de 1, mais il faudrait qu’il diminue encore pour aplanir la courbe
Alors que nous surfons toujours sur la deuxième vague de COVID-19 tout en tentant de l’aplanir, le niveau de transmission du virus dans la population est stable, et ce, depuis fin septembre. Pour que le nombre de nouvelles infections diminue, il faudra réduire encore plus nos interactions, nous indique le fameux Rt, dont l’INSPQ suit avec attention les variations depuis le début de la pandémie.
Rappelons d’abord que le R0 et le Rt, ou taux de reproduction au début de l’épidémie (temps 0) et à différents moments de l’épidémie (temps t), représentent le nombre moyen de personnes qu’un individu contaminé par la COVID-19 infecte. Au début de l’épidémie, soit vers le 13 mars, le R0 se situait entre de 2 et 3. Cela voulait dire qu’une personne infectée en contaminait deux à trois autres. Puis, le confinement draconien qui nous fut imposé le diminua à une valeur inférieure à 1, soit à 0,62 à la fin du mois de mai et début juin. La transmission du virus régressait donc puisque 100 personnes contaminées n’en infectaient que 62.
En juillet, le déconfinement a entraîné une hausse (le Rt a alors atteint 1,30), mais celle-ci a disparu (Rt étant revenu sous 1) « quand tout le monde est parti en vacances à travers le Québec où la distanciation était davantage possible », fait remarquer Benoît Mâsse, chercheur à l’École de santé publique de l’Université de Montréal.
À partir de la mi-août, le Rt a connu une grande progression, atteignant la valeur 1,4 en septembre. « Les contacts entre les gens ont clairement augmenté jusqu’à la fin du mois d’août et le début du mois de septembre. Déjà en septembre, voyant le nombre d’infections augmenter, le Dr Arruda et le ministre de la Santé nous invitaient à réduire nos contacts. La population a visiblement écouté le message car, avant même la mise en place des mesures du 1er octobre, les Québécois ont réduit volontairement leurs contacts puisque la veille de l’annonce des restrictions, le Rt était déjà redescendu à 1 », fait remarquer M. Mâsse.
Quand le Rt est égal à 1, comme en ce moment, cela signifie qu’une personne en infecte une autre, et que l’épidémie est relativement stable, d’où le plateau que nous observons dans le nombre de nouveaux cas dépistés par jour. Tant que le Rt demeurera à 1, le nombre de nouvelles infections par jour demeurera le même.
Selon la dynamique typique de l’épidémie, ce sont d’abord les contacts qui, en augmentant, accroissent le nombre d’infections, lesquelles se traduisent après un certain temps par une augmentation des hospitalisations et
subséquemment des décès.
Pour que le nombre quotidien de nouveaux cas diminue, il faudrait donc que le Rt glisse sous la valeur de 1 et, pour ce faire, « on doit demander à la population un effort supplémentaire », explique M. Mâsse. « Idéalement, on voudrait voir descendre le Rt à des valeurs allant de 0,8 à 0,9. Mais ce sera un peu plus difficile d’y arriver en gardant ouverts les milieux de travail et les écoles qui permettent beaucoup de contacts. »
« Comme on a maintenu la fermeture des restaurants, des salles de gym et des salles de spectacles jusqu’au 23 novembre, peut-être qu’on parviendra à descendre à 0,9. Et si le Rt diminue à 0,9, cela voudra dire que les 1000 nouvelles infections par jour que nous enregistrons n’en généreront que 900 », précise-t-il.
Le nombre d’infections au départ a aussi une influence sur la progression de l’épidémie, souligne M. Mâsse en donnant l’exemple des États-Unis, où les Rt varient entre 1,05 et 1,1. « Cela semble peu élevé et très semblable au nôtre sauf que, s’ils ont au départ 50 000 infections, comme c’est le cas et même pire actuellement puisqu’on dénombre jusqu’à 80 000 nouvelles infections certains jours, ces dernières vont en générer 55 000, si le R est de t 1,1 », démontre-t-il.
Réduire les contacts
« La seule chose que l’on puisse faire à l’heure actuelle pour diminuer le R est de réduire les contacts entre les gens. Les diminutions et les augmentations du R que nous observons sur la courbe [ci-contre] sont dues respectivement à la réduction et à l’augmentation des contacts. Pour le moment, c’est le seul facteur sur lequel on peut influer, car nous ne disposons pas d’un vaccin [qui interromprait la transmission], ni de traitements qui raccourciraient la durée de l’infection. C’est donc la raison pour laquelle on reconfine », affirme M. Mâsse.
Ainsi, les mesures restrictives en vigueur devraient réduire les contacts, ce qui entraînera une diminution des infections, puis après un certain temps, celle des hospitalisations, et par la suite celle des décès.
« Le plus grand danger qui nous guette cet automne et cet hiver, ce sera l’effritement de l’adhésion des citoyens aux mesures sanitaires. Il y a plus de défiance et de réticence à respecter les mesures que durant la première vague. Beaucoup se demandent pourquoi les salles de spectacle et les gyms sont fermés alors qu’ils ne sont pas des sources d’éclosion. Ces questions reviennent de plus en plus souvent », fait remarquer le chercheur.
Anticipation
Le gouvernement réplique qu’il agit par anticipation. « On pense que ces lieux deviendront des sources d’éclosion, mais ce genre de réponse ne réconforte pas beaucoup les gens qui vivent de ces activités et ceux qui souffrent du confinement. On comprend qu’il faille fermer des lieux où surviennent des éclosions, mais les fermer par anticipation, je ne sais pas pendant combien de temps les Québécois vont accepter ça. Il ne faut pas [tenir] pour acquise leur adhésion aux mesures », prévient-il.
« Cela fait six à sept mois qu’on endure ça. Ça ne fait pas que 28 jours ! En plus, on réalise que le vaccin n’est pas à nos portes. Et on n’a pas autre chose pour venir nous aider, on n’a pas une saison estivale qui s’en vient. On en a encore pour plusieurs semaines, voire plusieurs mois. »
M. Mâsse comprend néanmoins « le gouvernement qui, voyant que nous sommes sur un plateau, voudrait prendre son temps. Mais le 23 novembre, toute cette pression va revenir, et alors les explications devront être excellentes parce qu’on risquera alors de perdre encore plus l’adhésion de la population aux mesures sanitaires », dit-il.