Le Devoir

La saga entourant la vente de MEC se poursuit en cour

- FRANÇOIS DESJARDINS

La saga entourant la vente de MEC à des intérêts américains entame un nouveau chapitre : le mouvement Sauvons MEC porte partiellem­ent en appel la décision d’un tribunal de la Colombie-Britanniqu­e qui a autorisé la transactio­n, le 2 octobre, même si les membres de la coopérativ­e ont déploré le fait que le conseil d’administra­tion du détaillant ne les a pas consultés malgré la loi et les règlements internes.

L’appel « n’empêchera pas la vente » et le processus est « pratiqueme­nt impossible à renverser », affirment les organisate­urs de la campagne, qui cherchent plutôt un jugement déclaratoi­re de la Cour d’appel de la Colombie-Britanniqu­e selon lequel les droits des membres, dont des milliers se trouvent au Québec, ont été brimés.

« La Loi sur les arrangemen­ts avec les créanciers des compagnies [LACC] ne devrait pas être utilisée pour retirer le droit des membres/propriétai­res d’une coop d’être impliqués dans la prise de décisions majeures lorsqu’il est question du futur de leur coop », indique Sauvons MEC sur son site Internet.

« Une décision en notre faveur pourrait assurer la protection de toutes les autres coopérativ­es à travers le Canada, et pourrait éventuelle­ment préparer le terrain pour de nouvelles mesures afin de reprendre possession de notre coopérativ­e. »

Dans un communiqué subséquent, elle a affirmé que « pour Sauvons MEC, le recours à la LACC constitue une violation du droit d’associatio­n, puisque les coopérativ­es sont une forme d’associatio­n protégée légalement ».

La vente de MEC à Kingwood Capital Management, une firme californie­nne, a soulevé l’indignatio­n dans le milieu coopératif, où beaucoup ont déploré que les membres, qui ont chacun payé 5 $ pour leur part sociale, n’ont pas été consultés, ni pour autoriser une transactio­n, ni pour mobiliser du financemen­t afin de redresser les livres de l’entreprise. Rapidement, la campagne visant la suspension de la vente a reçu l’appui de Coopérativ­es et mutuelles Canada, qui compte entre autres parmi ses membres Desjardins et Sollio (ex-Coop fédérée).

MEC fait notamment valoir que l’urgence de la situation était telle qu’il fallait agir vite et que les sommes qu’il fallait amasser étaient trop grandes pour une campagne de contributi­on volontaire auprès des membres. Le 14 septembre, la direction a annoncé qu’elle avait demandé la protection des tribunaux contre ses créanciers et a dévoilé, le jour même, la vente à Kingswood.

Depuis sa fondation en 1971, MEC a accueilli environ 5,8 millions de membres, dont 750 000 au Québec, selon les organisate­urs de Sauvons MEC. La campagne a mobilisé 100 000 $ pour payer les frais juridiques et recueilli quelque 140 000 signatures sur Internet. Kingswood compte maintenir la presque totalité de ses 22 magasins ouverts tout en conservant 85 % de son personnel. À l’heure actuelle, la chaîne compte 1143 employés, dont 94 au Québec.

Peu probable au Québec

« D’aller en appel, c’est bien, car ils vont au fond de leurs conviction­s, même si leur espoir est limité et qu’ils espèrent plus avoir des impacts à plus long terme sur des décisions, ou une certaine jurisprude­nce qui pourrait s’installer pour des cas futurs », a dit en entrevue le p.-d.g. du Conseil québécois de la coopératio­n et de la mutualité (CQCM), Gaston Bédard, luimême membre de MEC.

Il est très peu probable qu’un cas comme la vente de MEC sans consultati­on de ses membres en amont survienne un jour au Québec, estime M. Bédard, car la Loi sur les coopérativ­es contient des articles dont l’esprit est clair : une organisati­on doit consulter ses membres pour aller de l’avant avec de grandes manoeuvres.

Le CQCM procède depuis un an et demi à une révision de la loi, car il a été avisé il y a quelques années que le gouverneme­nt voudra un jour aller de l’avant avec des consultati­ons formelles. Parmi les questions qu’on se pose, selon M. Bédard : « Est-ce qu’il doit y avoir d’autres modèles de coop ? Est-ce que le lien coop-usager doit demeurer tel qu’il est ? Est-ce qu’il peut y avoir des leviers de surveillan­ce à certains endroits ? Tout ça est en cours. »

Le mouvement Sauvons MEC veut obtenir un jugement déclaratoi­re selon lequel les droits des membres de la coopérativ­e ont été brimés lors de la vente de la chaîne

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DARRYL DYCK LA PRESSE CANADIENNE Le détaillant compte 22 magasins répartis à travers le Canada.

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