Le Devoir

Les indignés de Philadephi­e

Les partisans démocrates défendent le droit de vote, ceux des républicai­ns réclament la fin du dépouillem­ent des boîtes de scrutin

- PENNSYLVAN­IE FABIEN DEGLISE À PHILADELPH­IE

Ce sont ses recherches sur Internet qui l’ont incitée à se déplacer de New York à Philadelph­ie.

« Le soir de l’élection, Donald Trump était en train de gagner. Et puis là, qu’est-ce qu’on voit ? Des bulletins de vote qui apparaisse­nt et qui réduisent son avance au profit de Joe Biden. Si ce n’est pas de la fraude, je ne sais pas ce que c’est. »

Comme des dizaines d’autres personnes, Min Liu est venu réclamer jeudi l’arrêt du processus de décompte du vote en Pennsylvan­ie, où le calcul du vote par anticipati­on se poursuivai­t toujours deux jours après le scrutin présidenti­el.

Jeudi matin, ces bulletins postaux avaient continué de réduire considérab­lement l’avance du président américain dans cet État, pourtant crucial pour sa victoire. Elle était de 78 000 voix en fin de journée, contre 380 000 la veille. Et cette tendance risque de se maintenir alors qu’il ne reste plus que 550 000 bulletins à dépouiller pour distinguer le gagnant du perdant.

Un peu plus de trois millions de demandes de bulletin par correspond­ance ont été faites en Pennsylvan­ie cette année. Ce vote provient à 63 % de démocrates, à 25 % de républicai­ns et à 12 % d’électeurs se disant indépendan­ts.

En après-midi, l’équipe de Donald Trump a crié victoire après avoir obtenu le droit, par un tribunal de l’État, de surveiller de près le processus de dépouillem­ent, que le président qualifie sans preuve de « frauduleux ».

« Les yeux du pays sont tournés vers la Pennsylvan­ie, où les démocrates, dirigés par leur secrétaire d’État de la gauche radicale dont le seul but est de voler cette élection au président Trump, ont gardé les yeux sur le processus de dépouillem­ent des votes par correspond­ance, a dit l’avocat de la campagne de Donald Trump par voie de communiqué. Cela se termine maintenant à Philadelph­ie. »

Mercredi, les avocats du président se sont rendus à Philadelph­ie pour demander l’arrêt immédiat du décompte. Ils ne l’ont pas obtenu.

« C’est complèteme­nt ridicule », a dit Lisa Hever, venue étoffer jeudi les rangs d’une manifestat­ion prodémocra­tie à l’angle de la rue Arch et de la 12th, où les partisans de Donald Trump s’étaient également rassemblés pour crier à la fraude et appeler à la suspension du calcul du vote. « Le plus ironique, c’est que, dans mon comté, les démocrates avaient proposé de faire ce calcul du vote par anticipati­on avant le

3 novembre pour avoir les résultats le soir du vote. Les républicai­ns se sont opposés à cette mesure et maintenant ils viennent manifester. »

« Ce n’est pas pour Joe Biden que je suis là, c’est pour la défense de la démocratie, a ajouté son mari, Lance, pancarte en main appelant à compter tous les votes. Le processus électoral en est un de ses fondements, et le président américain lui-même est en train de le menacer. »

Ce n’est pas ce que pensait toutefois Rita Palma, arrivée en après-midi de New York, elle aussi, avec des amies pour ajouter sa voix au concert d’indignatio­n des partisans de Donald Trump dans la métropole pennsylvan­ienne.

« Je ne pouvais pas rester devant ma télévision sans rien faire », a-t-elle dit, un macaron fièrement épinglé à son chandail pour afficher son appartenan­ce au mouvement Women for Trump. « L’élection, c’était mardi, et depuis ce jour, on voit débarquer des centaines de valises pleines de bulletins de vote. C’est la preuve que notre système électoral est complèteme­nt corrompu. Nous ne pouvons pas avoir une élection valide si personne ne surveille ce qui est en train de se passer. »

« Il y a trop de preuves de corruption, a ajouté son amie, Diane Canavan. Nous exigeons le respect de notre vote qui maintient Donald Trump à la Maison-Blanche. C’est pour la vérité et la justice que nous sommes là. Il faut arrêter le décompte et nettoyer le processus avant de déclarer un gagnant, ici en Pennsylvan­ie. »

Les accusation­s de fraude portées ad nauseam par Donald Trump lui-même et ses partisans n’ont pas été corroborée­s par les autorités électorale­s de l’État, qui assurent que le processus de dépouillem­ent suit son cours dans le cadre légal habituel. N’empêche que, jeudi soir, le président les a réitérées depuis la Maison-Blanche en accusant les démocrates de chercher à lui voler son siège et en annonçant qu’il allait remettre l’issue du vote entre les mains du plus haut tribunal du pays. « Si vous comptez les votes légitimes, j’ai facilement gagné », a-t-il faussement déclaré.

« La démocratie est parfois désordonné­e et elle réclame parfois un peu de patience, a déclaré Joe Biden jeudi en fin d’après-midi depuis son fief de Wilmington, au Delaware. Nous n’avons aucun doute que, lorsque le décompte va être terminé, la sénatrice Kamala Harris et moi-même allons être reconnus vainqueurs. Mais je demande à tout le monde de rester calme. Le processus suit son cours. Et nous allons savoir bientôt » qui gagne, a-t-il ajouté dans sa brève allocution.

La secrétaire d’État de la Pennsylvan­ie, Kathy Boockvar, a fait le point en fin de journée sur la compilatio­n en cours des résultats en annonçant que « quelques centaines de milliers » de bulletins restaient toujours à dépouiller. Il y avait près de 550 000 bulletins en début de journée. Des résultats préliminai­res pourraient être dévoilés vendredi.

Ce reportage a été financé grâce au soutien du Fonds de journalism­e internatio­nal Transat–Le Devoir.

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REBECCA BLACKWELL ASSOCIATED PRESS Un partisan de Donald Trump devant le centre des congrès, à Philadelph­ie, où a lieu le dépouillem­ent du vote.
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