La médiocrité de Trump
On aime penser que Trump a surpris en livrant une performance meilleure que prévu, qu’il faut tirer les leçons de cette élection — en reconnaissant notamment la légitimité des opinions défendues par ses supporters.
Bien sûr, ses supporters ne sont pas tous des imbéciles finis et autres tarés — cela, il faut le reconnaître. Mais je pense surtout que n’importe quel président « normal », c’est-à-dire juste assez soucieux de rassembler les gens et de se préoccuper de leur bien-être, juste assez responsable et minimalement compétent, l’aurait emporté facilement dans des circonstances semblables, contre un candidat — Joe Biden — qui avait pour première (et principale) qualité d’être un aimable vieux monsieur inoffensif.
Certains avancent que la pandémie aura privé Trump d’un second mandat. C’est une erreur. C’est même le contraire qui aurait dû se produire. Regardez le résultat de toutes les élections qui se tiennent depuis le début de la pandémie dans les démocraties aux quatre coins du monde : presque systématiquement, ce sont les gouvernements et les présidents en place qui sont reconduits, ne serait-ce que par une sorte de réflexe de solidarité et par un besoin de stabilité qui fait que les gens n’ont aucune envie de changement. C’est d’ailleurs la principale raison pour laquelle Trump a fait mieux que prévu : non pas tant parce que les gens n’osaient pas se déclarer pour lui, mais parce qu’en ces temps troubles, la « prime à l’urne » favorisait d’emblée la continuité plutôt que la rupture. C’est pourquoi sa défaite est la preuve ultime de sa médiocrité. Mathieu Bélisle, essayiste, auteur de L’empire invisible.
Essai sur la métamorphose de l’Amérique
Le 7 novembre 2020