Le Devoir

Le Québec aurait pu mieux faire contre la pauvreté

- ÉTUDE ÉRIC DESROSIERS

Gagnant déjà neuf fois plus que les plus pauvres, les 10 % des plus riches au Québec n’auraient eu à se passer que de leur augmentati­on de revenu d’une année pour permettre aux plus démunis d’assurer l’essentiel, selon une étude.

Près de 750 000 Québécois ne gagnaient pas assez d’argent en 2017 pour atteindre au moins le seuil de la Mesure du panier de consommati­on (MPC) de Statistiqu­e Canada, une mesure de faible revenu basée sur le coût d’un panier de biens et de services correspond­ant à un niveau de vie de base, rappelle l’Institut de recherche et d’informatio­ns socioécono­miques (IRIS) dans une courte étude qui doit être dévoilée ce mercredi.

Leur manque à gagner, cette annéelà, s’est élevé à un total de 3,9 milliards, dont 3,3 milliards (ou 85 %) chez les 10 % des Québécois les plus pauvres avec des revenus à peine équivalent­s à la moitié de la MPC.

Or, cette même année, les 10 % des Québécois les plus riches, qui gagnaient déjà presque cinq fois la MPC, ont encore augmenté leurs revenus après impôt d’un total de 3,4 milliards.

« Cela reflète nos choix en matières fiscales et politiques », a dit en entretien téléphoniq­ue au Devoir le principal auteur de l’étude et professeur à l’Université Saint-Paul, à Ottawa, Simon Tremblay-Pepin.

On pourrait, dit-il, si la richesse était partagée autrement, s’assurer que personne ne se retrouve sous la MPC tout en permettant à tous les Québécois, riches et pauvres, d’augmenter leurs revenus réels.

Recul de la pauvreté

De 2012 à 2017, le manque à gagner pour permettre à l’ensemble des Québécois d’atteindre au moins la MPC a fluctué entre 4,5 et 3,3 milliards, observe l’IResS. Le total des revenus dépassant ce seuil a quant à lui augmenté de près de 20 %, passant de 106 à 127 milliards en dollars constants.

Le seuil de faible revenu de la MPC dans la région de Montréal était, par exemple, de 17 720 $ par année pour une personne seule en 2017, de 25 000 $ pour une famille monoparent­ale avec un enfant et de 35 400 $ pour une famille de deux parents et deux enfants. En cinq ans, près de 200 000 personnes sont passés audessus du seuil de la MPC, réduisant par le fait même la proportion de la population laissée pour compte de 11,8 % à 9 %.

Ce gain s’est surtout observé dans le groupe du deuxième décile, dont les revenus annuels se situaient en moyenne entre 18 400 $ et 25 000 $. C’est toutefois en milieu de peloton, dans les cinquième et les sixième déciles, que les revenus ont proportion­nellement progressé le plus.

En moyenne, les ménages du deuxième décile gagnaient l’équivalant de la MPC (1,1), contre deux fois plus pour le 6 décie (2,2) et trois fois plus pour le 9 (3,2).

Ces progrès sont probableme­nt attribuabl­es à un ensemble de facteurs, dont la bonne tenue de l’économie et les nouveaux programmes de prestation­s aux familles du gouverneme­nt fédéral, observe Simon Tremblay-Pepin.

Les grands oubliés

Les statistiqu­es dévoilées lundi par le Centre d’étude sur la pauvreté et l’exclusion (CEPE) du ministère québécois du Travail, de l’Emploi et de la Solidarité sociale, montrent d’immenses écarts entre les différents types de ménages.

Ainsi, si 9 % de l’ensemble des Québécois se trouvaient sous la MPC en 2017, cette proportion était de 3,5 % pour les personnes de 65 ans et plus et de 6,1 % pour les couples avec enfants, mais de près de 19 % pour les familles monoparent­ale et de 29 % chez les personnes seules de moins de 65 ans.

Ces dernières sont aujourd’hui les grandes oubliées de nos programmes sociaux, dit Simon Tremblay-Pepin, après des décennies de luttes contre la pauvreté surtout concentrée sur les personnes âgées, puis les familles avec enfants.

L’aide financière d’urgence déployée ces derniers mois par les gouverneme­nts par contrer les ravages économique­s de la pandémie de COVID-19 pourrait marquer une nouvelle avancée importante, espère-t-il. « Je ne dis pas que tout a fonctionné parfaiteme­nt, mais on a vu ce que pourrait avoir l’air des programmes de redistribu­tion de la richesse plus ambitieux. Je parierais que la pauvreté a reculé cette année. »

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MARIE-FRANCE COALLIER LE DEVOIR Les statistiqu­es du Centre d’étude sur la pauvreté et l’exclusion montrent d’immenses écarts entre les différents types de ménages.

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