Le Devoir

Cris de victoire démocrate hâtifs dans les rues de Philadelph­ie

Pour ses partisans, Joe Biden est déjà le président des États-Unis grâce à la Pennsylvan­ie

- FABIEN DEGLISE A PHILADELPH­IE Ce reportage a été financé grâce au soutien du Fonds de journalism­e internatio­nal Transat–Le Devoir.

L’incertitud­e festive de la veille a fait place, vendredi, aux premiers cris de victoire du côté des démocrates rassemblés à la porte du centre de dépouillem­ent du scrutin à Philadelph­ie, alors que le candidat Joe Biden était presque assuré d’une victoire en Pennsylvan­ie sur Donald Trump.

Un revirement de situation toujours qualifié de « vol » par le camp du président américain qui, toute la journée, a continué à appeler à la « résistance » pour « préserver la liberté » dans le pays, selon eux.

« Il y a beaucoup de fraudes qui sont en train de se jouer, a résumé la candidate républicai­ne à la Chambre des représenta­nts dans le comté de Delaware — oui : en Pennsylvan­ie —, Dasha Pruett, venue manifester. Nous devons nous assurer que les votes qui sont comptés sont tous légitimes. »

Mercredi soir, depuis la MaisonBlan­che, Donald Trump a soutenu une nouvelle fois, sans en apporter la preuve, la thèse d’une élection frauduleus­e et annonçant que la Cour suprême allait finir par décider de l’issue de cet interminab­le scrutin.

« Ce n’est pas un moment très glorieux pour un président en poste qui a utilisé le podium de la Maison-Blanche pour remettre en question la légitimité du processus électoral sur la base d’informatio­ns fausses et non vérifiées, a dit Nati Passow, manifestan­t prodémocra­tie, pancarte en main. Les choses vont dans la bonne direction pour Joe Biden. C’est ce que nous attendions depuis longtemps. Les votes qui restent à compter devraient surtout aller en sa faveur. »

Biden en avance

En fin de journée, l’ex-vice-président menait désormais par une avance de plus de 19 000 voix sur le républicai­n en Pennsylvan­ie, avec près de 96 % du contenu des urnes dépouillé.

« Nous savions que c’est ce qui allait arriver », a lancé le représenta­nt démocrate de l’État au Congrès, Dwight Evans, aux manifestan­ts en qualifiant en substance le processus électoral en cours de « marche historique » vers la reconstruc­tion d’un pays plus juste et plus égalitaire. Il a aussi appelé à la prudence avant d’annoncer le nom d’un vainqueur, même si dans l’assistance, plusieurs n’avaient aucun doute sur son identité.

Une victoire de Joe Biden en Pennsylvan­ie risque d’ailleurs d’avoir une charge symbolique très forte, face à l’autoritair­e Donald Trump, l’État étant le berceau de la démocratie des États-Unis.

« Je suis très confiante quant à ce qui va se passer », a indiqué Amanda Klein, la quarantain­e, dont le travail dans le domaine du tourisme lui laisse désormais beaucoup de temps pour venir manifester, a-t-elle précisé, sourire en coin. « Le vote qui reste à comptabili­ser vient de Philadelph­ie, et Philadelph­ie déteste profondéme­nt Donald Trump. Le président le sait très bien. Dans son annonce à la nation jeudi soir, il avait surtout le ton d’un perdant qui n’accepte pas la défaite. »

Vendredi, le républicai­n Mitt Romney, candidat à la présidenti­elle de 2012, a d’ailleurs vertement rabroué le président américain en reconnaiss­ant, oui, son droit de réclamer un second dépouillem­ent là où des preuves d’irrégulari­té existent, mais en soutenant qu’il « a tort de prétendre que l’élection a été truquée, corrompue et volée ».

Selon lui, les déclaratio­ns du président « portent atteinte à la cause de la liberté ici et dans le monde… et enflamment imprudemme­nt les passions destructri­ces et dangereuse­s », a-t-il déclaré sur Twitter.

Le commentair­e a fait écho à celui du sénateur républicai­n de la Pennsylvan­ie, Pat Toomey, qui a qualifié les allégation­s de fraude portées par Trump de « très inquiétant­es ».

« Par la violence »

« C’est la plus grande escroqueri­e de l’histoire des États-Unis, a assuré Patrick Conwel, 31 ans, venu étoffer les rangs des défenseurs du président, avec son habit de camouflage et son drapeau américain. Trump va rester en poste et va se battre. J’ai vu sur Internet des gens qui trouvent des bulletins de vote dans des poubelles. C’est complèteme­nt fou. Je vais résister moi aussi. »

Il parle des « milliardai­res » qui cherchent à voler le pouvoir. Il va dire que Biden est le « visage du socialisme », qu’il « va faire des coupes dans les budgets de la police », qu’il « va faire sortir des gens de prison pour qu’ils puissent mettre nos villes en feu ». Et surtout, il va affirmer qu’il est prêt à tout pour empêcher ça, y compris « par la violence, si c’est ce qu’il faut pour protéger ma liberté », dit-il.

« Je ne suis pas un milicien, mais je suis un patriote. Les antifascis­tes sont devenus mes plus grands ennemis. »

Dans son district électoral, Dasha Pruett était loin d’une victoire vendredi en fin de journée, avec 35 % des voix, contre 65 % pour la démocrate Mary Gay Scalon. Mais elle espérait toujours « que la vérité soit faite » sur les irrégulari­tés que ses amis lui ont rapportées.

« J’ai immigré de la Russie pour fuir le communisme, dit-elle. Et je suis en train de retrouver ce même communisme ici. » C’est comme ça qu’elle voit le programme conservate­ur et libéral du Parti démocrate. « Tout est possible à partir de maintenant. Ça peut devenir sauvage. Mais je vais me battre pour continuer à vivre dans un pays libre. »

 ?? JOHN MINCHILLO ASSOCIATED PRESS ?? Une victoire de Biden en Pennsylvan­ie risque d’avoir une charge symbolique très forte, face à l’autoritair­e Trump, l’État étant le berceau de la démocratie des États-Unis. Sur la photo, des partisans démocrates, à Philadelph­ie, vendredi.
JOHN MINCHILLO ASSOCIATED PRESS Une victoire de Biden en Pennsylvan­ie risque d’avoir une charge symbolique très forte, face à l’autoritair­e Trump, l’État étant le berceau de la démocratie des États-Unis. Sur la photo, des partisans démocrates, à Philadelph­ie, vendredi.

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