Trump, la chute
À l’image des rats qui quittent le navire, des républicains prennent leurs distances
En assistant aux pathétiques soubresauts dictatoriaux du président Trump, on ne peut s’empêcher de penser à Downfall (La chute), excellent film inspiré d’un ouvrage de l’historien Joachim Fest et relatant les derniers jours de Hitler et de sa garde rapprochée dans le sinistre bunker du Reich. Son esprit ayant irrémédiablement perdu tout contact avec la réalité, le Führer déchu n’exprime plus que des émotions primaires où la rage se mêle au dépit et à la haine pure, crachant des ordres impossibles à exécuter à des officiers contraints de jouer le jeu jusqu’au dernier instant. Dérangeant. Oppressant.
Dans son délire mégalomane, Trump croit, pour y avoir fait nommer trois juges, que la Cour suprême des ÉtatsUnis est à sa botte et que le plus haut tribunal du pays accueillera sans hésiter sa requête farfelue visant à faire annuler le vote du 3 novembre. Comme ça, sans autre preuve que cette affirmation gratuite : « Les élections étaient truquées ! ». Un mensonge qui s’ajoute à la montagne des 25 000 mensonges proférés par Trump depuis quatre ans. Ses chances d’obtenir par la voie judiciaire un second mandat sont nulles. Qu’il le croie malgré tout ne nous étonnera pas. Cet individu vit dans un monde parallèle. Mais que d’autres membres de la famille républicaine continuent en dépit de tout bon sens à le soutenir dépasse l’entendement.
Qui sont ces derniers fidèles ?
Aussi déconnecté que son patron, on peut d’abord nommer l’horrible Rudy
Giuliani. L’ex-maire de New York qui fait tout ce qu’il peut pour noircir le peu d’éclat qui pouvait rester de son heure de gloire post-11 septembre 2001. On ne compte plus les absurdités de ses entrevues délirantes. Il se sera surpassé dans les jours ayant suivi l’élection présidentielle, déclarant à Philadelphie qu’il avait entendu parler d’un électeur ayant voté à lui seul 100 000 fois pour les démocrates qui, s’en étonnera-t-on, auraient même fait voter des morts ! Giuliani n’est plus qu’une mauvaise joke, un clown patenté qui a gaspillé ses dernières réserves de crédibilité en farfouillant dans son pantalon, avachi sur un lit de chambre d’hôtel, victime d’un canular de Borat. Et c’est sur les conseils juridiques de Rudy que s’appuie Trump.
À côté de cet illuminé, on a les incontournables « bons soldats » Lindsey Graham et Newt Gingrich. Ces deux extrémistes de droite, on peut comprendre.
Mais s’ajoute, étonnamment, à ce tandem d’indéfectibles trumpistes le sénateur Ted Cruz. Ce même homme que Trump a écrasé jusqu’à plus soif de son mépris et de ses insultes lors de la course républicaine en 2016. Rappelons [...] que Trump a traité Cruz de « plus grand menteur de la politique », de « sale hypocrite ». S’abaissant encore plus dans le salissage, Trump avait même élaboré à l’époque une théorie du complot en insinuant que le père de Ted Cruz (qui avait déjà été photographié en compagnie du tristement célèbre Lee Harvey Oswald) avait peut-être été mêlé (qui sait ?) au complot pour l’assassinat de JFK ! Rien que ça. Achevant de fouler au pied le peu de dignité qui pouvait lui rester, Ted Cruz affiche encore une loyauté sans faille à son chef et le conforte dans son déni de la défaite.
Bien entendu, devoir filial oblige, les deux rejetons, Donald Jr. et Eric, font partie du cercle des loyalistes. Il faudra qu’un psy se penche bientôt, en particulier, sur le cas inquiétant de Donald Jr. Dans son désir freudien de plaire à la figure du père, cet homme multiplie les déclarations où il recule les frontières de la stupidité et où son non-verbal proprement hystérique laisse soupçonner un sérieux trouble d’hyperactivité ou une consommation abusive de substances psychotropes. Un pastiche malaisant du père.
Ajoutons à ces suspects usuels la fille Ivanka et le beau-fils Jared et tout ça a des relents de Vol au-dessus d’un nid de coucou.
Au chapitre des bonnes nouvelles, des républicains prennent déjà leurs distances. Comme le fait déjà Fox News. Jamais l’image des rats qui quittent le navire n’aura connu une si belle incarnation.
Depuis des mois qu’il avait préparé le terrain en semant sans cesse des doutes infondés sur le vote postal, Trump ne surprend ici personne avec ce rejet véhément du triomphe des démocrates. Tous les observateurs politiques s’entendaient pour dire que, advenant une victoire de Biden, Trump crierait à la fraude et ne reconnaîtrait jamais le verdict du peuple américain. La loyauté de l’entourage qui lui reste étant forgée dans la peur, on doute par ailleurs que quiconque osera l’affronter et l’obliger à admettre sa défaite. Un exercice qui serait vain, de toute façon.
À quoi, donc, s’attendre dans les prochaines semaines ? Prédiction personnelle : à encore plus de tweets colériques et désespérés, à encore plus de menaces, à encore plus d’attaques trumpiennes.
Notre homme ne voudra jamais partir. Il n’y a qu’une seule manière d’assurer une transition : faire un « deal » avec Donald. Du moment qu’il croira avoir berné tout le monde avec ce « deal », il quittera enfin la MaisonBlanche. Pas avant.