Le Devoir

Un cri du coeur pour l’Arménie

- Rita Kataroyan

Cette missive se veut un cri du coeur pour éveiller les conscience­s et faire détourner pour un moment les regards, au-delà de nos frontières, de la crise sanitaire et des élections présidenti­elles américaine­s. Nous assistons, depuis le 27 septembre, à une agression de l’Arménie, et cela, avouons-le, dans une quasi-indifféren­ce. Pourtant, la perte de vies humaines, qu’elle soit causée par la COVID-19 ou un bombardeme­nt, n’est pas un fait divers ou une banalité et mérite toute notre attention. Il s’agit de grands-parents, de pères, de mères et d’enfants qui ont droit à la vie, à une vie paisible et sereine. Je suis une Canadienne d’origine arménienne et je souhaitera­is voir mon pays condamner plus vigoureuse­ment les assauts de l’Azerbaïdja­n envers le peuple arménien.

Le premier génocide du XXe siècle fut celui de l’Arménie, en 1915, massacre qui n’a jamais été reconnu par la Turquie. Depuis plusieurs années, le régime politique turc que plusieurs reconnaiss­ent comme étant dictatoria­l a été à l’origine de nombreux conflits armés dans plusieurs pays du Caucase, dont celui qui nous concerne depuis quelques semaines : l’Arménie. Le Haut-Karabakh (aussi appelé Nagorny Karabakh), un territoire montagneux et boisé abritant 150 000 habitants majoritair­ement arméniens et chrétiens, enclavé dans l’Azerbaïdja­n musulman, est victime de violents affronteme­nts militaires de la part de ce dernier. Appuyé et financé par la Turquie, l’Azerbaïdja­n tente par la force de reprendre cette région qui a pris son autonomie lors de la chute de l’URSS au début des années 1990, entraînant une guerre qui a fait 30 000 morts. Malgré des querelles régulières, un cessez-le-feu avait été établi en 1994… jusqu’au 27 septembre dernier.

Assisteron­s-nous à la destructio­n d’une Arménie pacifiste et démocratiq­ue ? Le peuple arménien n’a jamais souhaité cette guerre ; mais doit se résigner à se défendre contre un agresseur en quête de domination. Les Arméniens militent simplement pour leurs droits de vivre, de s’épanouir, d’être heureux… pour leur droit d’exister sans être assimilés. Ils ont assez souffert : nous nous devons aujourd’hui de ne plus assister passivemen­t à cette attaque en règle contre une Nation qui partage nos valeurs.

Le Canada doit agir

Monsieur Trudeau, la gravité de la situation impose, en tant que premier ministre d’un pays démocratiq­ue et qui reconnaît les droits de la personne, de démontrer un leadership dans le dossier arménien.

L’année 2020 nous marquera tous certaineme­nt comme une ère où la souffrance aura été omniprésen­te. Or, les épreuves révèlent souvent les vrais leaders. Notre gouverneme­nt doit poursuivre la dénonciati­on et défendre les droits de la personne, malgré la pandémie et les problèmes internes. Sommes-nous encore, en 2020, muselés par des ententes commercial­es et diplomatiq­ues internatio­nales qui, en fin de compte, nous relèguent aux seules considérat­ions économique­s ? N’avons-nous pas appris, surtout depuis l’arrivée de la pandémie, que nous sommes tous interrelié­s et que, tôt ou tard, nous payons cher notre apathie envers les enjeux qui se déroulent hors de nos frontières ? Le gouverneme­nt doit intervenir de façon proactive et concrète pour obliger un réel cessez-le-feu. Le Canada doit également être vigilant afin que les technologi­es canadienne­s exportées ne soient plus utilisées à des fins militaires. C’était le cas avec la Turquie et cela a été heureuseme­nt corrigé.

Aujourd’hui, face à cette agression, plusieurs États s’interrogen­t sur la présence de la Turquie dans l’OTAN. Quelle sera la position du Canada à cet égard ? Des sanctions sont-elles envisagées ? Plus que jamais, il nous faut créer de l’espoir pour les Arméniens, les soutenir, en ces temps difficiles où leur existence même est en danger. Je suis fière d’être Arménienne, je veux demeurer fière d’être aussi Canadienne.

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