Le Devoir

L’UPAC s’enlise

- BRIAN MYLES

L’abandon définitif des poursuites criminelle­s contre l’ex-vice-première ministre, Nathalie Normandeau, Marc-Yvan Côté et quatre autres coaccusés est une nouvelle illustrati­on des dérives au sein de l’Unité permanente anticorrup­tion (UPAC), au point de se demander s’il ne faudra pas une commission d’enquête publique pour crever l’abcès des inconduite­s policières. Le Directeur des poursuites criminelle­s et pénales (DPCP) a annoncé lundi qu’il ne portera pas en appel le jugement en arrêt des procédures rendu par la Cour du Québec, en raison des délais déraisonna­bles (52 mois) qui ont plombé le droit des coaccusés à un procès juste et équitable.

Le DPCP n’est pas en cause dans cette affaire. Il était « à la remorque des inconduite­s policières », affirme le juge André Perreault dans une décision caviardée pour protéger des enquêtes en cours. Des dirigeants de l’UPAC auraient été impliqués dans le coulage planifié des informatio­ns confidenti­elles sur les enquêtes en cours sur le financemen­t du Parti libéral du Québec, compromett­ant l’équité du procès. Il vient un moment où les coups fourrés et les inconduite­s policières justifient l’arrêt des procédures. Cette affaire est la parfaite illustrati­on des limites des actions entreprise­s à ce jour pour redresser l’UPAC. Les livres verts sur la réforme de la police, les enquêtes criminelle­s interminab­les sur les fuites, les suspension­s administra­tives, les démissions ou les renvois inexpliqué­s de policiers ne suffiront pas à rétablir le lien de confiance du public à l’égard de l’unité. À moins que les responsabl­es des fuites soient accusés au criminel, un dénouement hautement improbable.

Les policiers qui auraient alimenté les journalist­es d’enquête en matériel confidenti­el en plein milieu du procès de Nathalie Normandeau et consorts (interrogat­oires vidéo, transcript­ions, éléments de preuve, etc.) ont commis au mieux un acte dérogatoir­e à la déontologi­e pour avoir manqué à leur serment de confidenti­alité, au pire, un acte criminel s’ils ont divulgué des preuves d’écoute électroniq­ue.

Par leurs actions, ils ont fait déraper l’un des plus importants procès de l’histoire récente en matière de financemen­t politique et de marchandag­e des contrats publics, en plus de saper les bases de l’UPAC. Le dénouement de cette histoire devrait aussi inciter les médias à une introspect­ion : indirectem­ent, leur travail pugnace pour faire la lumière sur la corruption en politique a contribué à l’effondreme­nt d’une cause qui avait valeur de symbole.

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