Les valeurs sûres et le réconfort brillent sur la scène du 42e gala de l’ADISQ
Les Cowboys Fringants et Louis-Jean Cormier, ayant chacun récolté deux statuettes, ont été les plus primés
Comme si elle cherchait à répondre à l’incertitude et à l’angoisse de notre automne confiné, l’ADISQ a misé hier soir sur les valeurs sûres, les artistes établis, les rassembleurs, les réconfortants : la 42e édition du gala a couronné de deux Félix Les Cowboys Fringants, ceux du Groupe de l’année et de la Chanson de l’année pour L’Amérique pleure, lesquels s’ajoutent aux trois autres remportés lors du Premier Gala mercredi dernier. Et pour une seconde fois de sa carrière (solo), Louis-Jean Cormier a gagné le Félix de l’Auteur ou compositeur de l’année ; il en partage déjà deux de plus avec les membres de Karkwa.
L’association a poussé la douce et rassurante note jusqu’à sacrer Alexandra Stréliski Interprète féminine de l’année, l’unique surprise de la soirée — plus tôt cette semaine, la pianiste avait remporté le Félix de l’Artiste de l’année ayant le plus rayonné hors Québec. Compositrice de l’année et Révélation de l’année lors du précédent gala à la faveur de l’impressionnant succès de son thérapeutique album Inscape, Stréliski devient ainsi la première artiste de musique instrumentale à remporter celui de l’Interprète, et elle le fait devant les musiciennes consacrées Isabelle Boulay (qui l’a remporté à sept reprises !), Marie-Mai (cinq victoires) et Ariane Moffatt (deux victoires). Marie-Pierre Arthur, qui a récolté deux statuettes lors du Premier Gala, complétait la courte liste dans cette catégorie.
Le Félix de l’Interprète masculin de l’année a été remporté par la Révélation de l’année 2017, l’attachant Émile Bilodeau, devant ses confrères Cormier, Pierre Lapointe, Ludovick Bourgeois et Marc Dupré ; ce dernier se consolera toutefois avec le trophée de l’Album de l’année – pop, remporté pour Rien ne se perd, son septième album en carrière.
Pour une 15e année de suite, Louis-José Houde a joué les maîtres de cérémonie, manoeuvrant habilement cette édition rendue extraordinaire par la pandémie et la vague de dénonciations à l’endroit de musiciens et d’acteurs de l’industrie de la musique qui a déferlé l’été dernier — sans nommer les présumés coupables, l’humoriste a égratigné Kevin Parent et Mariepier Morin dans son numéro d’ouverture — et présentant un discours d’équilibriste, entre la bonne blague et la remarque solidaire.
Surtout, l’équipe de production est parvenue à surmonter les épreuves et à présenter un gala qui laissait certes paraître les contraintes de sécurité imposées par la Santé publique, mais animé lorsque la caméra se tournait vers les studios de Radio-Canada, où les artistes en nomination étaient réunis. Auditoire réduit, mais auditoire malgré tout : ces applaudissements entendus après les performances en direct de Louis-Jean Cormier, de Marie-Pierre Arthur et d’Éli Rose étaient sentis. Hormis sa conclusion livrée par Bleu Jeans Bleu en studio, le traditionnel medley d’ouverture tricotant ensemble les chansons des 2Frères, d’Évelyne Brochu, de Naya Ali et de KNLO avait été préenregistré sur des scènes extérieures offrant différents points de vue de Montréal.
Pour une 15e année de suite, Louis-José Houde a joué les maîtres de cérémonie, manoeuvrant habilement cette édition rendue extraordinaire par la pandémie et la vague de dénonciations à l’endroit de musiciens et d’acteurs de l’industrie de la musique qui a déferlé l’été dernier
Pincement au coeur
Forcément, l’annonce du lauréat dans la catégorie Spectacle de l’année – auteur, compositeur, interprète nous a fait un pincement au coeur, au moment où les scènes sont désertes et la musique vivante ne vit que par écrans interposés, au moins jusqu’au 23 novembre prochain. C’est Robert Charlebois qui s’est vu récompensé pour sa rétrospective Robert en CharleboisScope ayant valu à son équipe plus tôt cette semaine deux Félix « industriels » (Conception d’éclairages et projections de l’année, Mise en scène et scénographie de l’année). On peut supputer qu’au moment du bilan post-gala, les organisateurs de l’ADISQ seront forcés d’envisager de suspendre la remise de ce prix, ainsi que tous les autres attachés à la performance scénique, lors de la 43 édition du gala…
La catégorie Révélation de l’année a mis un peu de piquant à cette soirée de remise de Félix. Variée, la courte liste réunissait Evelyne Brochu, le projet Flore Laurentienne du compositeur Mathieu David Gagnon (il a remporté son premier Félix lundi dernier, celui de l’Arrangeur de l’année, pour l’album Volume 1), Miro, l’Acadien P’tit Belliveau et Eli Rose. À Eli la victoire, après avoir interprété durant la soirée un extrait de son premier album de chansons électro-pop il y a un an pile.
Enfin, le Félix de l’Artiste autochtone de l’année — une catégorie inaugurée l’année dernière, alors remportée par Florent Vollant — a été décerné à Elisapie ; l’autrice-compositrice-interprète avait déjà mis la main sur le Félix du Spectacle de l’année – autres langues pour le concert tiré de son album The Ballad of the Runaway Girl. Grâce à son album L’étrange pays, Jean Leloup a triomphé dans la catégorie Album de l’année – folk, particulièrement riche cette année puisqu’il y affrontait Émile Bilodeau (Grandeur mature), Sara Dufour (Sara Dufour), Les Hay Babies (Boîte aux lettres) et Alexandre Poulin (Nature humaine). Le rappeur KNLO n’aura pas remporté le prix de l’Auteur ou compositeur de l’année, mais à lui le prix de l’Album de l’année – rap, pour l’excellent Sainte-Foy, qui concourrait aussi dans une catégorie très relevée aux côtés de Souldia, Dramatik, Robert Nelson et LaF.