Surfer sur la vague bleue
Le milieu littéraire s’unit pour profiter de l’intérêt envers l’achat local en promouvant le livre d’ici comme bouée pendant le confinement
Durement touché, comme tout le domaine culturel, lors de la première vague de confinement, le milieu littéraire se retrousse les manches pour susciter l’engouement et séduire de nouveaux lecteurs. Alors que l’intérêt envers l’achat local est plus marqué que jamais, l’industrie saute à pieds joints dans la vague bleue avec la campagne promotionnelle « Je lis québécois ».
C’est la première fois que tous les grands acteurs de l’écosystème du livre québécois — parmi lesquels l’Union des écrivaines et des écrivains québécois (UNEQ), l’Association des libraires du Québec (ALQ) et l’Association nationale des éditeurs de livres (ANEL) — s’unissent pour faire la promotion du livre et des libraires d’ici.
« Lorsqu’on se compare aux autres secteurs de la culture, qui tentent présentement de continuer à vivre sur les plateformes numériques, on se dit qu’on a un petit miracle devant nous, indique Katherine Fafard, directrice générale de l’ALQ. Pour plusieurs, le livre est devenu une bouée de sauvetage, un lien précieux avec l’art pendant le confinement. »
Les chiffres ne mentent pas. Après une période plus difficile au printemps,
les ventes auprès du grand public dans les librairies indépendantes ont connu un net redressement, pour finalement outrepasser celles de 2019.
Entre le 11 mars et le 31 octobre, les ventes de livres ont augmenté de 9 % par rapport à l’année dernière, selon les données récoltées par la Société de gestion de la Banque des titres de langue francophone (BTLF). En octobre seulement, la hausse était de près de 50 %.
Lorsqu’on inclut les livres vendus dans les bibliothèques, les écoles et les autres établissements publics — une part importante du chiffre d’affaires des librairies indépendantes —, les impacts se font davantage sentir. Les ventes essuient un retard de 2,7 % par rapport à 2019.
« Chaque semaine, on remonte tranquillement la pente, et on amenuise le retard accumulé, soutient Karine Vachon, directrice générale adjointe de l’ANEL. Mais comme les bibliothèques sont fermées, et que les événements littéraires ne peuvent avoir lieu en présentiel comme à l’habitude, c’est un bon moment pour sensibiliser les gens à ce que le livre peut leur apporter en cette période de grande solitude. »
« On fait de grands livres au Québec »
Pour le milieu du livre, hors de question, donc, de s’asseoir sur ses lauriers. La campagne « Je lis québécois » — qui sera déployée à la télévision, à la radio, ainsi que dans les médias écrits et numériques — met en valeur la grande diversité et la richesse des oeuvres écrites par les auteurs de la province.
« On fait de grands livres au Québec, souligne Laurent Dubois, directeur général de l’UNEQ. De plus en plus, on se retrouve sur les listes des prix littéraires les plus prestigieux. On écrit non seulement de bons romans, mais aussi de bonnes bandes dessinées, des essais et des écrits jeunesse audacieux, de la magnifique poésie et j’en passe. Il n’y a rien qu’on ne fait pas. Il y en a pour tout le monde, pour toutes les générations et pour les adeptes de tous genres. »
Le milieu espère aussi encourager les Québécois à se tourner vers leur librairie de quartier lorsque vient le temps de faire leurs achats ou de récupérer les commandes effectuées sur la plateforme Web des libraires. Car malgré les chiffres reluisants et la fidélité des lecteurs, la vente en ligne s’avère en fait une opération à coûts nuls, voire avec pertes, pour les commerçants indépendants.
« Les coûts de livraison vers le consommateur sont tellement importants qu’ils grugent toute la profitabilité que nous pourrions en tirer », explique Katherine Fafard.
Pour ce faire, le site Web de la campagne aide les utilisateurs à repérer leurs librairies de quartier, et les incite à demander conseils et suggestions à leur libraire. « L’année a été difficile pour tout le circuit littéraire. On souhaite rappeler que chaque achat de livre peut aider un écrivain, mais aussi un commerçant d’ici », poursuit M. Dubois.
Des événements littéraires virtuels
Les acteurs du milieu se disent également préoccupés par la deuxième vague de confinement, qui contraint certains salons du livre à se tenir virtuellement — y compris celui de Montréal, qui aura lieu du 12 au 15 novembre prochains.
« Les librairies sont certes ouvertes toute l’année, mais les salons du livre permettent un contact privilégié avec les auteurs et des rencontres avec des livres dont on n’aurait peut-être jamais entendu parler autrement. De plus, ils attirent des centaines de milliers de visiteurs, et génèrent beaucoup de retombées médiatiques autour du livre. C’est difficile de prévoir si la nouvelle formule suscitera autant d’intérêt », explique Mme Fafard.
La campagne « Je lis québécois » fait donc aussi la part belle à ces événements afin de leur donner un maximum de visibilité sur son site Web et ses médias sociaux. « J’ai beaucoup d’admiration pour les organisations, qui ont trouvé des moyens de se réinventer avec la webdiffusion de grands entretiens, des tête-à-tête virtuels avec des auteurs, des concours, des défis de lecture et des rallyes », se réjouit Karine Vachon.
À l’approche de Noël, les libraires, les écrivaines et écrivains, ainsi que les éditrices et éditeurs espèrent que les livres d’ici se retrouveront sous bien des sapins cette année. Et si les résultats sont concluants, ils prévoient déjà de renouveler l’initiative en 2021.
Lorsqu’on se compare aux autres secteurs de la culture, qui tentent présentement de continuer à vivre sur les plateformes numériques, on se dit qu’on a un petit miracle devant nous. Pour plusieurs, le livre est devenu une bouée de sauvetage, un lien précieux avec l’art pendant le confinement.
KATHERINE FAFARD