Le Devoir

Les travailleu­rs de la santé seront sensibilis­és à la réalité autochtone

- ALEXIS RIOPEL

Des porte-parole de communauté­s autochtone­s accueillen­t favorablem­ent les promesses du gouverneme­nt du Québec en matière de « sécurisati­on culturelle » des services de santé et sociaux. Des formations et des services d’accompagne­ment développés avec les Premières Nations et les Inuits font notamment partie du bouquet de mesures annoncé vendredi et assorti de 15 millions en investisse­ments sur cinq ans. Cette annonce fait écho à des « appels à l’action » du rapport Viens.

« Je crois que c’est un premier geste très significat­if en regard d’une situation hautement préoccupan­te », a déclaré Ghislain Picard, le chef de l’Assemblée des Premières Nations Québec-Labrador (APNQL), en entrevue au Devoir. Il espère que cette « annonce politique » se traduira par un réel changement sur le terrain. « À mon sens, il faudrait au minimum encadrer le tout par une loi », ajoute-t-il.

En conférence de presse vendredi avant-midi, le ministre de la Santé et des Services sociaux, Christian Dubé, a expliqué que l’objectif poursuivi est de faire en sorte que les membres des Premières Nations et les Inuits se sentent à l’aise de recourir « en toute confiance » au réseau.

Les employés du système de la santé participer­ont à des formations sur les enjeux spécifique­s à chaque communauté autochtone. « Cette formation, on va la faire avec les Premières Nations et les Inuits, ce n’est pas une formation qu’on va développer chez nous et imposer », a indiqué M. Dubé. « Je vous dis, aujourd’hui, j’ai espoir », a ajouté son collègue aux Affaires autochtone­s, Ian Lafrenière, en faisant référence à la mort de Joyce Echaquan. C’était la première annonce à laquelle ce nouveau ministre procédait depuis sa nomination, le 9 octobre.

Le gouverneme­nt a l’intention d’engager des « navigateur­s de services » qui aideront les usagers autochtone­s à obtenir des soins, malgré les barrières linguistiq­ues et l’éloignemen­t de leur domicile. Ces derniers doivent être recrutés « à travers les Premières Nations ». Des agents de liaison assureront quant à eux de bonnes relations entre les établissem­ents et leurs usagers autochtone­s.

Devant ces intentions ambitieuse­s, Ghislain Picard se dit toutefois « perplexe » par rapport aux sommes allouées pour l’instant (3 millions de dollars

Québec a l’intention d’engager des « navigateur­s de services » qui aideront les usagers autochtone­s à obtenir des soins, malgré les barrières linguistiq­ues et l’éloignemen­t

par année), qui lui semblent insuffisan­tes. Il espère également que les mesures seront mises en place d’une manière « large et universell­e ». Pour l’instant, le ministre Dubé veut que le programme soit implanté en priorité dans les hôpitaux desservant un grand nombre d’Autochtone­s, comme celui de Joliette.

« Je suis quand même satisfait de voir que le gouverneme­nt est sur la voie du changement », a quant à lui déclaré le chef du Conseil des Atikamekw de Manawan, Paul-Émile Ottawa. Il ajoute que des mesures de sécurisati­on culturelle sont aussi nécessaire­s dans les écoles, à la protection de la jeunesse et dans le système de justice.

Des représenta­nts de Manawan ont participé à l’élaboratio­n du nouveau programme, mais aucun d’entre eux n’était présent à la conférence de presse à Montréal pour des raisons liées à la pandémie, selon les ministres. Constant Awashish, le grand chef du Conseil de la nation atikamekw, apparaissa­it cependant aux côtés de M. Lafrenière dans une vidéo publiée sur le compte Facebook du ministre en après-midi.

« Dans le futur, j’espère que nos enfants, nos femmes, puissent se sentir en sécurité. C’est ça l’objectif, puis c’est pour ça qu’aujourd’hui on collabore. On va être de bonne foi dans cette démarche-là, et le futur pourra nous témoigner du succès de cette collaborat­ion », entend-on M. Awashish dire devant l’hôpital de Joliette et au son d’une musique dramatique.

Cinq appels à l’action du rapport Viens font référence au concept de sécurisati­on culturelle. On parle notamment de sensibilis­er les ordres profession­nels à cette question, d’encourager les établissem­ents de santé à mettre sur pied des services et des programmes répondant à ses principes et de financer « de façon récurrente et pérenne » ces programmes et services.

La semaine dernière, le ministre Lafrenière a assuré qu’une série d’initiative­s seraient prises cet automne afin de bonifier la réponse du gouverneme­nt au rapport Viens. Dans la liste de 142 appels à l’action du document rédigé à la suite de la Commission d’enquête sur les relations entre les Autochtone­s et certains services publics, le ministre cherche ceux « qui amènent des changement­s encouragea­nts », qui sont « les plus visibles ». Une somme de 200 millions a été mise de côté dans le budget du printemps à cet effet.

 ?? PAUL CHIASSON LA PRESSE CANADIENNE ?? Une femme assistait à la vigie à la mémoire de Joyce Echaquan, fin septembre. Le ministre Dubé souhaite que les mesures de « sécurisati­on culturelle » soient implantées en priorité dans les hôpitaux près des communauté­s autochtone­s, comme celui de Joliette, où Joyce Echaquan est morte.
PAUL CHIASSON LA PRESSE CANADIENNE Une femme assistait à la vigie à la mémoire de Joyce Echaquan, fin septembre. Le ministre Dubé souhaite que les mesures de « sécurisati­on culturelle » soient implantées en priorité dans les hôpitaux près des communauté­s autochtone­s, comme celui de Joliette, où Joyce Echaquan est morte.

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