Les institutions culturelles tentent de trouver le pouls des webdiffusions
Nouvelles propositions, choix délicats, gratuité... L’occupation de l’espace numérique se fait en rangs dispersés.
Les derniers jours nous ont amené plusieurs propositions de webdiffusions musicales gratuites de la part d’importantes institutions musicales québécoises et canadiennes. OSM, OSQ et Orchestre du CNA ont tous suivi l’Opéra de Montréal avec une proposition en ligne gratuite, alors que la première phase de confinement avait amené à construire patiemment un édifice amenant un modèle de consommation numérique payante tel que celui qui est utilisé en ce moment par l’Orchestre Métropolitain et le TNM avec Le petit prince.
L’occupation de l’espace numérique se fait donc en rangs dispersés et le reconfinement draconien de l’Europe, qui vient même de toucher l’Autriche, ne va pas simplifier les choses. D’ores et déjà, l’Opéra de Vienne vient d’annoncer la reprise de ses diffusions gratuites.
Mardi est mise à disposition la représentation d’Eugène Onéguine présentée en salle vendredi dernier.
Un dilemme
La question du choix entre gratuité et modèle payant se pose depuis toujours pour les institutions : la gratuité permet d’attirer plus de spectateurs. Faut-il rayonner davantage, à fonds perdu, ou insister sur la valeur du contenu diffusé et engranger quelques revenus ? Le récent ressac indique-t-il l’émergence d’une nouvelle « stratégie » : le tantôt gratuit, tantôt payant ? Il y a même une variante : gratuité limitée dans le temps avec appel aux dons, modèle utilisé par l’Opéra de Québec pour son Gala du 25 octobre. Mais il convient alors de bien assurer ses arrières : ce gala, retiré d’Internet par son diffuseur, se retrouve par ricochet sur le site « Opera on Video » qui relaie, en fait, une sorte de YouTube pirate russe. Ironie de l’histoire : alors que l’Opéra de Québec ne peut plus engranger des dons en montrant le fruit de son travail, c’est Opera on Video qui fait appel aux donations pour ses bons et « loyaux » services !
Pour en revenir aux programmes légitimement disponibles, l’Orchestre symphonique de Québec était récemment dirigé par Alexander Shelley dans un programme couplant le Double Concerto de Brahms, avec Kerson Leong et Stéphane Tétreault, et la Symphonie no 1 de Schumann. Accessible et musicalement recommandé malgré un son mat.
Le concert d’Halloween avec un orchestre costumé, sous la direction de Jacques Lacombe, était la première manifestation de l’OSM depuis un mois. Hélas, sa diffusion gratuite de quatre jours s’achevait lundi soir. L’orchestre a fait part la semaine dernière d’une nouvelle série de concerts exclusivement webdiffusés (payants) sans rapport avec le programme antérieurement communiqué.
Jacques Lacombe dirigera Angela Hewitt dans Ravel (à partir du 10 novembre), et Alexandre Shelley regroupera Strauss et Sibelius le 24. Très prévoyant ou peu optimiste, l’OSM a au programme un concert du temps des Fêtes avec Bernard Labadie le 15 décembre et une 7e Symphonie de Beethoven avec JeanMarie Zeitouni le 12 janvier. À en juger par le concert d’Halloween, les concerts OSM sont très rodés techniquement avec une nette plus-value sonore.
Le concert Doux réconfort, diffusé par l’Orchestre du Centre national des arts le 31 octobre et toujours accessible, surpasse également en qualité visuelle et sonore celui de l’OSQ. L’orchestre d’Ottawa retrouve la scène avec trois semaines de retard pour un programme de découvertes (George Walker, Jessie Montgomery, Jacques Hétu, Samuel Barber, Carlos Simon, Jocelyn Morlock) contextualisé par Alexander Shelley. La série de concerts se poursuivra tous les samedis.
Côté spectacles payants, on a plaisir à retrouver, après Pierre et le loup, le tandem TNM-OM pour Le petit prince, partition originale d’Éric Champagne en création canadienne. La musique est interstitielle en touches atmosphériques, alors que, dans Pierre et le loup, celle de Prokofiev est plus narrative. Le spectacle tient donc davantage du théâtre parsemé d’illustrations musicales poétiques. Il se distingue par l’excellente personnification du Petit prince (Renaud Lacelle-Bourdon) et la précision raffinée des éclairages de Nicolas Ricard.