Le Devoir

Trump perd la cote, même en économie

- ANALYSE ÉRIC DESROSIERS

Les politicien­s de droite sont souvent perçus, pas toujours à raison, comme plus compétents en matière économique que leurs adversaire­s de gauche. C’est de moins en moins le cas de Donald Trump.

Pour la première fois cette année, une plus grande proportion d’Américains estiment que leur président a plus nui à l’économie (46 %) qu’il ne l’a aidé (44 %) avec ses politiques, selon un récent sondage de la Peterson Foundation. Les politiques économique­s resteraien­t néanmoins le seul grand sujet pour lequel plus d’électeurs accordent leur confiance à Donald Trump qu’à son adversaire démocrate dans la course présidenti­elle, selon un autre sondage du Pew Research, mais de justesse (52 % contre 51 %).

Pendant ce temps, sur les marchés boursiers durement secoués par les conséquenc­es de la pandémie de COVID-19, les titres des plus petites compagnies se tirent mieux d’affaire que ceux des grandes, rapportait jeudi le Wall Street Journal, notamment parce que les sondages donnent Joe Biden gagnant.

Bilan décevant

Donald Trump s’est fait élire en 2016 avec les promesses habituelle­s à droite de baisses importante­s d’impôts, de réduction des déficits et d’allègement de la réglementa­tion, mais aussi, chose moins courante dans le camp républicai­n, de politiques commercial­es plus protection­nistes et de grands investisse­ments dans les infrastruc­tures. « Ces mesures n’ont généraleme­nt pas eu les effets positifs promis sur la croissance de l’économie », constatait une analyse du Mouvement Desjardins la semaine dernière.

Plus modestes que celles de Ronald Reagan ou de George W. Bush, et ayant essentiell­ement profité aux plus riches et aux actionnair­es des entreprise­s, les baisses d’impôts de Donald Trump n’ont finalement pas eu l’effet d’entraîneme­nt économique souhaité et ont surtout contribué à creuser les déficits, a observé jeudi The Economist. Les grands investisse­ments en infrastruc­tures n’ont jamais eu lieu, contrairem­ent à l’allègement de la réglementa­tion qui s’est toutefois largement limitée à la destructio­n des normes environnem­entales. Quant au protection­nisme, pour ne pas dire les guerres commercial­es de la Maison-Blanche, elles n’ont épargné personne, au point d’être le principal frein à la croissance mondiale les deux dernières années et sans que les États-Unis ne réduisent d’un dollar leur déficit commercial.

L’économie américaine se portait quand même relativeme­nt bien au début de l’année, constate The Economist, et le président Trump aurait normalemen­t eu de bonnes chances de se faire réélire si un certain coronaviru­s n’était pas survenu.

Votez Joe !

De nombreux analystes estiment aujourd’hui que ce n’est pas Donald Trump, mais Joe Biden, qui présente le meilleur plan de match en matière de création d’emplois et de croissance économique à long terme. Ils saluent son ambitieux projet d’investisse­ments de 3 000 milliards dans les infrastruc­tures, l’éducation, la santé, la recherche et développem­ent et un virage vert. Qu’une bonne partie de l’addition soit réglée par un renverseme­nt des baisses d’impôt régressive­s et inefficace­s de Donald Trump ne les émeut guère. Ils entrevoien­t avec joie une réouvertur­e des portes à l’immigratio­n, une réduction des tensions commercial­es et un retour du géant américain dans les forums multilatér­aux dans un rôle plus positif.

Cela tombe bien parce que, contrairem­ent à la dernière crise financière, le consensus économique porté par le Fonds monétaire internatio­nal, l’OCDE ou la Réserve fédérale américaine n’en appelle plus les gouverneme­nts à un retour à l’équilibre budgétaire le plus rapidement possible, observait le Financial Times jeudi. On encourage plutôt ceux qui le peuvent à profiter des bas taux d’intérêt pour asseoir leur redémarrag­e sur des assises plus durables à long terme.

Ils ne sont pas les seuls. Les dirigeants de nombreuses grandes entreprise­s américaine­s préfèrent eux aussi Biden, non seulement à ses solutions de rechange plus à gauche, comme Bernie Sanders et Elizabeth Warren, mais même à Donald Trump, rapportait dimanche le Wall Street Journal. La plupart d’entre eux n’avaient pas besoin de la pandémie pour se faire rappeler les répercussi­ons économique­s et humaines des grands problèmes de fond comme les bouleverse­ments climatique­s, le creusement des inégalités, la polarisati­on de la politique, le racisme et le sous-investisse­ment en santé, en éducation et en innovation technologi­que.

Et puis, ils sont fatigués des coups de gueule et des virements de bord incessants du président, poursuivai­t le quotidien. « La liste des problèmes à régler est longue, et tout ce que nous faisons c’est des shows de boucane sur la twittosphè­re », s’y désole un ancien du gouverneme­nt de George W. Bush, aujourd’hui représenta­nt des grandes banques. « Il est temps de se remettre au travail. »

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BRENDAN SMIALOWSKI AGENCE FRANCE-PRESSE De nombreux analystes estiment aujourd’hui que ce n’est pas Donald Trump, mais Joe Biden, qui présente le meilleur plan de match en matière de création d’emplois et de croissance économique à long terme.

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