La pandémie silencieuse
Depuis le début de la pandémie, le système de santé s’est mobilisé pour faire en sorte de minimiser le nombre de morts en s’assurant notamment de ne pas déborder les capacités d’hospitalisation. Quelques voix se sont élevées pour signaler qu’en plus des dangers physiques menaçant les populations à risque, des dangers psychologiques les guettaient aussi.
Les spécialistes en santé mentale ont rapidement tiré la sonnette d’alarme en décrivant aux divers gouvernements comment une pandémie silencieuse s’installait aussi de façon indéniable. Ainsi le comité sur la violence de l’Association psychanalytique internationale a diffusé un avis international décrivant les risques de cette pandémie silencieuse des effets psychologiques du virus, du confinement et de l’isolement.
D’un côté, les gens vivant seuls constituent un groupe à risque. C’est une chose de vivre seul, c’est autre chose d’être forcé à la solitude, notamment de ne plus pouvoir voir ses amis ou sa famille. Déjà, les cliniciens, les psychothérapeutes, peuvent constater la grande détresse de personnes vivant seules. Parmi elles, certaines, tout en étant plus à risque, ne développeront peut-être pas une dépression au sens clinique habituel du terme, mais une sorte de dépressivité à bas bruit, qui risque fort de laisser des traces très importantes.
D’un autre côté, le comité sur la violence de l’Association psychanalytique internationale, dont je fais partie, veut attirer l’attention sur ces dangers que je résumerai rapidement ici. Si certaines personnes tendent à développer une dépressivité ou à retourner sur elles les effets de leur détresse, nous savons aussi que la détresse intra-familiale se transforme trop souvent en violence : violence de l’homme contre sa conjointe ; violence parentale contre les enfants. Transformer la détresse en violence est malheureusement une solution trop fréquente dans toutes les couches de la société. Les quelques événements récents que le Québec a vécus ne sont que la pointe de l’iceberg de cette transformation de la détresse psychologique en violence.
On répète ad nauseam que la santé mentale est le parent pauvre du système de santé québécois. Il est maintenant temps que les gouvernements s’attaquent à la pandémie silencieuse de la détresse et de la transformation de la détresse en violence. Il est temps d’offrir massivement des services psychologiques et de psychothérapie. Louis Brunet, Ph. D., psychologue et psychanalyste
Le 2 novembre 2020