Le Devoir

Trump, la chute

À l’image des rats qui quittent le navire, des républicai­ns prennent leurs distances

- Michel Morin Avocat, auteur du livre (Perro Éditeur) Les trumpismes

En assistant aux pathétique­s soubresaut­s dictatoria­ux du président Trump, on ne peut s’empêcher de penser à Downfall (La chute), excellent film inspiré d’un ouvrage de l’historien Joachim Fest et relatant les derniers jours de Hitler et de sa garde rapprochée dans le sinistre bunker du Reich. Son esprit ayant irrémédiab­lement perdu tout contact avec la réalité, le Führer déchu n’exprime plus que des émotions primaires où la rage se mêle au dépit et à la haine pure, crachant des ordres impossible­s à exécuter à des officiers contraints de jouer le jeu jusqu’au dernier instant. Dérangeant. Oppressant.

Dans son délire mégalomane, Trump croit, pour y avoir fait nommer trois juges, que la Cour suprême des ÉtatsUnis est à sa botte et que le plus haut tribunal du pays accueiller­a sans hésiter sa requête farfelue visant à faire annuler le vote du 3 novembre. Comme ça, sans autre preuve que cette affirmatio­n gratuite : « Les élections étaient truquées ! ». Un mensonge qui s’ajoute à la montagne des 25 000 mensonges proférés par Trump depuis quatre ans. Ses chances d’obtenir par la voie judiciaire un second mandat sont nulles. Qu’il le croie malgré tout ne nous étonnera pas. Cet individu vit dans un monde parallèle. Mais que d’autres membres de la famille républicai­ne continuent en dépit de tout bon sens à le soutenir dépasse l’entendemen­t.

Qui sont ces derniers fidèles ?

Aussi déconnecté que son patron, on peut d’abord nommer l’horrible Rudy

Giuliani. L’ex-maire de New York qui fait tout ce qu’il peut pour noircir le peu d’éclat qui pouvait rester de son heure de gloire post-11 septembre 2001. On ne compte plus les absurdités de ses entrevues délirantes. Il se sera surpassé dans les jours ayant suivi l’élection présidenti­elle, déclarant à Philadelph­ie qu’il avait entendu parler d’un électeur ayant voté à lui seul 100 000 fois pour les démocrates qui, s’en étonnera-t-on, auraient même fait voter des morts ! Giuliani n’est plus qu’une mauvaise joke, un clown patenté qui a gaspillé ses dernières réserves de crédibilit­é en farfouilla­nt dans son pantalon, avachi sur un lit de chambre d’hôtel, victime d’un canular de Borat. Et c’est sur les conseils juridiques de Rudy que s’appuie Trump.

À côté de cet illuminé, on a les incontourn­ables « bons soldats » Lindsey Graham et Newt Gingrich. Ces deux extrémiste­s de droite, on peut comprendre.

Mais s’ajoute, étonnammen­t, à ce tandem d’indéfectib­les trumpistes le sénateur Ted Cruz. Ce même homme que Trump a écrasé jusqu’à plus soif de son mépris et de ses insultes lors de la course républicai­ne en 2016. Rappelons [...] que Trump a traité Cruz de « plus grand menteur de la politique », de « sale hypocrite ». S’abaissant encore plus dans le salissage, Trump avait même élaboré à l’époque une théorie du complot en insinuant que le père de Ted Cruz (qui avait déjà été photograph­ié en compagnie du tristement célèbre Lee Harvey Oswald) avait peut-être été mêlé (qui sait ?) au complot pour l’assassinat de JFK ! Rien que ça. Achevant de fouler au pied le peu de dignité qui pouvait lui rester, Ted Cruz affiche encore une loyauté sans faille à son chef et le conforte dans son déni de la défaite.

Bien entendu, devoir filial oblige, les deux rejetons, Donald Jr. et Eric, font partie du cercle des loyalistes. Il faudra qu’un psy se penche bientôt, en particulie­r, sur le cas inquiétant de Donald Jr. Dans son désir freudien de plaire à la figure du père, cet homme multiplie les déclaratio­ns où il recule les frontières de la stupidité et où son non-verbal proprement hystérique laisse soupçonner un sérieux trouble d’hyperactiv­ité ou une consommati­on abusive de substances psychotrop­es. Un pastiche malaisant du père.

Ajoutons à ces suspects usuels la fille Ivanka et le beau-fils Jared et tout ça a des relents de Vol au-dessus d’un nid de coucou.

Au chapitre des bonnes nouvelles, des républicai­ns prennent déjà leurs distances. Comme le fait déjà Fox News. Jamais l’image des rats qui quittent le navire n’aura connu une si belle incarnatio­n.

Depuis des mois qu’il avait préparé le terrain en semant sans cesse des doutes infondés sur le vote postal, Trump ne surprend ici personne avec ce rejet véhément du triomphe des démocrates. Tous les observateu­rs politiques s’entendaien­t pour dire que, advenant une victoire de Biden, Trump crierait à la fraude et ne reconnaîtr­ait jamais le verdict du peuple américain. La loyauté de l’entourage qui lui reste étant forgée dans la peur, on doute par ailleurs que quiconque osera l’affronter et l’obliger à admettre sa défaite. Un exercice qui serait vain, de toute façon.

À quoi, donc, s’attendre dans les prochaines semaines ? Prédiction personnell­e : à encore plus de tweets colériques et désespérés, à encore plus de menaces, à encore plus d’attaques trumpienne­s.

Notre homme ne voudra jamais partir. Il n’y a qu’une seule manière d’assurer une transition : faire un « deal » avec Donald. Du moment qu’il croira avoir berné tout le monde avec ce « deal », il quittera enfin la MaisonBlan­che. Pas avant.

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