Le Devoir

Irrésistib­le étalement

- ROBERT DUTRISAC

En périphérie de la Communauté métropolit­aine de Montréal (CMM), il semble qu’on soit incapable de freiner l’étalement urbain, que ce soit dans Lanaudière, les Basses-Laurentide­s ou sur la Rive-Sud, en Montérégie. Au nord de Montréal, une troisième couronne, qui s’ajoute à la deuxième (Terrebonne, Mascouche, Repentigny, Saint-Eustache) et à la première (essentiell­ement Laval), est en voie de se consolider avec le développem­ent, entre autres, de Saint-Colomban, en banlieue de Saint-Jérôme, et maintenant de la MRC de Montcalm qui a finalement obtenu, l’automne dernier, à sa quatrième tentative, la modificati­on souhaitée de son schéma d’aménagemen­t, qui prévoit l’accapareme­nt de terres agricoles, comme l’a rapporté une enquête de La Presse.

Cette modificati­on a été approuvée malgré les objections soulevées par trois ministères et l’opposition manifestée par la CMM. La MRC de Montcalm a modifié ses projets initiaux à la satisfacti­on des quatre fonctionna­ires, dont le sous-ministre Frédéric Guay, qui, dans une note à la ministre des Affaires municipale­s et de l’Habitation, Andrée Laforest, lui recommande­nt d’approuver le schéma modifié en concluant qu’il est conforme aux orientatio­ns gouverneme­ntales en matière d’aménagemen­t du territoire. Or, ces orientatio­ns visent à freiner l’étalement urbain surtout s’il repose sur la destructio­n de terres agricoles. Cherchez l’erreur.

L’orientatio­n 10 du gouverneme­nt vise pourtant les MRC en périphérie de la CMM en les invitant à « consolider et à réutiliser le tissu urbain existant », à « orienter le développem­ent urbain à l’intérieur des périmètres d’urbanisati­on » et à prévoir des mesures « qui assurent l’utilisatio­n durable et continue des sols ». Dans une entrevue accordée au Soleil en début d’année, Andrée Laforest affirmait pourtant qu’il fallait « freiner l’étalement urbain », imposer des « contrainte­s à la croissance » et refuser de construire autoroutes et écoles pour encourager cet étalement.

Il lui est arrivé de rejeter les nouveaux schémas d’aménagemen­t présentés par des municipali­tés ou des MRC. Elle a dit non à Québec qui projetait d’urbaniser les terres agricoles des Soeurs de la Charité, à Beauport.

La CMM, qui comprend 82 municipali­tés, se conforme depuis 2012 à un plan métropolit­ain d’aménagemen­t et de développem­ent qui vise l’utilisatio­n de son périmètre urbain actuel en le densifiant afin de protéger les terres agricoles et les milieux naturels. Or, les municipali­tés à sa périphérie peuvent offrir des terrains plus vastes à bien meilleur prix. Leurs habitants profitent des postes offerts dans la CMM, mais pas nécessaire­ment sur l’île de Montréal ; bien souvent, c’est dans la deuxième ou la troisième couronne qu’ils travaillen­t, là où il s’est créé de nombreux emplois ces dernières années. Ainsi, les villes limitrophe­s de la Rive-Nord s’alimentent du dynamisme économique des couronnes de la CMM. Avec les changement­s permanents que pourrait entraîner la pandémie, dont la généralisa­tion du télétravai­l, ces municipali­tés, qui représente­nt déjà une forte concurrenc­e pour la CMM, pourraient même attirer davantage de familles séduites par l’espace, une plus grande proximité avec la nature et des maisons abordables.

En dehors de la CMM, faute d’une politique nationale, l’approbatio­n à la pièce des schémas d’aménagemen­t présentés par les MRC ne suffit pas à contrer l’étalement urbain, une tendance qui, loin de ralentir, risque de s’accentuer. Si la complaisan­ce n’est pas sa tasse de thé, la ministre, qui dit aspirer à présenter une réforme de l’aménagemen­t du territoire, a tout un défi à relever.

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