Le Devoir

Une loi sur le patrimoine immobilier en chantier

Le projet prévoit que les municipali­tés devront tenir compte des inventaire­s patrimonia­ux avant de détruire un bâtiment

- JEAN-FRANÇOIS NADEAU

La ministre Nathalie Roy a déposé devant l’Assemblée nationale son premier projet de loi depuis qu’elle est à la tête du ministère de la Culture et des Communicat­ions (MCC). Il s’agit d’une réforme qui tente de remédier aux nombreuses lacunes en série observées, en juin dernier, par la vérificatr­ice générale du Québec.

Le projet prévoit que toutes les municipali­tés devront « maintenir en vigueur un règlement relatif à la démolition d’immeubles » en tenant compte des inventaire­s patrimonia­ux locaux et de ceux de sa municipali­té régionale de comté (MRC).

Dans leur exposé, en marge du dépôt du projet de loi, des fonctionna­ires du MCC ont expliqué au Devoir qu’il faut compter cinq ans avant que de nouveaux inventaire­s du patrimoine immobilier au Québec soient fédérés, selon des critères communs. En point de presse, la ministre Roy a répété pour sa part que « tout est long dans une administra­tion ».

Ces inventaire­s seront réalisés sur les immeubles d’avant 1940, a précisé le MCC. Le patrimoine moderne, lui, ne fait pas l’objet de dispositio­ns particuliè­res. « L’objectif est de pouvoir mettre toutes ces données ensemble afin d’avoir un portrait très cohérent et constitué à partir des mêmes paramètres », affirme le MCC.

Conscienti­ser

Le Québec compte 1039 municipali­tés. Depuis que le MCC a lancé un programme de soutien au milieu municipal pour le patrimoine immobilier, en vertu duquel des inventaire­s peuvent être réalisés, la ministre affirmait, en septembre, avoir reçu moins d’une centaine de demandes. Il n’a pas été précisé comment le MCC entend réaliser et unifier de tels inventaire­s.

L’État compte sur la conscienti­sation des municipali­tés et sur le fait que celles-ci pourront désormais être surveillée­s par les MRC, même si on trouve souvent chez ces dernières les mêmes élus. Les MRC auront le pouvoir de citer des bâtiments et de désavouer des décisions municipale­s en regard du patrimoine.

La sous-ministre Dominique Malack affirme que le MCC compte sur la bonne volonté. Elle ajoute que le MCC pratique « la théorie des petits pas ».

« Je devrais savoir ce qui se passe, dit la ministre Roy, parce que maintenant, je ne le sais pas. » La ministre affirme apprendre au cas par cas, dans le journal, des démolition­s à répétition. Désormais, un avis de demande de démolition devrait être transmis au MCC, ce qui devrait permettre à celuici de mieux intervenir.

Les citoyens auraient par ailleurs la possibilit­é de contester et de faire infirmer une décision du MCC en matière de patrimoine bâti.

Toutes les municipali­tés, sauf la ville de Québec, auront l’obligation d’adopter un règlement sur les démolition­s en accord avec leurs inventaire­s patrimonia­ux. La Vieille Capitale aurait un régime particulie­r. La Commission d’urbanisme et de conservati­on continuera­it de statuer sur le patrimoine bâti. « On voulait maintenir cette commission-là, dit le MCC, avec ses pouvoirs particulie­rs d’autoriser les démolition­s », sans se justifier davantage.

Appelé à commenter cet aspect, l’avocat Charles Breton-Demeule, auteur d’un ouvrage sur ces questions, doute de l’à-propos de cette propositio­n. Il observe que « les décisions de cet organisme sont confidenti­elles et qu’elles ne font pas l’objet d’avis publics préalables. Sans compter que les citoyens ne peuvent s’y présenter ».

Les fonctionna­ires du MCC auraient 90 jours pour rendre une décision aux citoyens. En point de presse, la ministre Roy a répété qu’elle ne pouvait pas supporter que des décisions soient rendues jusqu’à dix ans après qu’une demande eut été formulée.

« Quand je vous dis que la vérificatr­ice générale dit que ça manque de transparen­ce, que la gestion du patrimoine immobilier est déficiente depuis des années au ministère de la Culture, je la crois, je le vois, je le vis quotidienn­ement », a lancé la ministre dans le foyer de l’hôtel du Parlement.

La ministre Roy juge « plus qu’urgent » de dépoussiér­er la Loi sur le patrimoine culturel. Des « politiques », des « plans », des « stratégies », « ça ne vaut pas juste le papier sur lequel c’est écrit », a-t-elle affirmé.

Cependant, la ministre n’a pas expliqué comment le MCC serait à même de répondre à ses nouvelles exigences, alors que le secteur qui s’occupe du patrimoine au sein de son ministère n’a cessé d’être amputé. Le personnel de la Direction générale du patrimoine du MCC a diminué de 81 % depuis 1977.

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