Le Devoir

Par les temps qui courent

- NATHALIE SCHNEIDER | COLLABORAT­ION SPÉCIALE

En à peine quelques mois, nous sommes (presque) tous devenus des Forrest Gump en puissance. Même les néophytes qui ne s’en seraient jamais crus capables. Ceux qui s’entraînent régulièrem­ent en salle voient cette activité comme une solution pour demeurer actifs malgré tout. Quel que soit son niveau de pratique, chacun y trouve une bulle de liberté réconforta­nte en cette période trouble.

Commencer en douceur

« Normal, explique la coureuse Fanny Lloret, c’est une bonne façon de garder la forme. Et ça démontre à quel point la course à pied fait partie de la qualité de vie. » Le jogging, la jeune Montréalai­se en a même fait son outil de travail : son agence, Coureurs Montréal, propose (en temps normal) des visites au pas de course en groupe pour découvrir certains quartiers de la métropole.

Un conseil, cependant, à l’attention de ceux qui font leurs premiers pas de course ou qui s’y remettent après une longue interrupti­on : « Il faut commencer à courir très graduellem­ent, dit-elle. Profitons de cette période pour courir moins en volume et travailler davantage la technique. » La bonne technique, c’est de courir le plus possible sur l’avant du pied, surtout pas sur le talon. La coureuse suggère d’appliquer la formule de l’alternance : cinq minutes (ou moins) de course normale suivie de la même durée sur la pointe des pieds. Ou même, d’alterner marche rapide et course si on est vraiment débutant. L’idée, c’est de s’entraîner plus en douceur, moins en force : « Une bonne façon de travailler sur l’amorti et d’éviter de se blesser. » Il va sans dire que le temps ne se prête pas aux risques inconsidér­és.

À nous la rue !

Pour autant, les recommanda­tions de distanciat­ion physique nous imà posent-elles de courir uniquement en solo ? « Préférable­ment, oui, dit-elle. Et surtout pas en groupe. Si on court à deux, il faut garder ses distances avec l’autre. Car, quand on court, on brasse de l’air. » Ici, comme ailleurs, le bon sens s’applique : il faut être suffisamme­nt éloigné pour ne pas risquer de projeter ses fameuses gouttelett­es sur son partenaire de course.

La meilleure façon d’appliquer le principe de la distanciat­ion sociale à cette activité : éviter le plus possible les lieux où se concentren­t habituelle­ment les coureurs, comme les parcs urbains et les pistes cyclables. Courir tôt le matin ou tard le soir peut être une bonne option pour éviter l’affluence.

Programme d’entraîneme­nt ou pas ?

Quand on commence à intégrer le jogging à son quotidien, on en constate très vite les effets. D’une séance l’autre, la foulée est plus légère, le cardio plus performant, la puissance musculaire plus solide. Mais il faut se méfier des ambitions démesurées et du syndrome « un marathon ou rien » dès la première année. Pour aider les néophytes à progresser en toute sécurité et à se fixer des objectifs réalisable­s, plusieurs programmes d’entraîneme­nt sont offerts sur les grands canaux d’informatio­n : livres, vidéos, sites Internet de fabricants ou de boutiques spécialisé­es.

Adhérer à un programme rigoureux aide ceux qui ont besoin d’un cadre à se projeter dans la durée. D’autres peuvent trouver cela un peu trop contraigna­nt. « C’est affaire de goût, explique Joan Roch, coureur émérite, conférenci­er et auteur du best-seller Ultra-Ordinaire, journal d’un coureur, paru en 2016. En ce moment, on peut se fixer l’objectif d’aller courir — ou marcher — chaque jour ; ça crée une routine. Et ça s’intègre bien au quotidien puisqu’on passe beaucoup moins de temps dans les transports. » Selon lui, écouter les signaux de son corps vaut tous les programmes d’entraîneme­nt du monde : « Dès qu’une douleur survient, il faut arrêter, car, sans même le savoir, on peut modifier sa foulée pour compenser et ça peut créer d’autres problèmes. »

Légèreté et liberté

Pour cet ultra-marathonie­n (adepte des courses de longue distance de 320 km), la course à pied est bien plus qu’une activité de mise en forme. C’est un art de vivre. Mieux : un regard porté sur le monde. Ce résidant de Longueuil qui, en temps normal, se rend à son travail chaque jour de l’année sur l’île de Montréal au pas de course (20 km aller-retour), voit cette activité comme une fenêtre ouverte sur la ville et sur les gens qui y vivent. Cet été, Joan Roch s’est offert une aventure hors du commun : relier au pas de course Montréal depuis Percé, soit 1135 km de bitume avalés en une quinzaine de jours. Manière d’explorer le Québec des régions, un pas à la fois, avec une simplicité qui facilite les rencontres et procure un profond sentiment de liberté.

Une liberté qui autorise à se mouvoir au gré de ses envies, de changer de cap sans préavis parce que la lumière est belle par ici, la vue attirante par là. Pour Joan Roch, ça a changé sa vie. Informatic­ien de jour, il en a fait, au fil des années, une seconde carrière : un deuxième livre est prévu pour cette année, une exposition photo, des conférence­s, une chaîne YouTube. Et, avec ça, une vie de famille. « La routine est la meilleure façon d’intégrer la course à son quotidien, c’est la clé pour continuer, dit-il. Mais il faut aussi s’assurer de le faire accepter à son entourage ! » L’occasion est belle présenteme­nt pour inscrire cette activité dans la continuité. Juste pour le plaisir.

C’est une manière d’explorer le Québec, un pas à la fois, avec une simplicité qui procure un profond sentiment de liberté

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| COURTOISIE L’ULTRA-MARATHONIE­N JOAN ROCH

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