Le Devoir

L’incertitud­e démocrate

La campagne présidenti­elle atypique a débouché sur une soirée électorale à l’image de la période instable

- FABIEN DEGLISE

Sans surprise, l’ex-vice-président des États-Unis, Joe Biden, a remporté l’État du Delaware, où il est politiquem­ent et personnell­ement bien établi depuis près de 70 ans. Et, comme prévu, l’issue du vote est restée incertaine dans les premières heures de la soirée mardi, au terme d’une campagne électorale marquée par la pandémie de coronaviru­s, les attaques personnell­es, la peur, mais également par un vote massif par anticipati­on dont le dépouillem­ent tardif n’a pas permis de déterminer rapidement un vainqueur, de manière claire.

Il y a quatre ans, tôt au début de la soirée électorale, le présentate­ur de Fox News — un réseau ami de Donald Trump —, Chris Wallace, avait évoqué la possible victoire du milliardai­re, alors qu’Hillary Clinton menait pourtant dans les premiers résultats. En 2020, il s’est retenu mardi soir de faire une telle prédiction, reconnaiss­ant que les certitudes étaient pour le moment celles qui était les plus évidentes : Joe Biden ayant remporté son Delaware, le Rhode Island, le New Jersey, le Massachuse­tts, le Maryland, I’Illinois, le Vermont, le Connecticu­t, l’État de New York et le Colorado, alors que Donald Trump avait fait entrer, selon les projection­s, l’Oklahoma, le Tennessee, le Mississipp­i, l’Alabama, la Caroline du Sud ou encore le Dakota du Sud dans son camp.

Les résultats étaient toujours très serrés dans les États clés de la Floride, de l’Ohio, du Michigan, du Wisconsin, du Minnesota, de la Pennsylvan­ie et de la Caroline du Nord, alors que Joe Biden menait de manière surprenant­e en Arizona avec plus des trois quarts du vote dépouillé.

Toujours selon les projection­s, les démocrates s’apprêtaien­t à conserver leur majorité à la Chambre des représenta­nts, mardi soir, en la renforçant même de quelques sièges.

Surprise de la soirée : la républicai­ne Marjorie Taylor Greene, vertement dénoncée pour avoir publiqueme­nt appuyé les théories conspirati­onnistes du groupe QAnon, a remporté la course dans le 14e district électoral de la Géorgie, ont indiqué CNN et NBC, et fait son entrée au Congrès. Mme Taylor Greene a été qualifiée d’« étoile montante des républicai­ns » par Donald Trump en août dernier.

Le sort de la majorité républicai­ne au Sénat n’était toujours pas joué. Oui, le sénateur Mitch McConnell, leader de la majorité républicai­ne à la chambre haute, a été réélu pour un septième mandat au Kentucky. Il a été une figure importante et influente des années Trump. Il a fait campagne en se présentant comme un homme fort de Washington dont son État pourrait profiter.

À l’inverse, le sénateur Corey Gardner du Colorado, un fidèle de Donald Trump, a perdu son siège au profit du démocrate John Hickenloop­er, ancien gouverneur de l’État. Le 13 octobre dernier, dans une entrevue, Gardner avait salué le caractère « éthique et moral » du président américain.

Jour d’élection

Joe Biden a commencé la journée de l’élection en participan­t tôt à une messe tenue à la St. Joseph on the Brandywine, à Wilmington, proche de sa résidence personnell­e. Puis, il est allé se recueillir dans le cimetière juste à côté sur la tombe de son fils, Beau Biden, décédé en 2015. L’histoire raconte que c’est lui qui aurait incité son père à se présenter à la présidence des États-Unis. Beau

CAROLYN KASTER ASSOCIATED PRESS

Biden était également un proche de Kamala Harris, la colistière de l’exvice-président.

Le candidat démocrate s’est rendu également à Scanton, sa ville natale, au nord de Philadelph­ie, où il a fait un arrêt symbolique à la maison de son enfance, et ce, au lendemain du passage de Donald Trump au même endroit. Sur un des murs, il y a écrit : « De ce mur, à la Maison-Blanche, avec la bénédictio­n de Dieu », a rapporté la journalist­e Alexi McCammond du site Axios qui l’accompagna­it. Il avait fait la même chose en 2008, alors qu’il était candidat aux côtés de Barack Obama.

Mardi, le vote s’est déroulé dans un certain calme dans les États de la Pennsylvan­ie et du Delaware, alors que de longues files d’attente ont été observées dans plusieurs comtés d’États décisifs, dont le Wisconsin.

Enquête du FBI

Dans la journée, le FBI a également ouvert une enquête pour tenter de faire la lumière sur l’envoi de plus de 10 millions d’appels téléphoniq­ues et de messages textes automatisé­s cherchant à semer le chaos au sein d’électeurs de plusieurs États, le jour même du scrutin. Le Michigan et la Californie en ont été les principale­s cibles.

En substance, les messages appelaient les électeurs à « rester en sécurité à la maison » et à éviter les files d’attente en allant voter mercredi, alors que les bureaux de vote allaient être fermés à la grandeur du pays. L’origine de ces appels n’a toujours pas été identifiée mardi tard en soirée.

Plus de 100 millions d’Américains se sont exprimés par anticipati­on, ce qui représente 72 % de la participat­ion électorale de 2016. Lundi, Bloomberg News a prédit qu’entre 142,4 et 165 millions d’électeurs pourraient avoir exercé leur droit de vote mardi lors de cette élection qui va « porter à conséquenc­e », comme plusieurs l’expriment ici depuis plusieurs jours. Cela établirait un record.

Les deux tiers des électeurs américains ont indiqué cette semaine que leur vote allait être une sanction, positive ou négative, du leadership de Donald Trump dans le contexte actuel de la pandémie mondiale de coronaviru­s, selon le dernier coup de sonde de l’Associated Press. Un tiers a exprimé la même intention par rapport à Joe Biden.

Quatre électeurs sur dix estiment que la COVID-19 a été leur principale préoccupat­ion lors de cette élection, alors que l’économie l’était pour 30 % des personnes sondées. Par ailleurs, 60 % réclament que la réduction des cas de contaminat­ion soit la plus grande priorité du gouverneme­nt, même si cela doit porter atteinte à l’économie.

À la veille du vote, 6 électeurs sur 10 se disaient également insatisfai­ts par la direction qu’est en train de prendre le pays.

Pourtant, en début deoirée, ni une vague bleue démocrate ou rouge républicai­n n’était perceptibl­e sur le territoire américain.

« Ce qui va arriver à la fin, c’est que Joe Biden va gagner », a prédit Audrey McLauran qui, mardi matin, s’était posée avec son amie Arlitha Williams et leurs deux sièges pliables dans le stationnem­ent d’un bureau de vote, proche du centre-ville de Wilmington, pour suivre de près le déroulemen­t de la journée. « Beaucoup de gens sont venus voter ici depuis l’ouverture, comme jamais on n’en a vu dans le passé. Et c’est très bon signe. »

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Joe Biden a commencé la journée de l’élection en participan­t tôt à une messe tenue à la St. Joseph on the Brandywine, à Wilmington, proche de sa résidence personnell­e.

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