Les cas québécois de réinfection sous la loupe
Le Laboratoire de santé publique du Québec (LSPQ) cherche à éclaircir le phénomène des réinfections à la COVID-19 et à en mesurer l’ampleur grâce à la biobanque CoVBanQ, qui contient les échantillons viraux de toutes les personnes ayant été déclarées positives à un test de dépistage du virus au Québec.
En juin dernier, l’Institut national de santé publique du Québec avait dénombré plus de 4500 personnes ayant présenté un test de dépistage positif après avoir été considérées comme guéries d’une première infection au coronavirus en raison d’un test négatif. De plus, plusieurs cas anecdotiques de possible réinfection ont été rapportés récemment par certains médias.
Sandrine Moreira, responsable de la génomique et de la bio-informatique au LSPQ, fait d’abord remarquer que les 4500 personnes qui avaient été déclarées positives à un premier test, puis avaient passé un second test qui s’est avéré négatif, avant de se soumettre à un troisième dépistage dont le résultat était positif, ne sont pas nécessairement toutes des cas de réinfection. « Parmi ces personnes, beaucoup ont continué à excréter du virus, celui de la première infection, pendant longtemps, et c’est le même virus qui a été détecté lors des premier et troisième tests », expliquet-elle. Pourquoi ces personnes ont-elles reçu un résultat négatif entre les deux positifs alors ? « Quand les charges virales sont très faibles et donc très proches de la limite de détection du test, il arrive 2 fois sur 10 qu’on ne détecte pas la présence du virus », dit-elle.
Les cas de possible réinfection que le LSPQ étudie n’ont pas été repêchés parmi les personnes qui pensent avoir été infectées une seconde fois. Le LSPQ se concentre plutôt sur les patients qui avaient déjà été déclarés positifs une première fois — et pour lesquels on disposait déjà dans la biobanque d’un échantillon des virus qui les infectaient lors de ce premier test de dépistage —, qui reviennent se faire tester au moins trois mois plus tard et qui obtiennent à nouveau un résultat positif. Un système automatique d’extraction des données permet de repêcher ces cas de réinfection potentielle au sein de la base de données de la Santé publique.
« On va commencer par s’intéresser aux cas pour lesquels l’intervalle de temps entre les deux infections est le plus élevé (trois mois ou plus), parce que ce sont parmi ceux-là qu’on a le plus de chances de voir un cas de réinfection », précise Mme Moreira.
Pour s’assurer qu’il s’agit bien d’une nouvelle infection et non de la même infection qui s’est prolongée, on s’applique dans un premier temps à déterminer la séquence génétique des virus prélevés lors des deux tests de dépistage espacés d’au moins trois mois. Et on les compare afin de vérifier que la séquence du virus du premier test est différente de celle du second test.
Sandrine Moreira n’a toutefois pas pu divulguer au Devoir si des cas de réinfection ont pu être confirmés jusqu’à maintenant. « Il y a plusieurs cas pour lesquels on ne peut pas conclure [à la réinfection] parce que les charges virales que l’on détecte lors de la deuxième infection sont extrêmement faibles, beaucoup plus faibles que lors de la première infection, et notre technique de séquençage génétique n’est pas suffisamment sensible pour les détecter. Nous sommes en train de mettre en place des systèmes de séquençage plus sensibles pour aller chercher ces cas-là », précise-t-elle.
Immunité
Les chercheurs du LSPQ espèrent tirer des informations précieuses sur l’ampleur du phénomène de la réinfection au Québec, mais aussi sur le type d’immunité qu’entraîne une première infection à la COVID-19.
« On aimerait bien savoir quels types de personnes sont plus sujettes à la réinfection. Est-ce plutôt les hommes que les femmes ? Plutôt les jeunes que les personnes plus âgées ? Des personnes qui ont fait un épisode asymptomatique d’abord ? Et est-ce qu’il faut que le virus qui a causé la seconde infection soit très différent génétiquement de celui qui est responsable de la première infection pour générer une réinfection ? » énumère Mme Moreira.
Le virus accumule deux à trois nouvelles mutations par mois. Mais souvent, ces mutations de l’ADN sont silencieuses, elles n’impliquent pas nécessairement un changement dans les acides aminés et les protéines. Certaines peuvent néanmoins avoir un impact, explique-t-elle.
« Les virus qu’on voit à l’heure actuelle ne sont plus tout à fait les mêmes que ceux qu’on avait observés au début de l’épidémie, c’est pourquoi ils peuvent générer une réponse immunitaire différente. La diversité génétique du virus découlant de son évolution génétique naturelle est un paramètre qui pourrait jouer. Peut-être que l’immunité que les individus développent n’est pas suffisante pour les protéger si la souche diverge trop », avance-t-elle.
La chercheuse souligne que c’est grâce à la biobanque de coronavirus du Québec que nous pourrons répondre à toutes ces questions. « La biobanque nous permet de retrouver facilement les échantillons originaux [de la première infection] qui vont nous permettre de poursuivre une étude plus poussée sur les réinfections », dit-elle.
Mme Moreira estime que cette étude doit aussi servir à sensibiliser le public sur les conséquences de ce phénomène. « Peut-être que les personnes qui ont déjà contracté le coronavirus une première fois pourraient se sentir protégées et pourraient relâcher leur vigilance. Il est important qu’elles sachent que, même si les cas de réinfection sont peut-être rares, elles peuvent être à nouveau victimes d’une nouvelle infection asymptomatique, et la transmettre à leurs proches à leur insu. Il est donc important qu’elles continuent à bien suivre les recommandations sanitaires, notamment celles de garder leurs distances et de porter le masque. »