Le Devoir

La « robocalyps­e » n’a pas eu lieu au Canada

Les robots n’ont pas chassé les travailleu­rs des entreprise­s. Au contraire, leur arrivée se traduit généraleme­nt par l’embauche de plus de main-d’oeuvre.

- ÉRIC DESROSIERS

Les robots n’ont pas chassé les travailleu­rs des entreprise­s canadienne­s, constate une étude sur le dernier quart de siècle. Au contraire, leur arrivée se traduit généraleme­nt par l’embauche de plus de main-d’oeuvre.

Les entreprise­s qui ont adopté des robots ont eu tendance à améliorer leur productivi­té de presque 1 % en moyenne par année, mais ont aussi augmenté dans la foulée le nombre de leurs employés de 15 %, rapporte Statistiqu­e Canada dans une étude dévoilée lundi et couvrant la période allant de 1996 à 2017.

L’analyse des données sur l’investisse­ment des entreprise­s et la compositio­n de leur main-d’oeuvre indique ainsi que l’acquisitio­n de robots répond à un désir de leur part d’améliorer leur rendement par l’améliorati­on de la qualité de leurs produits et services, plutôt que par une simple réduction de leurs coûts de main-d’oeuvre, observe l’auteur de l’étude, Jay Dixon. Les faits semblent ainsi contredire « certaines des pires craintes » qui sont entendues, comme celle d’une « robocalyps­e pour la main-d’oeuvre », note-t-il.

Bye bye, boss !

Cela ne veut pas dire que l’arrivée de robots profite à toutes les sortes de travailleu­rs, précise l’étude. Ceux dont le nombre tend à augmenter se retrouvent particuliè­rement dans les rangs des employés « très spécialisé­s » (emplois exigeant un diplôme universita­ire) et « peu spécialisé­es » (emplois exigeant un diplôme d’études secondaire­s ou un niveau de scolarité inférieur). Pour leur part, les opérateurs de machines-outils, les technicien­s de laboratoir­e chargés de préparer des échantillo­ns et autres « travailleu­rs moyennemen­t spécialisé­s » sont plus souvent remplacés par des robots.

« Les travailleu­rs les plus durement touchés, cependant, semblent être les cadres », rapporte-t-on. Leur proportion de l’ensemble des employés comme leur nombre absolu tend, en effet, à diminuer après l’arrivée de robots. Cela tiendrait entre autres au fait que la précision et la souplesse d’action de ces derniers permettent de réduire les besoins d’encadremen­t dans le fonctionne­ment quotidien. Des gestionnai­res intermédia­ires verraient également certaines de leurs tâches transférée­s vers le haut (choix des technologi­es de production) ou vers le bas (formation). Le besoin d’une plus grande capacité d’adaptation des travailleu­rs s’accompagne­rait aussi d’une plus grande autonomie d’action.

Largement le fait de l’industrie manufactur­ière, et plus particuliè­rement du secteur automobile, à la fin des années 90, la robotisati­on s’est graduellem­ent étendue à d’autres domaines, notamment l’agricultur­e, l’exploitati­on minière, la constructi­on et les services, dont les soins de santé avec l’automatisa­tion des laboratoir­es, rapporte Statistiqu­e Canada. Concentré dans les grandes villes de Toronto, de Montréal et de Vancouver, mais aussi dans le secteur automobile ontarien ainsi que dans les Prairies, le parc canadien de robots est passé d’une valeur totale de 1,2 milliard en 2008, dont la moitié dans l’industrie automobile, à 1,5 milliard en 2017, dont moins de 400 millions étaient encore détenus par les fabricants de véhicules. Tout porte à croire que le choc économique provoqué par la pandémie de coronaviru­s accélérera l’adoption des nouvelles technologi­es d’automatisa­tion, ont prévenu de nombreux experts ces derniers mois. Mais, si l’on a longtemps cherché à dresser la liste des emplois les plus menacés de disparitio­n, on constate aujourd’hui qu’il faudrait plutôt parler d’emplois amenés à changer de l’intérieur, les tâches routinière­s, répétitive­s et stéréotypé­es pouvant être laissées aux machines, contrairem­ent à celles qui nécessiten­t des habiletés sociales, la solution de nouveaux problèmes, de la créativité et de la capacité d’adaptation, expliquait cet été une étude de l’Institut de recherche en politiques publiques (IRPP).

Selon cette étude, seulement 11 % des travailleu­rs canadiens auraient plus de 70 % de risques de voir leurs emplois ainsi transformé­s, contre 29 % de travailleu­rs exposés à un risque plus modéré (entre 50 % et 70 % de risque). Contrairem­ent au constat de l’étude de Statistiqu­e Canada de lundi, l’IRPP classait les travailleu­rs les moins scolarisés au premier rang des plus menacés, avec 33 % de risques élevés pour les travailleu­rs sans diplôme contre 3,6 % pour les détenteurs d’un baccalauré­at.

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GETTY IMAGES Les travailleu­rs les plus durement touchés semblent être les cadres, rapporte Statistiqu­e Canada.

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