Le Devoir

Trudeau critiqué pour sa position sur la liberté d’expression

- HÉLÈNE BUZZETTI CORRESPOND­ANTE PARLEMENTA­IRE À OTTAWA

Les propos de Justin Trudeau selon lesquels il existe des limites à la liberté d’expression lui valent des critiques de toutes parts. À Québec, François Legault désapprouv­e son homologue tandis qu’à Ottawa, tant le Bloc québécois que le Parti conservate­ur reprochent au premier ministre d’avoir abandonné la France.

La semaine dernière, M. Trudeau avait refusé de défendre le droit de caricature­r le prophète musulman Mahomet. Il a soutenu que « la liberté d’expression n’est pas sans limites » et que, dans une société diversifié­e, il faut « être conscient de l’impact de nos mots et de nos gestes sur les autres ».

Selon le premier ministre québécois, M. Trudeau fait fausse route. « Je ne suis pas d’accord avec Justin Trudeau, a lancé François Legault. Je suis d’accord avec Emmanuel Macron. On ne peut pas accuser des personnes qui ont fait des caricature­s, justifier de cette façon-là la violence. Je suis vraiment totalement en désaccord avec M. Trudeau. Il faut protéger la liberté d’expression. »

Des caricature­s de Mahomet ont été publiées à nouveau au cours des dernières semaines en France pour marquer le procès des accusés soupçonnés de complicité dans l’attentat contre Charlie Hebdo. C’est dans ce climat qu’un enseignant a été décapité et que des attaques à l’arme blanche se sont multipliée­s en territoire français.

À Ottawa, le chef du Bloc québécois estime que M. Trudeau a minimisé l’importance des attentats français en laissant entendre qu’ils sont le résultat d’une « provocatio­n ». « Il a cautionné le pire en laissant croire qu’il pourrait s’agir là d’une explicatio­n, d’une circonstan­ce atténuante à un geste qui ne peut être que totalement et sans condition dénoncé », a soutenu Yves-François Blanchet.

Lorsqu’on lui a fait remarquer que M. Trudeau n’est jamais allé jusque-là et qu’il a fermement dénoncé à la fois la décapitati­on et l’attaque au couteau de Nice, M. Blanchet a rétorqué que « la nuance n’est pas bienvenue ». M. Blanchet s’est levé à la Chambre des communes pour faire savoir au peuple français que le Bloc se dissociait de M. Trudeau.

Le Parti conservate­ur s’est mis de la partie en réservant ses premières questions quotidienn­es à ce sujet. « La liberté d’expression n’existe pas seulement quand ça fait notre affaire, a martelé le député de Québec, Gérard Deltell. Ça doit exister surtout quand ça ne fait pas notre affaire. C’est ça la liberté d’expression qui doit être honorée par le premier ministre. »

Le Bloc québécois a par ailleurs reproché au gouverneme­nt de ne toujours pas avoir mis en berne les drapeaux au Parlement à la mémoire de Samuel Paty, l’enseignant décapité. Après vérificati­on du Devoir auprès du cabinet du Patrimoine et du bureau du premier ministre, il semble que le gouverneme­nt n’était pas au courant qu’il devait le faire. Il planifie plutôt déjà une mise en berne pour les victimes de l’attentat dans le Vieux-Québec et le jour du Souvenir.

L’obligation de mettre les drapeaux en berne est contenue dans une longue motion dénonçant la décapitati­on que le Bloc québécois a fait adopter par la Chambre mardi dernier. Le Bloc avait pris cette initiative devant ce qu’il considérai­t comme la lenteur d’Ottawa à réagir à l’attentat.

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