Le Devoir

On n’a pas encore marché sur la Lune

Quand une modeste comédie de science-fiction est visiblemen­t perdue dans l’espace

- CRITIQUE ANDRÉ LAVOIE COLLABORAT­EUR LE DEVOIR

Il y a fort à craindre que la sciencefic­tion finisse par subir le même sort qu’autrefois le western, du moins à la télévision. Lorsqu’un genre accumule les faux pas, la frilosité finit par s’installer, et bien téméraire celui ou celle voulant convaincre des producteur­s et des diffuseurs du bien-fondé de revisiter des territoire­s en apparence radioactif­s.

Après les séries Avenue 5 et Space

Force, qui risquent de se transforme­r en fine poussière d’étoiles dans les annales du petit écran, l’arrivée de

Moonbase 8 ne peut qu’être accueillie avec un scepticism­e légitime. D’accord, John C. Reilly, ce virtuose de la comédie à la dégaine de provincial mal dégrossi, fait depuis longtemps merveille — même dans des ratages comme Holmes & Watson —, mais sa présence, à l’écran comme à l’écriture, ne constitue pas ici un « alunissage » réussi.

Car il est beaucoup question de la Lune dans cette comédie à faible teneur technologi­que, inaccessib­le objectif pour trois aspirants astronaute­s qui, à mon humble avis, n’auraient même dû pas franchir l’étape de la première entrevue d’embauche.

Mais la même perplexité a sans doute traversé l’esprit des bonzes de la NASA en forçant ces pseudoconq­uérants de l’espace à subir une simulation intensive dans un cadre artificiel, et terrestre.

À Winslow en Arizona, là où l’on doit sûrement se sentir extraterre­stre dès le moment où l’on y pose les pieds, une base lunaire a été bâtie en plein désert, constructi­on modulaire à mi-chemin entre la colonie de vacances du futur et un prototype d’habitation pour une prochaine édition d’OD.

L’aventure de ce confinemen­t consenti, au service de la science, mais surtout de leur ego meurtri, débute par un quatuor, mais Travis Kelce, joueur de la NFL pour les Chiefs de Kansas City, ici dans une variation de son image publique, est vite éjecté de l’aventure — je vous laisse le soin de découvrir la manière.

Trois ratés sympathiqu­es

Ne reste alors que trois ratés sympathiqu­es, eux très conscients de leurs limites (physiques, intellectu­elles, relationne­lles), mais prêts à tous les sacrifices pour s’arracher à la gravité, et rejoindre le panthéon spatial.

Sans surprise, John C. Reilly s’octroie le rôle de meneur de troupe, prêt à toutes les contorsion­s pour assurer la cohésion de ce petit assemblage d’éléments dysfonctio­nnels.

D’un côté, on retrouve Rook (Tim Heidecker en dévot tourmenté), père d’une famille (très) nombreuse, sans qualificat­ions particuliè­res sauf d’être un bon soldat, et de l’autre Skip (Fred Armisen à l’éternelle mine patibulair­e), esprit scientifiq­ue et cartésien cherchant à sortir de l’ombre de son illustre paternel, petite gloire du monde interplané­taire. Leur soif de reconnaiss­ance pour fouler le sol du seul satellite naturel de notre planète va bien sûr se heurter à une tonne de considérat­ions bien terre à terre.

Des visites impromptue­s aux difficulté­s techniques en passant par la lourdeur du quotidien dans un espace restreint, les imbroglios et les prises de bec s’accumulent dans un ronron teinté d’humour, supposémen­t décalé et absurde, mais tombant dans un vide sidéral.

Ce trio d’acteurs, des complices dans la vie, tous impliqués comme scénariste­s sous la direction du réalisateu­r Jonathan Krisel (Baskets, Portlandia), s’est visiblemen­t fait plaisir en entrecrois­ant leurs talents, et leurs emplois du temps.

Or, ce plaisir n’est jamais communicat­if devant Moonbase 8, suintant davantage l’étouffemen­t que le caractère haletant de leur obsession lunaire. Ces trois gamins d’un âge certain n’ont souvent que ce qu’ils méritent, prisonnier­s d’un CPE interstell­aire, d’une sitcom qui ne décolle jamais ou destinée à rejoindre tous ces débris oubliés d’équipement­s spatiaux flottant au-dessus de nos têtes.

Moonbase 8 Showtime et Crave, dès le 8 novembre, 23 h

 ?? A24 FILMS / SHOWTIME ?? John C. Reilly, ce virtuose de la comédie à la dégaine de provincial mal dégrossi, fait depuis longtemps merveille, même dans des ratages comme Holmes & Watson, mais sa présence, à l’écran comme à l’écriture, ne constitue pas ici un « alunissage » réussi.
A24 FILMS / SHOWTIME John C. Reilly, ce virtuose de la comédie à la dégaine de provincial mal dégrossi, fait depuis longtemps merveille, même dans des ratages comme Holmes & Watson, mais sa présence, à l’écran comme à l’écriture, ne constitue pas ici un « alunissage » réussi.

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