Le Devoir

Les doigts croisés, les Floridiens se rendent aux urnes

Chacun espérait mardi que son vote fasse la différence dans cet État pivot

- III LE DEVOIR AUX ÉTATS-UNIS AMÉLI PINEDA À MIAMI

C’est dans une ambiance festive, ponctuée de vives discussion­s, que des partisans de Joe Biden et de Donald Trump ont passé ensemble les dernières heures précédant la fermeture des bureaux de scrutin de Miami, en Floride. Les doigts croisés, chacun espérait que son vote fasse la différence dans cet État pivot réputé républicai­n et remporté en 2016 par Donald Trump. Mais le souvenir des élections de 2000 est bien réel alors que les deux candidats étaient au coude-à-coude au moment où ces lignes étaient écrites.

« Ce sont les élections les plus importante­s de l’histoire de notre pays », lance Élizabeth Perez, rencontrée par Le Devoir à la sortie d’un bureau de vote de Hialeah, un quartier de Miami où se sont installés les premiers immigrants cubains. C’est la ville des États Unis qui compte le plus de résidents cubains et cubano-américains du pays, soit environ 73 % de la population. En y additionna­nt les immigrants d’autres pays latino-américains, la population hispanique atteint presque 95 %.

Accompagné­e de ses parents, la femme a fièrement voté pour Donald Trump. « Les gens doivent s’ouvrir les yeux. Il n’y a qu’un seul vainqueur possible et ce sera Donald Trump », lance avec aplomb son père José Perez. Fougueux, l’homme estime que les Latinos qui appuient le démocrate Joe Biden commettent une grave erreur. « On ne peut pas se permettre de laisser ce pays entre les mains de socialiste­s, vous m’entendez ? Ce pays, Dieu le protège et seul Donald Trump peut réellement le gouverner. Je serais prêt à donner ma vie pour cet homme-là », poursuit-il.

La Floride, où Trump a officielle­ment élu domicile, est l’un des États les plus décisifs. Le « Sunshine state » est connu pour faire ou défaire les présidents, comptant 29 grands électeurs.

Ce reportage a été financé grâce au soutien du Fonds de journalism­e internatio­nal TransatLe Devoir.

La communauté latino-américaine a été particuliè­rement courtisée. Tandis que les républicai­ns bénéficien­t traditionn­ellement de l’appui des Cubains installés à Miami, les démocrates semblent avoir réussi à obtenir l’appui des Portoricai­ns d’Orlando, dont beaucoup sont arrivés à la suite de l’ouragan Maria, en 2017.

En fin de soirée, tous retenaient leur souffle craignant un scénario similaire à celui vécu il y a 20 ans, alors que les résultats tardaient à rentrer.

Quelques heures plus tôt, devant le Miami Dade County Elections Department, un groupe de musicien colombien joue Con la pollera colorada — la jupe colorée — une chanson de type cumbia populaire dans les pays latino-américains.

« On voulait offrir une sérénade à tous les électeurs parce que c’est jour de vote et on veut que ça se termine dans la joie et non la discorde », explique Gina Romero, une organisatr­ice de New Florida Majority, un organisme non partisan, qui appui toutefois des candidats progressis­tes, et qui lutte pour les droits des familles noires et latinos de Floride.

L’entrevue est interrompu­e par l’arrivée de Mariela Gimenez, une républicai­ne d’origine colombienn­e qui, avec son immense drapeau Trump, se place à côté des partisans démocrates.

« Vous devriez avoir honte d’appuyer des socialiste­s », leur lance-telle. « C’est toi qui nous fais honte », lui réplique un partisan démocrate.

Le ton monte à quelques reprises, mais l’ambiance festive reprend rapidement le dessus. « Je ne peux pas m’expliquer que des latinos, des gens qui ont vécu au Venezuela, ou à Cuba, dont les familles ont vécu le communisme et le socialisme, puissent faire ça », explique la femme, qui arbore une casquette autographi­ée par le président Donald Trump. « J’aime cet homme et je suis certaine que notre pays demeurera rouge. S’il n’est pas réélu, je pense que ce sera à cause d’une fraude électorale », avance-t-elle.

Calme

La journée de vote avait commencé dans le calme à Miami Beach, loin des longues files qu’on a pu voir dans les derniers jours lors du vote par anticipati­on. Il faut dire qu’à Miami-Dade, 61,3 % des électeurs inscrits ont voté par anticipati­on.

« Jusqu’à hier, j’hésitais encore à qui donner mon appui, alors j’ai préféré attendre au dernier jour pour voter », explique Earl Archer. L’homme raconte avoir eu de la difficulté à faire son choix et a préféré attendre jusqu’au sprint final pour se faire une tête. « J’aime le président Trump », confiet-il. « Je suis convaincu d’avoir appuyé le bon candidat », poursuit-il.

Près de l’hôtel de ville, où se trouve un bureau de scrutin, une clinique de dépistage de la COVID-19 semblait beaucoup plus achalandée au moment où la file s’étendait le long d’un immense stationnem­ent.

Pilar Consuegro avait fait son choix depuis longtemps, mais elle n’avait personne pour l’accompagne­r voter. « Je devais attendre que ma petite fille ait le temps de venir avec moi », mentionne-t-elle. « J’ai prié tous les jours depuis les quatre dernières années pour que le vieux fou ne soit pas réélu », confie la dame.

« Quel vieux fou ? » lui demande sa petite fille à la blague. Comme dans beaucoup de familles d’origine cubaine, la politique est source de vives tensions. « Notre famille est plus divisée que jamais, c’est ça qui est triste, c’est que cet homme a réussi à diviser les gens », se désole-t-elle, faisant référence à Donald Trump.

Anna Castillo affiche fièrement ses couleurs à la sortie du bureau de vote. « Je suis ex-républicai­ne. En 2016, j’ai voté pour Trump et ç’a été la plus grande erreur que j’ai commise », dit la femme originaire du Nicaragua, avec dans la main deux drapeaux Biden 2020.

« Il est contre les Latinos, il est contre les immigrants, il est contre les illégaux. Je suis latina et même si j’ai eu la chance de venir ici légalement, je ne peux pas être contre des gens qui sont en quête d’un meilleur avenir. Il faut traiter les gens avec humanité, ce que M. Trump ne fera jamais », déplore celle qui espère que son vote provoque un changement.

Jusqu’à hier, j’hésitais encore à qui donner mon appui, alors j’ai préféré

attendre au dernier jour pour voter

EARL ARCHER

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PHOTOS MARIE-FRANCE COALLIER LE DEVOIR Anna Castillo affiche fièrement ses couleurs à la sortie du bureau de vote. « Je suis exrépublic­aine. En 2016, j’ai voté pour Trump et ç’a été la plus grande erreur que j’ai commise », dit la femme originaire du Nicaragua.
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Pilar Consuegra (à gauche) comptait sur sa petite-fille, Tahlia, pour l’accompagne­r au bureau de vote mardi.

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