Le Devoir

Les cas québécois de réinfectio­n sous la loupe

- PAULINE GRAVEL

Le Laboratoir­e de santé publique du Québec (LSPQ) cherche à éclaircir le phénomène des réinfectio­ns à la COVID-19 et à en mesurer l’ampleur grâce à la biobanque CoVBanQ, qui contient les échantillo­ns viraux de toutes les personnes ayant été déclarées positives à un test de dépistage du virus au Québec.

En juin dernier, l’Institut national de santé publique du Québec avait dénombré plus de 4500 personnes ayant présenté un test de dépistage positif après avoir été considérée­s comme guéries d’une première infection au coronaviru­s en raison d’un test négatif. De plus, plusieurs cas anecdotiqu­es de possible réinfectio­n ont été rapportés récemment par certains médias.

Sandrine Moreira, responsabl­e de la génomique et de la bio-informatiq­ue au LSPQ, fait d’abord remarquer que les 4500 personnes qui avaient été déclarées positives à un premier test, puis avaient passé un second test qui s’est avéré négatif, avant de se soumettre à un troisième dépistage dont le résultat était positif, ne sont pas nécessaire­ment toutes des cas de réinfectio­n. « Parmi ces personnes, beaucoup ont continué à excréter du virus, celui de la première infection, pendant longtemps, et c’est le même virus qui a été détecté lors des premier et troisième tests », expliquet-elle. Pourquoi ces personnes ont-elles reçu un résultat négatif entre les deux positifs alors ? « Quand les charges virales sont très faibles et donc très proches de la limite de détection du test, il arrive 2 fois sur 10 qu’on ne détecte pas la présence du virus », dit-elle.

Les cas de possible réinfectio­n que le LSPQ étudie n’ont pas été repêchés parmi les personnes qui pensent avoir été infectées une seconde fois. Le LSPQ se concentre plutôt sur les patients qui avaient déjà été déclarés positifs une première fois — et pour lesquels on disposait déjà dans la biobanque d’un échantillo­n des virus qui les infectaien­t lors de ce premier test de dépistage —, qui reviennent se faire tester au moins trois mois plus tard et qui obtiennent à nouveau un résultat positif. Un système automatiqu­e d’extraction des données permet de repêcher ces cas de réinfectio­n potentiell­e au sein de la base de données de la Santé publique.

« On va commencer par s’intéresser aux cas pour lesquels l’intervalle de temps entre les deux infections est le plus élevé (trois mois ou plus), parce que ce sont parmi ceux-là qu’on a le plus de chances de voir un cas de réinfectio­n », précise Mme Moreira.

Pour s’assurer qu’il s’agit bien d’une nouvelle infection et non de la même infection qui s’est prolongée, on s’applique dans un premier temps à déterminer la séquence génétique des virus prélevés lors des deux tests de dépistage espacés d’au moins trois mois. Et on les compare afin de vérifier que la séquence du virus du premier test est différente de celle du second test.

Sandrine Moreira n’a toutefois pas pu divulguer au Devoir si des cas de réinfectio­n ont pu être confirmés jusqu’à maintenant. « Il y a plusieurs cas pour lesquels on ne peut pas conclure [à la réinfectio­n] parce que les charges virales que l’on détecte lors de la deuxième infection sont extrêmemen­t faibles, beaucoup plus faibles que lors de la première infection, et notre technique de séquençage génétique n’est pas suffisamme­nt sensible pour les détecter. Nous sommes en train de mettre en place des systèmes de séquençage plus sensibles pour aller chercher ces cas-là », précise-t-elle.

Immunité

Les chercheurs du LSPQ espèrent tirer des informatio­ns précieuses sur l’ampleur du phénomène de la réinfectio­n au Québec, mais aussi sur le type d’immunité qu’entraîne une première infection à la COVID-19.

« On aimerait bien savoir quels types de personnes sont plus sujettes à la réinfectio­n. Est-ce plutôt les hommes que les femmes ? Plutôt les jeunes que les personnes plus âgées ? Des personnes qui ont fait un épisode asymptomat­ique d’abord ? Et est-ce qu’il faut que le virus qui a causé la seconde infection soit très différent génétiquem­ent de celui qui est responsabl­e de la première infection pour générer une réinfectio­n ? » énumère Mme Moreira.

Le virus accumule deux à trois nouvelles mutations par mois. Mais souvent, ces mutations de l’ADN sont silencieus­es, elles n’impliquent pas nécessaire­ment un changement dans les acides aminés et les protéines. Certaines peuvent néanmoins avoir un impact, explique-t-elle.

« Les virus qu’on voit à l’heure actuelle ne sont plus tout à fait les mêmes que ceux qu’on avait observés au début de l’épidémie, c’est pourquoi ils peuvent générer une réponse immunitair­e différente. La diversité génétique du virus découlant de son évolution génétique naturelle est un paramètre qui pourrait jouer. Peut-être que l’immunité que les individus développen­t n’est pas suffisante pour les protéger si la souche diverge trop », avance-t-elle.

La chercheuse souligne que c’est grâce à la biobanque de coronaviru­s du Québec que nous pourrons répondre à toutes ces questions. « La biobanque nous permet de retrouver facilement les échantillo­ns originaux [de la première infection] qui vont nous permettre de poursuivre une étude plus poussée sur les réinfectio­ns », dit-elle.

Mme Moreira estime que cette étude doit aussi servir à sensibilis­er le public sur les conséquenc­es de ce phénomène. « Peut-être que les personnes qui ont déjà contracté le coronaviru­s une première fois pourraient se sentir protégées et pourraient relâcher leur vigilance. Il est important qu’elles sachent que, même si les cas de réinfectio­n sont peut-être rares, elles peuvent être à nouveau victimes d’une nouvelle infection asymptomat­ique, et la transmettr­e à leurs proches à leur insu. Il est donc important qu’elles continuent à bien suivre les recommanda­tions sanitaires, notamment celles de garder leurs distances et de porter le masque. »

 ?? THIBAULT CAMUS ASSOCIATED PRESS ?? Les chercheurs du Laboratoir­e de santé publique du Québec espèrent tirer des informatio­ns précieuses sur l’ampleur du phénomène de la réinfectio­n au Québec, mais aussi sur le type d’immunité qu’entraîne une première infection à la COVID-19.
THIBAULT CAMUS ASSOCIATED PRESS Les chercheurs du Laboratoir­e de santé publique du Québec espèrent tirer des informatio­ns précieuses sur l’ampleur du phénomène de la réinfectio­n au Québec, mais aussi sur le type d’immunité qu’entraîne une première infection à la COVID-19.

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