La fermeture des librairies ne passe pas
Au coeur de la grande surface, deux rayons sont bâchés de rouge : ci-gît le rayon livres de ce supermarché d’une banlieue populaire de Paris.
« Je trouve stupide la décision de fermer les rayons livres des supermarchés. Cela prive de culture les confinés », déplore Sylvie Lagrange, une assidue de la médiathèque du Kremlin-Bicêtre, au sud de Paris, où elle est allée « faire le plein » mercredi, juste avant l’annonce d’un nouveau confinement d’un mois en France.
« Et cela n’aide pas les petits commerces qui, eux, peuvent vraiment faire appliquer les gestes barrières », souligne-t-elle.
Après avoir fermé librairies et bibliothèques pour ce reconfinement entré en vigueur vendredi, le gouvernement, par souci « d’équité » vis-à-vis des libraires, a aussi interdit la vente de livres dans les grandes surfaces alimentaires et spécialisées.
Car, contrairement au choix fait par exemple en Belgique et en Suisse, en France, le livre a été étiqueté « non essentiel ».
Amour des livres
La décision a choqué dans un pays qui s’enorgueillit de sa culture et de son amour des livres, à grand renfort de prix littéraires, d’émissions télévisées spécialisées et d’un réseau public de 16 000 points de lecture. « Les hommes politiques se gargarisaient beaucoup de l’idée que la France était une nation avec une exception littéraire et qu’elle était une sorte de fille aînée de la lecture et de la librairie. Tout à coup, on s’aperçoit que tout ça n’était que du vent », a regretté l’écrivain Sylvain Tesson.
Depuis vendredi, la colère gronde : pétition au président Macron, libraires tentés par la désobéissance, appels à boycotter Amazon ou la FNAC, poids lourd français de la distribution de biens culturels (où les rayons culturels ont finalement été fermés). Jusqu’au report de plusieurs prix littéraires, dont le célèbre Goncourt, pour « qu’il [ne] bénéficie [pas] à d’autres plateformes de vente », a expliqué la déléguée générale de l’Académie Goncourt, Françoise Rossinot.
« La culture est essentielle, c’est une erreur de la sacrifier », a aussi estimé la mairesse de Paris, Anne Hidalgo, en annonçant « une initiative commune », avec d’autres villes, pour la réouverture des librairies.