Le Devoir

Kim Thúy, ou cultiver l’art du bonheur au quotidien

- CHARLES-ÉDOUARD CARRIER | COLLABORAT­ION SPÉCIALE

Étant donné que la pandémie nous oblige à en redessiner les contours, l’équipe des Publicatio­ns spéciales du Devoir part à la recherche du plaisir. Dans une série de rencontres mensuelles avec des personnali­tés publiques québécoise­s inspirante­s, on discute en texte et en vidéo de notre conception du plaisir — et du bonheur donc. Les petits comme les grands, ceux dont on s’ennuie, ceux que nous avons trouvés ou retrouvés. Rencontrée chez elle, dans le magnifique jardin de sa mère, Kim Thúy ouvre le bal, et nous démontre une fois de plus que de la contrainte peut naître la beauté.

« Ma mère est toute contente que ses fleurs soient encore belles ! » dit Kim dans un éclat de rire en me rejoignant dans le jardin de sa maison bigénérati­onnelle, à Longueuil. En ce vendredi d’octobre, c’est le temps des courges, c’est la fin des récoltes, mais les couleurs n’ont pas dit leur dernier mot dans cette oasis de paix minutieuse­ment entretenue par sa mère âgée de 75 ans.

Bien que l’autrice ait accordé plusieurs entrevues ces derniers temps pour parler de la sortie de son quatrième roman, Em, le 4 novembre, c’est quant à moi pour l’entendre parler de sa conception du plaisir et du bonheur que je me retrouve au milieu de son jardin. Le temps s’arrête sur une trame sonore urbaine et la discussion est lancée.

« Moi, je suis toujours heureuse », dit-elle simplement. La lumière dans ses yeux et ses éclats de rire francs qui ponctuent chacune de ses phrases en témoignent. Non seulement Kim contribue au bonheur des autres par ses livres, appréciés autant par la critique que par les lecteurs du monde entier, mais elle se donne tout naturellem­ent la mission de faire naitre des sourires dans les yeux qui croisent les siens.

« Je crois que le bonheur est contagieux, ajoute-t-elle. De façon très consciente, je me donne comme mission de partager cette chance que j’ai d’avoir le bonheur facile. Et si offrir des petits plaisirs autour de nous avait quelque chose d’héroïque ? » Elle raconte alors ce détour fait après une longue journée pour aller simplement resaluer une femme qui faisait la circulatio­n depuis le matin. Elle se souvient avec un plaisir palpable de ce sourire qu’elle a alors vu naître dans les yeux de la femme (un sourire de l’ère COVID, caché derrière un masque).

Cette façon qu’elle a de savoir apprécier les petites choses du quotidien, Kim cherche à la transmettr­e aux gens qui l’entourent. Pour elle, chaque petit geste compte. « Oui, les héros existent, dit-elle, mais pourquoi attendre la catastroph­e, la contrainte ou l’urgence pour devenir meilleur, plus grand, plus généreux jour après jour ? » questionne-t-elle.

Les bouleverse­ments d’une pandémie

Pour Kim Thúy, le bonheur et le plaisir passent aussi par la liberté : « C’est la comprendre, l’assumer et savoir quoi en faire. Il m’a fallu beaucoup de temps pour y arriver, explique-t-elle bien humblement. C’est à l’âge de 50 ans que j’ai saisi ce que signifient la liberté du bonheur et toute la légèreté que cet état nous procure. La liberté donne le bonheur, et le bonheur donne la liberté. » S’arrêtant pour replacer la fleur mauve qui décore ses cheveux, l’autrice réfléchie à voix haute : « C’est comme si la liberté se traduisait par la confiance de se dire qu’on peut se laisser aller, qu’on peut laisser la vague nous transporte­r. »

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© FRANÇOIS HACHÉ, ONELAND.MEDIA

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