Le Devoir

Le départ d’Annick Murphy soulève des questions

- MARIE-MICHÈLE SIOUI CORRESPOND­ANTE PARLEMENTA­IRE À QUÉBEC

La directrice des poursuites criminelle­s et pénales (DPCP), Annick Murphy, fera une déclaratio­n publique sur son départ hâtif à la retraite le moment venu, a confirmé mercredi une porte-parole du DPCP.

« Une communicat­ion publique, dont le moment et la forme restent à déterminer, sera assurément faite lorsque Me Murphy quittera ses fonctions », a affirmé Audrey Cloutier-Roy.

Mardi, jour d’élections américaine­s, Me Murphy a causé la surprise en annonçant son départ à la retraite en février, un an avant la fin prévue de son mandat. En réaction, Québec solidaire et le Parti québécois lui ont demandé de s’expliquer sur les raisons de son départ prématuré, ne serait-ce que pour cesser « d’alimenter la méfiance », tel que l’a déclaré Gabriel Nadeau-Dubois.

La ministre de la Sécurité publique, Geneviève Guilbault, s’est gardée de formuler une telle demande. Elle a plutôt suggéré aux médias de s’adresser directemen­t à Me Murphy pour comprendre sa décision. « Il faudrait lui poser la question. La décision de quitter ses fonctions avant sa retraite est une décision personnell­e », a-t-elle déclaré lors d’une mêlée de presse à l’Assemblée nationale. « On ne peut que respecter sa décision. […] Toute autre question devrait lui être adressée directemen­t », a-t-elle ajouté.

Me Murphy a refusé les demandes d’entrevue mercredi. « Nous allons décliner votre demande d’entrevue actuelleme­nt », a fait savoir Me RoyCloutie­r par courriel.

Départ anticipé

Annick Murphy est entrée en poste le 14 janvier 2015. La Loi sur le DPCP fixait la durée de son mandat, non renouvelab­le, à sept ans. Elle a annoncé mardi son intention de quitter ses fonctions en février 2021 — un an plus tôt que prévu — « afin de prendre sa retraite ».

Me Murphy est impliquée dans le processus de destitutio­n du directeur général de la Sûreté du Québec (SQ), Martin Prud’homme. Seize mois après une conversati­on téléphoniq­ue qu’elle a eue avec le patron de la SQ, elle a porté plainte contre lui, pour des motifs qui demeurent encore inexpliqué­s. La plainte de Me Murphy a ensuite entraîné la suspension de M. Prud’homme, en mars 2019.

Interrogée sur la question, la ministre Guilbault a refusé mercredi de « faire le lien entre les situations ».

Elle a plutôt insisté sur l’importance de nommer le successeur de Me Murphy en vertu « de notre nouveau processus », qui prévoit que le DPCP soit choisi avec l’assentimen­t des deux tiers des élus de l’Assemblée nationale.

« Je sais qu’il serait tentant de relier les points », a aussi remarqué l’élu péquiste Pascal Bérubé. « Je ne peux pas aller jusque-là. Je préfère, dans un premier temps, l’inviter [à] venir expliquer son départ prématuré. » Sur Twitter, il a ensuite proposé à Me Murphy de se prêter à une période de questions-réponses avec les journalist­es de l’Assemblée nationale.

« J’aimerais qu’on nous explique ce qui se passe de manière générale et, oui, notamment, est-ce que le départ de Mme Murphy est lié ou pas à la situation de conflit actuelleme­nt entre la SQ et le DPCP ? », a aussi réclamé le député solidaire Gabriel Nadeau-Dubois.

À son avis, le moment choisi par Me Murphy pour annoncer son départ précoce — le jour de l’élection américaine — est « vraiment curieux ». « Je ne veux pas tirer de conclusion trop rapidement, mais je trouve que c’est une décision qui n’est pas banale et j’aimerais mieux comprendre ce qui la motive », a-t-il déclaré.

Pour rappel, ce n’est pas la première fois qu’un haut dirigeant annonce son départ lors d’une journée d’élections. Robert Lafrenière avait annoncé qu’il quittait l’UPAC le 1er octobre 2018, jour de scrutin.

Lors d’un breffage technique visant à faire « comprendre le processus d’enquête de l’UPAC », le porte-parole de ce corps de police a salué la « très bonne collaborat­ion » du DPCP avec l’UPAC. « On espère que le ou la [successeur de Me Murphy] aura le même type de collaborat­ion », a déclaré le porte-parole Mathieu Galarneau.

Le Parti libéral n’a pas voulu commenter le départ de Me Murphy.

La décision de quitter ses » fonctions avant sa retraite est une décision personnell­e

GENEVIÈVE GUILBAULT

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