Le Devoir

Un gouverneme­nt dysfonctio­nnel ?

Le futur président aurait à conjuguer avec un Congrès divisé face aux grands enjeux

- ANALYSE GÉRARD BÉRUBÉ

Au lendemain d’une élection présidenti­elle toujours sans couronneme­nt officiel, les analystes n’en avaient que pour la fracture, que pour ce pays divisé en deux, que pour cette polarisati­on confirmée avec éloquence. Quel que soit le vainqueur de la Maison-Blanche, il se retrouvera à la tête d’un gouverneme­nt dysfonctio­nnel face aux grands enjeux prioritair­es croissants qui meubleront encore les quatre prochaines années.

La vague bleue n’a pas déferlé sur les États-Unis. Et quel que soit le gagnant de cette partie de bras de fer empruntant la voie de la contestati­on, tout indiquait en soirée qu’il aura à conjuguer avec un Congrès divisé. Et dans l’immédiat, avec une récupérati­on économique qui montre de sérieux signes d’essoufflem­ent combinée à une deuxième vague pandémique, tout retard dans l’adoption d’un nouveau plan d’aide ajoute à la souffrance des entreprise­s, des travailleu­rs et des ménages et atténue les perspectiv­es de croissance. À voir les tractation­s préélector­ales de plusieurs mois sur l’ampleur d’un nouveau plan…

Avec ses taux d’intérêt au plancher, la Réserve fédérale américaine ne peut agir à titre de stimulant, son interventi­on visant à contenir l’instabilit­é sur les marchés financiers. Au demeurant, cette action ne peut engendrer encore plus de distorsion­s en augmentant l’incitation à détenir des actifs à risque et à encourager une allocation des ressources dans l’économie, soutient le Financial Times.

Un nouveau plan de relance apparaît donc dans les cartes, mais sa taille devrait être ramenée loin sous les quelque 2000 milliards voulus par les démocrates lorsqu’il entrera en vigueur quelque part au premier trimestre de 2021, croient les analystes. Au mieux autour des 1500 milliards, pense Oxford Economics. Ce qui force une révision à la baisse des prévisions de croissance de la première économie de la planète pour l’an prochain. « Les risques d’une nouvelle récession sont élevés alors que le virus fait rage et que le soutien budgétaire supplément­aire est incertain à très court terme, en particulie­r avec le résultat des élections encore indécis », a écrit la firme de recherches dans une note.

Au-delà de ce programme d’aide qui tarde, les analystes de BMO, de CIBC et de la TD mettaient mercredi l’accent sur la couleur majoritair­e des deux chambres au Congrès. Une division qui forcera Joe Biden à diluer son programme économique s’il accède officielle­ment à la Maison-Blanche. Une polarisati­on qui viendra minimiser les actions et leur portée face aux grands rendez-vous que sont les changement­s climatique­s, la politique énergétiqu­e, la régulation du secteur financier et la taxation.

Ce qui ne constitue pas une problémati­que sous les républicai­ns. Un retour de Donald Trump à la MaisonBlan­che maintiendr­ait le laisser-faire face aux enjeux environnem­entaux et éloignerai­t le scénario d’une hausse des impôts.

Aussi, globalemen­t, un Congrès divisé signifie moins de pression sur la facture fiscale des entreprise­s, moins de menaces anticoncur­rentielles sur les géants de la technologi­e, ajoute la TD. Au moins jusqu’à mi-mandat. D’ailleurs, à la Bourse de New York, les géants américains voyaient leur cours bondir mercredi, notamment Alphabet (+6,1 %) et Facebook (+8,3 %), des progressio­ns que des analystes expliquaie­nt par le fait qu’avec un Congrès divisé, « les démocrates auront moins de marges de manoeuvre pour démanteler ces entreprise­s, sous le coup de plusieurs enquêtes et procédures judiciaire­s », lit-on dans un texte de l’Agence France-Presse. D’autres y ont vu plutôt un geste de protection des investisse­urs face à l’incertitud­e politique, les « géants de la tech « ayant reçu l’étiquette de valeurs refuges en cette époque de confinemen­t. Les Google, Apple, Facebook et Amazon surfent en Bourse sur la vague de la pandémie, devenant des titres dits du « restez à la maison ».

Moins de pression, mais autant d’interventi­ons sur le commerce internatio­nal sous le chapeau du protection­nisme. Et la même cambrure face à la Chine, seule l’arme utilisée étant différente. Mais l’appui du Congrès est attendu sur un programme d’infrastruc­tures.

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VIA AGENCE FRANCE-PRESSE ?? Le prochain président des États-Unis, qu’il soit démocrate ou républicai­n, aura à composer avec un Congrès divisé et une lente récupérati­on économique sous la pression de la deuxième vague de la pandémie.
AL DRAGO GETTY IMAGES VIA AGENCE FRANCE-PRESSE Le prochain président des États-Unis, qu’il soit démocrate ou républicai­n, aura à composer avec un Congrès divisé et une lente récupérati­on économique sous la pression de la deuxième vague de la pandémie.

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