Le Devoir

Combien de morts dus à la trop grande centralisa­tion ?

- Guy Gagné Ex-membre du conseil d’administra­tion d’un centre hospitalie­r

Nous n’aurons jamais de réponse chiffrée à cette question. Mais celle-ci se pose d’autant plus qu’un groupe de 700 médecins a remis un rapport au ministre de la Santé dont le message principal était le suivant : depuis le début de la pandémie, des patients sont décédés parce que les médecins n’avaient pas la latitude de prendre certaines décisions à cause de la trop grande centralisa­tion. À titre d’exemple simple, ceux-ci mentionnen­t leur incapacité de faire placer un mur entre deux sections d’hôpital afin d’éviter des contaminat­ions.

À la guerre, si le soldat sur la ligne de feu doit télécopier une demande au quartier général pour bouger, la guerre risque d’être perdue. C’est ce qui est arrivé avec la COVID-19 en première phase.

En 2015, l’ex-ministre de la santé Gaétan Barrette, gravement atteint du syndrome de la centralisa­tion excessive, a réduit le nombre de CISSS et de CIUSSS de 182 à 34. Il a aussi décidé que, dorénavant, le ministre lui-même en nommerait les p.-d.g. Dans la même opération, 1500 postes de gestionnai­res ont été éliminés. Ainsi ont été créés des monstres bureaucrat­iques qui comptent souvent entre dix mille et vingt mille employés.

Heureuseme­nt, le ministre Barrette n’a pas été muté à l’Éducation. Si cela s’était produit, nous aurions probableme­nt une dizaine de cégeps au lieu des 48 actuels. J’ai travaillé 35 ans dans le réseau collégial, dont près de 25 à titre de directeur des services administra­tifs. J’y ai toujours apprécié l’autonomie dont nous disposions. Celle-ci nous permettait notamment de régler les problèmes rencontrés. Le directeur général était sur place, et n’importe quel professeur, étudiant ou autre pouvait se présenter à son bureau ou à celui d’un directeur et faire part d’un besoin, d’une récriminat­ion, d’une suggestion. Plus facile d’intervenir à temps quand on est au coeur des activités et des ressources. Aujourd’hui, personne ne prétend que l’on devrait changer la structure des cégeps.

Le Parti libéral a payé et va payer encore longtemps pour cette réforme désastreus­e. La CAQ devrait aussi se pencher sérieuseme­nt sur ce dossier. Jusqu’à récemment, celle-ci a maintenu, à peu de choses près, l’ensemble de la réforme. Elle devrait s’y intéresser parce que l’électorat est vieillissa­nt, et qui dit vieillisse­ment dit aussi appels plus fréquents et urgents aux services de santé. Lors d’une prochaine élection, la qualité des soins de santé risque d’être le premier critère d’un segment de plus en plus important de la population.

À la suite de l’hécatombe dans les CHSLD, le gouverneme­nt a effectué un premier redresseme­nt en nommant un responsabl­e dans chacun de ces établissem­ents. Celui-ci doit toutefois aller plus loin et faire la même chose dans les différents points de services du réseau de la santé. Des dollars seront dépensés, mais ultimement des vies seront sauvées !

Autre pas à faire : le p.-d.g de chaque CISSS ou CIUSSS devrait être choisi et nommé par son conseil d’administra­tion, et non par le ministre. À l’heure actuelle, un p.-d.g ne peut sortir sur la place publique pour défendre son organisati­on. Il est muselé parce que son patron, c’est le ministre et non son conseil d’administra­tion.

Dernier point, même si rebrasser des structures est onéreux au sens large du terme, parfois, il le faut. MM. Legault et Dubé devraient y réfléchir. Regrouper CLSC, CH et CHLSD d’une même région avait du sens. Ce fut fait en 2004. Mais quelles sont la logique et la valeur ajoutée pour le patient, dans un territoire comme la Montérégie, où j’habite, de regrouper en une seule entité tous les points de service en santé des régions de Saint-Hyacinthe, de Sorel-Tracy et d’une partie de Longueuil ? C’est ce que Gaétan Barrette a fait en 2015.

La CAQ a réformé les commission­s scolaires pour donner plus de pouvoir aux gens sur le terrain. Pourquoi cela ne serait-il pas valable en santé ?

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